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15) Miloš Urban : Les Sept églises

Miloš Urban, photo: Tomáš Vodňanský, ČRo
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Miloš Urban, 52 ans, a rencontré un succès international avec son deuxième livre, Sedmikostelí (Les Sept églises), paru en tchèque en 1999 et douze ans plus tard en français. C’est un roman captivant, à cheval entre le polar et le roman historique, qui fait revivre la Prague médiévale dans le décor d’aujourd’hui. Un roman aussi sur la quête de soi, dont l’auteur, Miloš Urban, est l’invité de cette émission.

« J’ai été un étudiant sans le sou. Pendant mes années universitaires, je passais tout mon temps à étudier, à la faculté ou dans la cité universitaire, de crainte d'être viré de l’école. Je n’ai pas su profiter de Prague que je ne connaissais pas, où je n’avais pas l’habitude de me promener. »

Ecrivain, traducteur et rédacteur en chef à la maison d’édition pragoise Argo, Miloš Urban ne cache pas qu’à travers Les Sept églises, son premier grand roman, il a en quelque sorte « réglé ses comptes » avec Prague, sa ville d’adoption, qu’il se l’est enfin appropriée.

Né en 1967 à Sokolov, en Bohême de l’Ouest, Miloš Urban a passé son enfance à Londres et sa jeunesse à Karlovy Vary. Il a étudié l’anglais et les langues scandinaves à l’Université Charles, pour passer ensuite une année de stage à l’Université d’Oxford. On l'écoute :

'Les Sept églises',  photo: Argo

« Pendant longtemps, Prague m’inspirait de la peur. Je ne m’y sentais pas accepté. Cela n’a changé qu’en 1989, pendant mon séjour d’études en Norvège. Mes amis là-bas m’ont demandé si je venais de Prague. Du coup, j’ai réalisé que je ne me sentais plus comme un ‘Karlovarák’, un habitant de Karlovy Vary, mais que j’étais bien un ‘Pražák’, un Pragois. »

« Après avoir écrit mon premier ouvrage, ‘Le point final aux manuscrits’ qui se veut être une œuvre de littérature factuelle, j’avais très envie de me lancer dans un véritable roman de fiction, un grand roman qui m’amuserait et avec lequel, ou plutôt dans lequel je pourrais vivre pendant plusieurs années. Ce roman, Les Sept églises, marque aussi ma réconciliation avec Prague. Du coup, le héros de ce livre vit aussi une relation compliquée avec cette ville. Ce sont les autres personnages qui lui font découvrir la beauté époustouflante des lieux généralement peu prisés des touristes. »

L'église Notre-Dame de l'Assomption et Saint-Charlemagne à Karlov,  photo: Štěpánka Budková

Une intrigue policière dans le décor de la Prague gothique

L’écrivain dit effectivement s’être beaucoup projeté dans le personnage principal des Sept églises, ce jeune policier féru d’histoire médiévale qui se présente avec l’initiale « K », car il a honte de son nom de Květoslav Švach (une allusion au mot allemand ‘schwach’ – faible en français). Ce policier qui vient d’être licencié a un don unique : il voit ce que les autres ne peuvent voir. Voilà pourquoi il est choisi par une étrange confrérie aux intentions obscures et se voit confronté au défi d’élucider une série de meurtres particulièrement étranges, cruels et incompréhensibles.

Photo: Éd. Au diable vauvert

Paru en 2011 aux éditions Au diable vauvert, le roman Les Sept églises a été traduit en français par Barbora Faure. L’éditeur Charles Recoursé avait alors expliqué à Radio Prague International ce qui l’avait séduit dans ce livre :

« Les Sept églises est un roman profondément gothique au sens de la littérature du XIXe-XXe siècle et qui présente un personnage assez effacé, plutôt rêveur, étudiant en histoire malgré son poste dans la police au début du roman. Il se retrouve, par un enchaînement d’événements qu’il aurait préféré éviter, conduit à enquêter sur une série de meurtres qui se déroulent dans la Prague d’aujourd’hui, mais qui résonne très largement avec la Prague médiévale, celle des églises. »

«  Miloš Urban correspondait parfaitement à ce qu’on cherchait : c’est quelqu’un qui écrit sur la ville, qui écrit des choses modernes, mais en se référant à une tradition littéraire, ce qui est pour nous très intéressant car cela permet de créer un pont entre notre époque et une autre tradition gothique, plus spécifiquement pragoise. Il écrit cela avec une très grande intelligence, avec une capacité très fine à mêler le roman historique au polar. Pour nous, c’est vraiment un auteur qui apporte quelque chose à la littérature tchèque, ce qu’a confirmé le succès de ses autres romans, mais aussi à la littérature européenne en général. »

L’église Saint-Apollinaire

Profondément marqué par le célèbre roman Le nom de la rose d’Umberto Eco, ainsi que par les romans gothiques anglais des XVIIIe et XIXe siècles, le polar et la littérature d’épouvante en général, Miloš Urban nous présente dans ce livre quelque chose de plus : Les Sept églises sont un guide touristique pas comme les autres. Dans le roman, l’écrivain décrit avec exactitude le lieu où se déroule l’histoire, à savoir la Nouvelle-Ville de Prague, plus précisément sa partie située entre la place Charles et le pont de Nusle.

Un guide de Prague pas comme les autres

'Les Sept églises',  photo: Argo

Au fil de l’histoire, le lecteur se rend compte que ce quartier, fondé au XIVe siècle par l’empereur Charles IV, n’est pas seulement le simple décor d’une intrigue policière, mais que ses maisons, ruelles et notamment ses églises, sont des éléments clés du roman. La description des lieux et de leur historie est tellement passionnante qu’elle donne au lecteur l’envie se lever, de prendre le livre et d’aller physiquement sur les traces du héros et… de l’écrivain. On écoute Miloš Urban :

« J’ai trouvé le quartier de la Nouvelle-Ville absolument magique et inconnu. Quand je m’étais promené pour la première fois devant les églises Saint-Apollinaire, Sainte-Catherine ou celle de Karlov, j’ai eu un sentiment très fort qu’il fallait écrire cette histoire. C’était une évidence. J’ai vu l’histoire se dérouler devant moi, comme si je regardais un film. »

« Je marchais dans les rues, je prenais des notes, j’ai acheté un enregistreur car les smartphones n’existaient pas encore. Et j’écrivais les scènes que j’imaginais dans un cahier. Ensuite, il m’a fallu étudier un tas d’ouvrages sur l’histoire de la Nouvelle-Ville. »

Miloš Urban,  photo: Ondřej Tomšů

« L’endroit qui m’a le plus marqué dans ce quartier, c’est l’église Saint-Apollinaire et ses environs. Là-bas, j’ai vu la statue d’une jeune fille dans le jardin d’une école maternelle. Elle avait une couronne de fleurs sur la tête. C’est avec cette image et ce qui se passe ensuite dans le clocher de l’église que commence le roman. La statue a été vandalisée ce qui m’a fait penser que cet endroit cachait peut-être un mystère, un mal ancien… »

Le roman Les Sept églises est sorti dans une vingtaine de pays. Il est devenu culte en Espagne et en Amérique du Sud et devrait prochainement être adapté au cinéma en République tchèque. A noter que Miloš Urban est l'auteur d’autres romans à succès, dont Hastrman (Le génie des eaux), Ve stínu katedrály (L’ombre de la cathédrale) ou Santiniho jazyk (La langue de Santini). Hélas, ils ne sont pour l’instant pas accessibles aux lecteurs francophones.

Les sept églises du roman 'Sedmikostelí'

Auteurs: Magdalena Hrozínková , Tomáš Pancíř
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