Pactes de l’ONU : la Tchéquie dit oui aux réfugiés et non aux migrants

Photo: Archiv DFID - UK Department for International Development, Flickr, CC BY 2.0

Deux pactes de l’ONU sur des sujets a priori assez similaires. Deux pactes non-contraignants. Deux pactes par rapport auxquels la République tchèque a adopté deux réactions totalement différentes. Si la Tchéquie s’est désengagée du Pacte de Marrakech sur les migrations qui est officiellement signé à New York ce mercredi, elle soutient par contre le Pacte sur les réfugiés approuvé lundi par l’Assemblée générale de l’ONU.

Photo: Archiv DFID - UK Department for International Development,  Flickr,  CC BY 2.0
Si les deux pactes soutenus par les Nations Unies ont été conçus pour améliorer la vie de tous les gens qui se déplacent dans le monde, ils recouvrent tous deux des réalités différentes, comme on le rappelle à l’ONU. C’est d’ailleurs aussi l’argument avancé par la République tchèque pour justifier son approche différente vis-à-vis des deux documents. Elle rappelle qu’un réfugié, qui fuit en général son pays en raison de craintes de persécutions, d’un conflit ou de violences, n’est pas un migrant qui, lui, change de pays de résidence pour d’autres motifs. Si le distinguo est également fait par l’ONU, d’où l’existence des deux pactes, la récente crise migratoire a toutefois montré que les raisons amenant des gens à quitter leur pays rendait la frontière entre les deux notions souvent bien floue.

Instrumentalisé par les partis d’extrême-droite et populistes ainsi que par les partisans de la fermeture des frontières, le Pacte pour la migration a finalement été formellement approuvé à Marrakech début décembre, devant quelque 160 pays réunis. Nombre de pays qui l’avaient un premier temps validé ont fini par s’en retirer dont la République tchèque, mais aussi les autres pays du groupe de Visegrad (V4).

Le ministre des Affaires étrangères hongrois avait un temps expliqué que le Pacte de Marrakech définissait la migration comme un droit de l’Homme. Une forme de désinformation et de simplification à outrance du discours politique qui est un non-sens, selon Michal Broža, directeur du Bureau d’information de l’ONU à Prague :

Michal Broža,  photo: ČT24
« Il n’existe rien de tel dans le document. Ce texte ne peut définir aucun droit, car il n’est pas contraignant juridiquement. D’un autre côté, ce qui ressort de ce document, c’est qu’on ne parle pas d’aspects techniques, mais d’humains. Cela veut dire que les gens qui se déplacent de manière irrégulière, qui ont franchi des frontières sans papiers, restent des humains. Cela signifie aussi qu’ils ont des droits conférés par exemple par la Convention internationale des droits de l’Homme. Même en passant une frontière de façon illégale, ils ne perdent pas ces droits. C’est de ça qu’il s’agit au final : ces gens ne doivent pas perdre leur dignité et leurs droits fondamentaux. »

Depuis le début de la crise migratoire, la République tchèque, et les trois autres pays du groupe de Visegrád, a été intransigeante sur l’accueil des migrants et a systématiquement refusé le principe des quotas souhaités par l’UE. Une intransigeance qu’elle a donc conservée en lien avec le Pacte mondial sur les migrations, tout comme ses partenaires du V4, qui voient dans le pacte un encouragement à des flux migratoires incontrôlés. Et ce, en dépit des efforts menés par l’ONU pour justement trouver une solution commune à un problème global. Pour Michal Broža, ce refus est toutefois une façon de reculer pour mieux sauter :

« Je pense que tous les Etats qui ont décidé de ne pas adhérer au Pacte mondial sur les migrations seront bientôt confrontés au fait que le problème les concerne aussi, quoiqu’ils puissent en penser et que le système de coopération internationale que le Pacte s’efforce d’élargir est en fin de compte dans leur intérêt. Donc tous les pays, dont la République tchèque, ont le droit de ne pas y adhérer, mais je crois que les Etats qui ont approuvé le document ont une bonne base pour l’avenir. En réalité, nous ne sommes qu’au début du chemin… »

Si la République tchèque (contrairement aux Etats-Unis et à la Hongrie) a choisi toutefois d’approuver ce lundi le Pacte mondial sur les réfugiés, c’est parce que, dit-elle, celui-ci n’a aucun impact sur la politique migratoire des pays qui s’engagent.

Pourtant ce refus de certains pays à adhérer à l’un ou l’autre de ces textes semble davantage motivé par des questions idéologiques et la volonté des gouvernements concernés de ne pas se mettre à dos des opinions publiques souvent réticentes à l’accueil de migrants. En effet, ni le Pacte sur les migrations ni celui sur les réfugiés n’est contraignant pour aucun Etat, ce que déplorent d’ailleurs les partisans d’une gestion solidaire des crises migratoires qui les jugent timorés parce que consensuels. Il s’agit davantage d’un engagement collectif et symbolique à mettre en œuvre de « bonnes pratiques » par rapport aux enjeux migratoires du XXIe siècle.