Petite histoire des chants de Noël de Bohême

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Les célébrations de la naissance de Jésus ont été accompagnées depuis le Xe siècle par des chants religieux avant tout, dont les paroles ont avec le temps basculé du latin au tchèque. Ces chants ont terminé par prendre la forme qu’on leur connaît de nos jours, et c’est cette évolution que nous aurons le plaisir de vous présenter dans cette émission spéciale du Dimanche musical, un aperçu de quelques chants de Noël à travers les époques. Laissez-vous emporter par l’ambiance des fêtes de fin d’année en compagnie des chants très appréciés des Tchèques, car transmis de génération en génération.

Racines latines des premiers chants de Noël

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Les premières origines des « chants de Noël » remontent aux chants religieux. Dès le XIIIe siècle, on commençait à prendre l’habitude de chanter des chansons à thèmes spirituels. Les chants de Noël les plus anciens ont été inscrits dans le manuscrit de la bibliothèque du Chapitre métropolitain de Prague. Le XIVe siècle n’a fait qu’accentuer la continuité de la tradition de chants aux « motifs » avant tout spirituels et qui étaient interprétés pendant la période de l’Avent.

Les textes latins étaient chantés sur de riches mélodies, avant tout par des professionnels des métiers de musique, mais les chansons se sont très vite répandues et sont devenues populaires à travers la Bohême. Les textes de louanges religieux ont par la suite servi de base pour de nouveaux chants inventés par le peuple lui-même. Ces airs populaires sont devenus avec les temps des « koledy », soit des chants de Noël, transmis de génération en génération et appris par cœur par les enfants, qui faisaient parfois le tour des foyers pour demander des offrandes.

L’ensemble Ars Cameralis est un ensemble à la fois vocal et instrumental fondé en 1963 et toujours actif sur la scène. Il se spécialise dans la musique allant du XIIIe au XVe siècle, ainsi que dans la musique contemporaine. Les musiciens de Ars Cameralis ont à leur compte déjà plusieurs albums offrant des morceaux datant de l’époque du Moyen-Age en Bohême. De plus, chacun de ses six membre joue différents instruments médiévaux typiques, comme entre autres le rebec (instrument à cordes frottées), la citole (instrument à cordes pincées), la flûte en corne ou la harpe gothique.

Le tchèque remplace le latin petit à petit

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Certains chants continuaient à être interprétés au XVIe siècle toujours dans leur version ancienne. Et c’est peut-être bien pour cette raison qu’a perduré pendant des siècles en Bohême la tradition de la chanson à plusieurs voix, et plus précisément entre le XIVe et le XVIe siècle. Au Moyen-Age, les chants étaient transmis par des artistes itinérants ou tous ceux qui sillonnaient l’Europe. Et dans la mesure où les chants de Noël célébrant la naissance de l’enfant Jésus étaient compris de tous,ce thème universel, a été chanté dans différentes langues, rendant difficile de connaître avec précision l’origine même des différents chants.

Mais c’est au XVe siècle, le siècle des hussites, que le latin est évincé petit à petit au profit de l’usage de la langue tchèque, et ce sont précisément les chants de Noël qui ont été les premiers chants interprétés en tchèque dans le royaume de Bohême. De cette époque datent les chants « Stala se jest věc divná » - « Une chose étrange est arrivée », ou « Ježíš náš spasitel » - « Jésus notre Sauveur ». Aux XVIe et XVIIe siècles, les Frères tchèques (Jednota bratrská) impriment des recueils de cantiques tchèques, et dont la majorité est consacrée aux célébrations de Noël. C’est le cas d’une des plus célèbres « koleda » tchèque : « Narodil se Kristus Pán ».

Les joyaux musicaux du pays

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L’époque de la Renaissance produit de nouveaux compositeurs, qui s’approprient la musique des fêtes de fin d’année de façon plus personnelle, comme Václav Kolářovic, Jiří Rychnovský ou Jan Simonides Montanus. C’est avant tout Adam Václav Michna de Otradovice, dont la composition et les textes poétiques de Noël en font un des grands représentants du baroque, qui est un des grands auteurs de chants populaires de Noël, ayant perduré de nos jours, comme « Chtíc aby spal ». Il est aussi à l’origine de la messe de Noël composée en 1654 et intitulée « Missa super – Již Slunce z hvězdy vyšlo » (« Le Soleil est né de l’étoile »).

Jakub Jan Ryba,  Česká mše - Hej mistře,  vstaň bystře,  photo: Martina Schneibergová
Un des autres musiciens clés dans la création des messes a aussi été Jakub Jan Ryba. De nos jours, sa Messe tchèque « (Česká mše - Hej mistře, vstaň bystře) » continue non seulement à être interprétée dans de nombreuses églises tchèques, mais elle reste aussi très apprécié du public à l’étranger, en raison de son harmonie et de sa mélodie joyeuse.

La tradition de la musique de Noël a perduré aux XIXe et XXe siècles. On trouvait alors dans chaque église des chœurs de chanteurs professionnels interprétant ces différents chants. A l’époque, les chefs de chœur ainsi que les organistes devenaient dans la majorité des cas eux-mêmes les auteurs des messes de Noël et des oratoires, pour ne citer que Jaromír Hruška (1880–1954) et sa « Nuit de Noël » (« Vánoční noc »), ou Josef Foerster (1833-1907) et sa Missa Bohemica.

Les fêtes de fin d’année : des traditions musicales qui perdurent

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Les compositions de la première moitié du XXe siècle deviennent néanmoins plus personnelles. Les grands noms de la musique tchèque reviennent vers l’essence même de la musique, les chants de Noël, ces fameuses « koledy ». C’est le cas, par exemple, de Josef Suk, ayant composé le morceau pour piano « O štědrém večeru » (« Le réveillon de Noël »), ou de Bohuslav Martinů et de son cycle pour piano intitulé « Vánoce » (« Noël »).

Une nouvelle étape dans l’interprétation de la musique de Noël a été franchie dans la seconde moitié du XXe siècle, grâce à des réinterprétations des chants traditionnels des chanteurs et chanteuses, essentiellement pop, comme Karel Gott ou Helena Vondráčková. Mais certains compositeurs contemporains se sont lancés dans leur propre création musicale, comme par exemple Petr Eben et « Le Livre de Noël » destiné aux enfants, ou Ilja Hurník et ses chants pour chœurs.

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Au XXe siècle, les chants des fêtes de fin d’année restent toujours très populaires, mais la tradition des chants ne s’achève pas avec Noël. L’annonce de la nouvelle année est également lié à une des célèbres chansons interprétée en bienvenue aux trois Rois mages et intitulée « My tři králové » - « Nous, les trois Rois ».