« Pas de ressentiment envers les Tchèques », dit le fils de Reinhard Heydrich
Rares sont les Tchèques qui ne connaissent pas le nom de Reinhard Heydrich, « le boucher de Prague », le SS-Obergruppenführer, « Protektor » de Bohême-Moravie, mort de ses blessures après un attentat commis par deux parachutistes tchécoslovaques le 27 mai 1942. Lorsque le nom de Heydrich fait à nouveau l’actualité en République tchèque, cela prend une ampleur assez inhabituelle, mais cela fait aussi et surtout beaucoup de bruit pour rien.
L’affaire remonte au 24 mars, avec la diffusion par la première chaîne de la radio publique tchèque d’un reportage intitulé « Le fils de Heydrich veut aider à rénover le château de Panenské Břežany ». Le château de Panenské Břežany est le lieu où résidait la famille Heydrich pendant la guerre. Dans ce reportage, l’actuel maire de cette commune, Libor Holík, racontait la venue du fils de Reinhard Heydrich, Heider Heydrich, qui lui aurait apparemment proposer de l’aider à récolter des fonds pour rénover le château.
Pourtant, lorsque nous avons joint Heider Heydrich par téléphone après son retour en Bavière, ce n’est pas exactement ce qu’il a dit :
« C’est vrai que je suis venu à Panenské Břežany, pour effectuer une visite tout à fait privée, puisque comme vous le savez peut-être mon frère est enterré là-bas. A cette occasion j’ai rencontré une vieille dame qui a travaillé dans le jardin il y a longtemps. Elle m’a montré l’emplacement exact où il a été enterré. Nous avons échangé des souvenirs personnels de manière tout à fait chaleureuse et sympathique. »« Il y avait aussi le maire de la commune, qui m’a dit qu’il était triste et contrarié par l’état du bâtiment et de toute la propriété. Je lui ai dit que je partageais son avis. »
« Mais si quelque chose doit être fait, seul le propriétaire peut le faire. Et le propriétaire, d’après ce que le maire m’a dit, n’a pas le projet de faire des travaux et n’a pas de moyens financiers pour en faire. A partir de là, la question de mon éventuelle aide est sans objet. Le maire connaît le propriétaire, il m’a dit qu’il avait parlé deux ou trois fois avec lui. »
« On ne peut apporter son aide que lorsqu’on vous le demande et qu’il y a un plan concret que l’on peut aider à réaliser. Quand ce n’est pas le cas, ça n’a pas de sens. »
Voilà pour la mise au point, le maire Libor Holik (qui est membre du parti politique VV dont on parle beaucoup en ce moment) a fini par concéder il y a quelques jours qu’il avait peut-être un peu extrapolé et a envoyé une lettre d’excuses à Heider Heydrich.Cette histoire, reprise par de nombreux médias nationaux et étrangers avant le démenti du fils Heydrich, a eu en tout cas le mérite pour certains historiens tchèques d’établir avec certitude que le fils ainé de Heydrich, victime d’un accident en 1943, était bien enterré dans le jardin du château. « Nous pensions que le cercueil avait été emmené par la mère en Allemagne après la guerre », indique l’historien Jaroslav Čvančara.
Klaus Heydrich s’est fait renverser en octobre 1943 par une camionnette qui transportait une équipe de foot. Et Čvančara de préciser au quotidien MF Dnes que c’est un médecin juif, qui travaillait comme une centaine d’autres prisonniers dans le domaine du château, qui a tenté de lui donner les premiers soins.Pour Heider Heydrich, ce retour à Panenské Břežany le mois dernier était très nostalgique :
« C’est un bout de mon enfance. Quand vous avez joué là-bas en tant que petit garçon, quand vous y avez passé du temps, bien sûr c’est un morceau de ma jeunesse, dont je me suis d’ailleurs souvenu avec la jardinière. Elle a travaillé dans le jardin et nous les enfants, moi aussi, nous aidions parfois dans ce jardin. Nous y avons planté des fleurs, elle s’en souvenait, je me suis souvenu d’elle. Nous avons parlé des autres personnes, du jardinier en chef, du garde forestier qu’elle connaissait, nous avons échangé des souvenirs, rien de plus… »
C’est l’historien Jaroslav Čvančara qui avait invité Heider Heydrich à Prague et l’a emmené à Panenské Břežany. Très remonté contre le comportement du maire et la médiatisation de cette fausse histoire de rénovation, il s’est quand même déclaré content d’avoir pu communiquer avec le fils de Reinhard Heydrich, qui selon lui était tout à fait disposé à parler du passé.A Radio Prague, Heider Heydrich a dit qu’il aimait la République tchèque, malgré le fait que son père y ait été tué :
« Nous ne vivons plus au temps du nazisme. Vous pouvez supposer que j’ai appris ce qui s’est réellement passé pendant cette période. J’avais 10 ans quand je suis parti de là-bas. J’ai rencontré des amis là-bas. J’aime ce pays et la ville de Prague, une belle ville et un beau pays européen.Pour moi, c’est un charmant pays…
Je n’ai aucun ressentiment envers les Tchèques, je comprends les circonstances et les respecte. »
Après ce dernier passage remarqué en République tchèque, Heider Heydrich, aujourd’hui âgé de 76 ans, confie qu’il ne reviendra plus.
« Je ne vais pas revenir à Prague ou ailleurs. J’ai beaucoup d’amis là-bas que je rencontrai, j’aimais venir en République tchèque. Mais je ne retournerai plus là-bas, ce temps est révolu, et je n’ai plus de raison d’y retourner. »
Selon le journal MF Dnes, le maire de Panenské Břežany voulait lui rendre visite pour tout lui expliquer, mais il a poliment refusé…