Partie en fumée, l’église Saint-Michel renaît virtuellement de ses cendres grâce à un modèle 3D

L’incendie de l’église orthodoxe Saint-Michel, photo: Leoš Kučera/Twitter Hasiči Praha

Quelques semaines avant le tragique incendie qui a réduit en cendres la petite église orthodoxe Saint-Michel dans le Ve arrondissement de Prague, le photographe américain Jeffrey Martin avait eu l’occasion d’en réaliser un modèle 3D. Il a fait don de son travail pour aider à la reconstruction de l’édifice fait de bois datant du XVIIe siècle qui avait jusqu’alors traversé les époques et les territoires…

L’incendie de l’église orthodoxe Saint-Michel,  photo: Leoš Kučera/Twitter Hasiči Praha

Un incendie s’est déclaré le 28 octobre dernier au sein de l’église orthodoxe Saint-Michel. Le majestueux édifice en bois n’a pas résisté aux flammes et, depuis, tous attendent qu’il embellisse à nouveau les  hauteurs des jardins Kinský. Le conseil municipal s’est empressé d’appeler à une collecte publique sur un an pour mener rapidement et à bien la reconstruction. Le maire de Prague, Zdeněk Hřib, a annoncé qu’il voulait y participer à titre privé par une somme symbolique de 1929 couronnes, en référence à la date d’installation de l’église orthodoxe à Prague.

Un heureux hasard a voulu que le photographe américain Jeffrey Martin réalise un modèle 3D précis du monument quelques semaines seulement avant l'incendie. Il l’a remis aux autorités pour les aider à la reconstruction qui s’annonce ardue.

Jeffrey Martin,  photo: Juan Pablo Bertazza

Il a expliqué à Radio Prague International pourquoi son attention s’était portée sur l’église orthodoxe.

« Je passe devant en traversant le parc de Petřín pour aller au travail. Je l’ai donc vu de nombreuses fois. Cette église est le fruit d’une histoire étrange. Elle a été construite dans un village, transférée dans un autre pour finalement être démontée, chargée dans un train et assemblée ici. Il y a quelques temps, j’ai commencé à faire de la photogrammétrie 3D, c’est-à-dire à scanner. Le bâtiment a une bonne taille mais sans être trop imposant. C’est une surface parfaite pour réaliser un modèle 3D. Il est fait de bois et ce matériau est assez accommodant pour réaliser un scan en 3D car il ne renvoie pas la lumière. Il n’est ni brillant, ni réfléchissant et avec de nombreux points caractéristiques qui se correspondent donc c’est assez facile à faire. »

La modélisation 3D est basée sur environ 1 200 photographies prises par Jeffrey Martin. Après que l'incendie s’est déclaré, le photographe a cherché un moyen de contacter les autorités pour leur proposer son travail, ce qu'elles ont accepté immédiatement.

Le modèle 3D de l’église orthodoxe Saint-Michel,  photo: Jeffrey Martin

Depuis que l'église a été ramenée entièrement démantelée il y a plus de quatre-vingt-dix ans de la région de la Ruthénie subcarpathique, qui appartenait alors à la Tchécoslovaquie, il existe une documentation très détaillée sur le bâtiment, y compris sur le mobilier présent à l'intérieur. Ces plans seront un complément parfait à la technologie du XXIe siècle selon le photographe.

L’église orthodoxe Saint-Michel après l’incendie,  photo: Joseph Le Fer

« Je ne sais pas dans quel état sont les plans existants et quel est leur degré de précision. Je suppose que la plupart des pièces ont été numérotées et mesurées mais je ne sais pas si les mesures sont très précises. Un modèle 3D peut avoir une marge d’erreur d’un centimètre ou même moins. L'église n'est pas seulement faite d'angles droits, c'est certainement une structure assez complexe. »

Mais le processus risque de prendre du temps. Les autorités devront d'abord établir un budget et ensuite prendre des décisions importantes concernant le type de reconstruction.

« Je ne sais pas s'ils veulent faire une réplique exacte de ce à quoi elle ressemblait ou la reconstruire selon un modèle plus idéal. Mais s'ils veulent faire une réplique fidèle à l’original, le modèle 3D devrait être vraiment très utile. »

L’église orthodoxe Saint-Michel,  photo: Site officiel de Parohia Praga

L’église orthodoxe Saint-Michel a une histoire  assez incroyable. Elle a été amenée à Prague par train en 1929 depuis la région de la Ruthénie subcarpathique alors intégrée à l’ancienne Tchécoslovaquie, une région devenue aujourd’hui l’oblast de Transcarpathie en Ukraine. Avec le traité soviéto-tchécoslovaque du 29 juin 1945, la Tchécoslovaquie a dû renoncer à la Ruthénie au profit de l’Ukraine soviétique, les Ruthènes étant considérés comme des Ukrainiens par l’URSS.

Jan Pohunek, conservateur à la Galerie nationale, a expliqué à la Télévision tchèque pourquoi le monument a fait un si long voyage.

« L'idée était de faire un musée en plein air, où il y aurait eu des bâtiments de toute la Tchécoslovaquie, y compris de la Ruthénie subcarpathique. »

L’église orthodoxe Saint-Michel,  photo: Site officiel de Parohia Praga

En fait, Prague était la deuxième étape de cette église qui, depuis sa construction au XVIIe siècle dans le village de Velyki Luchky, avait déjà été déplacée à Medvedivtsi, une autre ville près de Moukatchevo en 1793. Une fois arrivée par train dans la capitale, la ville de Prague n'a pas trouvé de site approprié pour le musée en plein air qui devait commémorer le dixième anniversaire de l'existence de la Tchécoslovaquie. Finalement, la petite église orthodoxe en rondins de bois a trouvé sa place dans les jardins Kinský où, jusqu’au 28 octobre encore,  ses trois tours se mêlaient à la cime des arbres de la colline de Petřín.

L’église orthodoxe Saint-Michel,  photo: Prasopestilence,  CC BY-SA 3.0
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