Plus de deux mois après les législatives, la Tchéquie a un nouveau gouvernement

Plus de deux mois après les élections législatives, la République tchèque a enfin, officiellement, un nouveau gouvernement. Le cabinet de coalition de Petr Fiala (ODS), qui rassemble cinq partis, a été nommé ce vendredi par le président Miloš Zeman. Si cet aboutissement intervient après une période d’incertitude et de péripéties diverses qui ont retardé la nomination, l’attente n’aura pas été de loin la tâche la plus difficile à relever pour le nouveau gouvernement : celui-ci se retrouve désormais aux manettes d’un pays frappé de plein fouet par la crise sanitaire et plus divisé que jamais.

Jan Lipavský et Miloš Zeman | Photo: Vít Šimánek,  ČTK

Nommera, nommera pas. Jusqu’à ce vendredi 17 décembre, la nomination du gouvernement Fiala aura tenu en haleine les Tchèques : hospitalisation du président Miloš Zeman en soins intensifs au lendemain même des législatives, questionnements sur ses capacités, physiques et mentales, à exercer ses fonctions de chef d’Etat au vu de son état de santé dégradé, agitation autour de la possibilité d’activer l’article 66 de la Constitution pour transférer ses pouvoirs aux plus hauts représentants de l’Etat, doutes sur ses dispositions – une fois son état de santé amélioré – à nommer un gouvernement de coalition dont il a toujours qualifié le principe même de « tromperie » vis-à-vis des électeurs, puis moment de flottement autour du nom de Jan Lipavský (Pirates) pour le poste de ministre des Affaires étrangères, un candidat peu au goût du chef de l’Etat. Ce ne sont que quelques-uns des rebondissements, et non des moindres, qui ont émaillé les deux derniers mois et demi en Tchéquie, avec pour arrière-plan la violente accélération de l’épidémie de Covid-19 dans le pays qui a touché jusqu’au président en personne dès sa sortie d’hôpital.

Et pourtant cette nomination a finalement bien eu lieu ce vendredi, même si exceptionnellement, pas au Château de Prague. C’est en bus que le cabinet au complet, moins le futur ministre de l’Agriculture pour cause de Covid, s’est rendu à la résidence présidentielle de Lány où Miloš Zeman se trouve en convalescence depuis fin novembre.

Petr Fiala | Photo: Ondřej Deml,  ČTK

Résultat d’un accord de coalition entre cinq partis, dont le pilier commun de la campagne était leur opposition au Premier ministre sortant Andrej Babiš, le nouveau gouvernement compte six sièges pour le parti civique démocrate (ODS), trois pour les chrétiens-démocrates (KDU-ČSL) et deux pour le parti conservateur TOP 09. Les Maires et Indépendants (STAN) s’arrogent quatre ministères et les Pirates trois. Si ces derniers ont perdu un certain nombre de députés à la chambre basse, la présence de représentants du Parti pirate dans un gouvernement est une première mondiale. C’est bien là d’ailleurs le seul caractère « exceptionnel » de la composition du cabinet qui se distingue par la présence de trois femmes seulement sur 18 portefeuilles ministériels.

Andrej Babiš et Petr Fiala | Photo: Michal Krumphanzl,  ČTK

Le gouvernement Fiala envisage de demander la confiance des députés à la mi-janvier, une chambre basse où la coalition dispose d’une majorité de 108 voix. D'ici là, le gouvernement prévoit de peaufiner sa déclaration de programme avec entre autres, la réforme des retraites, l’augmentation des dépenses dans les domaines de la défense et de la culture, et le retour à une politique étrangère inspirée de l’héritage de Václav Havel, avec un accent sur la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme.

Mais au-delà de cette revendication « havelienne » et dont seul l’avenir dira s’il ne s’agit pas seulement d’une posture, des défis majeurs attendent le nouveau gouvernement. Outre la gestion de la crise sanitaire dans un pays durement touché par l’épidémie de Covid-19 et alors que le nouveau gouvernement a exclu toute vaccination générale obligatoire en tablant sur une « cohabitation » avec le virus, Petr Fiala et son équipe vont avoir à affronter une inflation galopante et une flambée des prix de l'énergie, ainsi qu’une profonde division de la société causée par la pandémie. A cet égard, conserver sur le long terme le sentiment d’unité au sein d’une coalition traversée, malgré tout, par des tendances différentes, ne sera pas la moindre des gageures.