Pollution : haro sur les vieilles chaudières !
La République tchèque respire l’un des airs les plus pollués d’Europe. Outre le transport et les activités économiques, le chauffage individuel à l’aide de vieilles chaudières est une des causes principales de cette pollution. C’est pour lutter contre ce facteur que l’organisation Čisté nebe (Ciel propre) a développé l’application pour mobile Čistý komín (Cheminée propre), laquelle vise à cartographier les maisons polluantes.
L’application fonctionne maintenant pour toute la Tchéquie et, évidemment, l’idée ne plaît pas à tout le monde. Même si l’application est légale, dans la mesure où aucune personne physique n’apparaît sur les clichés, les particuliers n’apprécient guère de voir leur maison ainsi épinglée publiquement. Certains d’entre eux ont donc demandé à ce que les photographies soient retirées. Membre de Čisté nebe, Kamila Plocková expliquait quelques mois après le lancement de l’opération que la conciliation était bien sûr possible :
« Nous avons retiré les photos dans tous les cas où cela nous a été demandé parce qu’il ne s’agit pas d’un outil de persécution et ces personnes nous ont toujours expliqué clairement pourquoi elles n’avaient rien à faire sur notre carte. Soit parce que la photo a été prise au moment où le chauffage a été allumé et que la chaudière fonctionne désormais normalement, soit parce qu’ils utilisent du combustible écologique. »Et c’est encore rarement le cas. Le plus souvent, ce sont des combustibles solides, du bois mais aussi du charbon, voire parfois certains déchets ménagers ou même plastiques, qui sont utilisés dans les vieilles chaudières. L’objectif de l’application est avant tout de sensibiliser au problème.
Depuis 2014, le ministère de l’Environnement a lui-même engagé des centaines de millions de couronnes pour aider, sous forme de subventions, les particuliers à changer de chaudière et à s’équiper d’un matériel plus moderne et écologique. Sur le plan législatif, les choses bougent également.
Une disposition introduite cette année, très critiquée par l’opposition de droite, doit permettre aux autorités, à partir de janvier prochain, de pouvoir contrôler les chaudières directement chez les gens, si elles estiment que la fumée qui se dégage de leur maison est suspecte. Une amende allant jusqu’à 50 000 couronnes est prévue pour ceux qui utiliseraient des combustibles interdits, du plastique par exemple. Pour Jan Kozina, le président de Čisté nebe, la combinaison de ces dispositifs fait sens :
« Aujourd’hui, nous avons la carotte et le bâton. Et l’un sans l’autre cela ne fonctionnera pas. La carotte, ce sont les subventions pour le remplacement des chaudières ; le bâton ce sont les contrôles introduits par la loi. Nous avons des maires qui nous disent : ‘c’est très bien que nous ayons ces subventions, mais comment je peux forcer les gens à changer leurs chaudières ?’. Ils ne peuvent pas les forcer, d’aucune façon, sauf avec ce genre de menaces comme les contrôles. »Fin novembre, un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (EEA) indiquait que l’air tchèque était l’un des plus pollués d’Europe. Le ministre de l’Environnement Richard Brabec estime pourtant que des progrès importants ont été faits :
« Le potentiel pour améliorer la situation est désormais réduit. Maintenant, il est assez clair avec toutes les études à notre disposition que les sources principales de la pollution de l’air sont effectivement les chaudières individuelles, le transport, bien sûr dans une certaine mesure l’industrie, ainsi que localement l’apport des régions voisines, par exemple dans le cas d’Ostrava, l’air qui vient de Pologne. Dans les années 1990, on a réussi à rendre plus propre l’industrie lourde. Les progrès ont été relativement rapides. Maintenant nous devons nous attaquer, avec d’autres mesures, principalement aux chaudières individuelles, au transport et à d’autres éléments. »La volonté du ministère de s’attaquer sérieusement au problème est mise en doute par certains : en septembre plusieurs mouvements politiques pragois ont décidé de porter plainte à son encontre. Pour eux, le gouvernement ne ferait rien concernant la première source de pollution de l’air, non pas le chauffage individuel, mais les transports.