Pavlina Koubska : « En France, on me voyait d’abord comme une énarque, ensuite comme une Tchèque »
A 29 ans, Pavlina Koubska a un CV déjà bien rempli. Des études à l’Université Charles, une maîtrise parfaite du français, deux ans à la prestigieuse Ecole nationale d’administration en France d’où sortent les hauts fonctionnaires français et les futurs cadres du pays, un stage à la préfecture de Tulle, fief du socialiste François Hollande, une région française à sa charge dans le cadre de son travail à la DIACT, et aujourd’hui des perspectives d’emploi plus que prometteuses. Pavlina Koubska a un parcours sans faute et tient fermement les rênes de son destin.
Lors de son récent passage à Prague, j’ai évoqué avec elle ce parcours original. Et pour commencer par le commencement, je lui ai demandé comment une jeune étudiante tchèque avait pu entrer à l’ENA :
« La politique de l’ENA aujourd’hui, c’est que chaque promotion est composée d’un tiers d’étrangers. Une promo c’est 150 étudiants dont 50 étudiants étrangers. Il y a des concours qui sont particuliers pour les étrangers qui les passent dans les ambassades respectives de leur pays, puis ils suivent exactement le même parcours que les étudiants français. »
En quelle année vous êtes-vous retrouvée à l’ENA ?
« J’ai commencé en 2003. Avant, dans le cadre de mes études à la faculté des sciences sociales à Prague, j’avais pu faire un stage au Sénat français. C’est là que j’ai appris qu’il y avait cette possibilité à l’ENA. J’ai passé le concours à l’ambassade de France à Prague. C’était en 2003, et j’ai terminé l’ENA en 2005. »
Que pensez-vous que cherche cette école en essayant de promouvoir l’accès à l’ENA aux étrangers ? Quels profils recherchent-ils ?
« Je crois que c’était d’abord destiné aux personnes déjà fonctionnaires dans leur pays pour créer une espèce de réseau entre les hauts fonctionnaires de chaque pays. Après ça a un peu changé. L’ENA a aussi accepté de prendre les étudiants qui venaient de finir leurs études. C’était mon cas. Pour les étudiants communautaires de l’ENA existait – ou existe toujours – cette possibilité d’intégrer pendant deux ou trois ans l’administration française. »
Parlez-moi de vos études à l’ENA. Vous connaissiez bien sûr déjà la France. Mais y a-t-il des choses qui vous ont surprise dans le système d’enseignement ? Quelles sont les choses qui diffèrent du système tchèque ? Et qu’est-ce que l’ENA vous a apporté ?
« L’ENA est déjà une école particulière : étudiants français et étrangers intègrent l’ENA après avoir effectué un parcours particulier. Ce sont des juristes, des gens qui ont fait Sciences Po. La vocation de l’ENA, c’est d’appliquer ce qu’on a appris auparavant. C’est très pratique. Vous commencez par un stage, ce qui est très particulier pour les étrangers puisque vous arrivez et trois semaines après, vous vous retrouvez dans une préfecture. Moi je me suis retrouvée en Corrèze ! J’ai complètement découvert la France profonde, la campagne française. Je me suis tout de suite retrouvée dans le cabinet du préfet. Et je pense que ce côté pratique était important. C’est ce qui manque un peu au système tchèque. »
Est-ce que vous vous êtes sentie bien intégrée ? Les étrangers restaient-ils plutôt entre eux ou est-ce que vous avez réussi à rentrer plus en contact avec les étudiants français ou une certaine distance est-elle restée ?
« On dit toujours que les énarques français sont difficiles d’approche. Ce n’est vrai que pour une partie. Pour les étrangers, c’était difficile surtout au début : il fallait toujours prouver qu’on comprenait le français mais aussi le système français. »
Vous parliez de la réputation de l’ENA... On dit souvent de l’ENA que c’est un système élitiste et de copinage. Est-ce que vous avez ressenti cela en faisant vos études ? Et est-ce qu’en travaillant, vous avez ressenti que ce système par réseau marchait par après ?
« Je pense que je l’ai ressenti justement après, parce qu’après c’était beaucoup plus facile de trouver un emploi, pour une étrangère. Parce qu’ils ne vous regardaient pas comme une étrangère, mais comme une énarque. Mais c’est vrai qu’après, quand j’ai commencé à travailler dans l’administration française, c’était plus difficile. En tant qu’énarque, il fallait toujours prouver qu’on sait tout faire. Ce qui est intéressant, c’est que j’étais d’abord vue comme une énarque, ensuite comme une Tchèque. Une chose est sûre : quand on parle en France de savoir s’il faut ou non supprimer l’ENA, je pense que sa suppression ne résoudrait rien. C’est tout le système qui est, dès le départ, assez élitiste. »
Vous êtes donc sortie de l’ENA. Après, vous avez travaillé à la DIACT, la Direction Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires. Comment vous êtes-vous retrouvée à la DIACT ?
« Je voulais quelque chose de lié à la politique régionale. C’était donc naturel de se tourner vers ce qui s’appelait à l’époque la DATAR. C’est une structure interministérielle, donc pas un ministère en tant que tel. On s’occupe de la politique régionale de l’aménagement du territoire. Je m’occupe de la région Midi-Pyrénées. Je vais souvent à Toulouse. Je travaille sur les pôles de compétitivité, sur les programmes financés par les fonds structurels et sur le financement national, ce qu’on appelle : le contrat de projet Etat-région. »En fait, vous gérez et coordonnez l’utilisation des fonds européens au niveau des régions ?
« C’est cela. Il y a une nouvelle période de programmation 2007-2013. Donc en 2006 et un peu en 2007, on a négocié le programme avec la Commission européenne pour la région Midi-Pyrénées. »
Depuis quand travaillez-vous à la DIACT et jusqu’à quand va votre contrat ?
« J’ai eu un contrat de trois ans. J’ai commencé en 2005. Et mon contrat expire fin mars 2008. »
Est-ce qu’il y a une chance que votre contrat soit reconduit ou avez-vous envie de changer, de revenir en RT peut-être?
« Le contrat est renouvelable une fois, c’est possible donc. J’aurais tendance à avoir envie de bouger. Je me dis qu’au bout de trois ans, j’ai un peu fait le tour. Je ne dis pas que je connais tout, mais… En plus, il y a un hasard qui fait bien les choses pour moi. C’est la présidence de l’Union européenne : le deuxième semestre 2008, c’est la France, et la Tchéquie reprend le flambeau. J’ai donc l’intention de faire un lien entre ces deux pays, soit en France, soit en République tchèque. C’est encore en train de se négocier. »