Pour les jeunes Tchèques, le logement devient un luxe
Jusqu’à 300 000 jeunes Tchèques âgés de moins de 36 ans envisagent d’acheter un nouveau logement cette année, selon une enquête menée par une grande banque du pays spécialisée dans les prêts immobiliers. Faute d’économies suffisantes, une majorité d’entre eux devront toutefois encore patienter. Comme dans d’autres pays en Europe, l’accès à la propriété ressemble à un chemin parsemé de toujours plus d’embuches pour un nombre croissant de jeunes en République tchèque aussi.
« Cela reste très insuffisant pour pouvoir accéder à un logement privé. Ce ne sont là que quelques économies qui permettent de vivre au quotidien à peu près normalement. Disons plutôt qu’un logement est réellement accessible pour environ 10 % de ce groupe cible où les gens ont déclaré qu’ils disposaient d’économies supérieures à 500 000 couronnes (20 000 euros). »
Même une telle somme ne suffit généralement plus. Pour que les banques acceptent d’accorder un crédit immobilier, les demandeurs doivent disposer d’au moins 20 % de la somme totale empruntée. Or, les biens immobiliers connaissent une forte inflation en République tchèque.
Ainsi, même si la situation diffère beaucoup entre Prague, certaines grandes villes attractives du pays comme Brno, Plzeň, České Budějovice, Olomouc ou Hradec Králové, et les autres régions en province, selon le cabinet de conseil Deloitte, le prix moyen de vente d’un appartement neuf au mètre carré à Prague s’est élevé à 112 000 couronnes (4 480 euros) à la fin de l’année dernière, soit une augmentation de 6 % en l’espace d’un an.
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S’il s’agit du rythme de croissance le plus lent depuis 2017, les prix de vente des appartements neufs dans la capitale tchèque ont augmenté en moyenne de 90 % au cours des cinq dernières années. Par ailleurs, le nombre d’appartements libres fin décembre 2019 s’élevait à près de 5 300, soit une baisse interannuelle de 14 %. Toujours selon le directeur d’ Hypoteční banka, un apport personnel d’au moins 700 000 couronnes est en moyenne nécessaire pour envisager de contracter un emprunt :
« Actuellement, les prix des biens immobiliers font que de plus en plus de gens habitent dans les grandes banlieues des villes : soit en bordure de ville ou même en dehors des villes, où il est alors possible de trouver un appartement ou une maison à des conditions financières beaucoup plus abordables. Pour Prague, ces alentours sont très vastes, on parle d’une distance de 30 à 50 kilomètres. Et la situation à Prague influence bien entendu l’évolution du marché dans des villes de moyenne taille comme Kladno, Beroun ou Benešov. »
Dans le jargon des agences immobilières de Prague et de ses environs, ces « banlieusards » sont surnommés les « trois-centièmes » pour deux raisons : parce qu’ils empruntent les lignes de bus comportant le numéro 300 qui relient Prague aux communes de sa grande banlieue ou, dans le cas de locataires, parce qu’ils refusent de verser un loyer dont le montant dépasse les 300 couronnes (12 euros) au mètre carré. Représentant de Bezrealitky.cz, un site en ligne qui permet de vendre et de louer des logements sans l’assistance d’agences immobilières, František Brož confirme cette réalité :
« Par exemple, à Prague, les gens versent actuellement en moyenne un loyer de 292 couronnes (près de 12 euros) au mètre carré. En Bohême centrale (soit donc dans les environs de Prague), la moyenne est de 204 couronnes (8 euros), et en Moravie du Sud de 224 couronnes (9 euros). Mais plus généralement, à peu près partout dans le pays, les montants augmentent chaque année de plusieurs dizaines de couronnes. »Comme déjà dit, les prix de vente des biens immobiliers augmentent également. En moyenne de près de 40 % pour l’ensemble du pays au cours des cinq dernières années. Le plus souvent, les Tchèques achètent des appartements de trois pièces. Président-directeur général de Českomoravská stavební spořitelna, une banque spécialisée dans l’épargne logement, Tomáš Kořínek estime que l’évolution du marché en République tchèque répond à une certaine logique :
« Dans ce pays, 80 % des gens sont propriétaires de leur logement. C’est un chiffre très élevé qu’on ne trouve nulle part en Europe de l’Ouest. Et pour ce qui est des maisons, les Tchèques sont des recordmen en termes de durée de détention. Ils ne les cèdent pas facilement. Nous devons nous habituer au fait que l’accès au logement ne sera plus si simple et n’est plus une évidence. Surtout dans les grandes villes, il nous faut nous adapter à la réalité de la location du logement. »
Là aussi, les loyers augmentent considérablement. Selon Eurostat, après la Lituanie, la République tchèque affiche l’inflation la plus forte de toute l’Union européenne. En 2019, la part des gens demandeurs d’un logement en location a augmenté d’environ 20 %. Selon Jiří Pácal, membre du conseil d’administration de l’Association pour le développement du marché immobilier, l’offre de logement commence à se réduire :« L’offre sur le marché est très limitée chez nous. Bien sûr, Airbnb, qui a pris une énorme partie du marché locatif, joue un rôle important à Prague et dans les grandes villes. Aujourd’hui, dans le centre de Prague, on parle quand même de près de 15 000 appartements proposés sur Airbnb. C’est énorme et cela complique bien entendu la situation des jeunes. Mais le nombre de ‘migrants’ augmente lui aussi : ce sont des étrangers qui ont besoin d’un logement immédiatement, ce qui entraîne une pression sur les prix des loyers. »
Selon certaines estimations, le nombre de demandeurs étrangers de logement en République tchèque a augmenté d’environ 25 % l’année dernière. Les étudiants sont très présents (cf. : https://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/immobilier-a-prague-la-difficile-recherche-de-logement-etudiant-a-la-rentree), de même que les managers et travailleurs étrangers le plus souvent en provenance des pays d’Europe de l’Ouest qui restent généralement en République tchèque pour une période de deux à trois ans.