Après la présidentielle en Slovaquie, Prague en quête d’une politique avisée vis-à-vis de Bratislava
Cette nouvelle revue de la presse tchèque s’arrête d’abord sur quelques-unes des nombreuses réactions qui ont suivi la victoire de Peter Pellegrini à l’élection présidentielle en Slovaquie, ainsi que sur l’absence de loi face à la diffusion de la propagande pro-russe. Autres sujets traités : l’engagement en politique de plusieurs hockeyeurs tchèques célèbres, le projet de loyers dits « garantis » ou encore l’initiative visant à installer à Prague une statue du maréchal autrichien Joseph Radetzky.
« Quelles seront les conséquences pour la Tchéquie de la victoire au second tour de l’élection présidentielle en Slovaquie de Peter Pellegrini, le candidat de la coalition gouvernementale aux tendances nationalistes ? », se sont demandé les médias tchèques cette semaine. Selon un chroniqueur du quotidien économique Hospodářské noviny, il convient d’en retenir tant les aspects politiques que ceux d’ordre humain :
« Comme le veut la tradition, c’est en Tchéquie que Peter Pellegrini devrait effectuer son premier voyage à l’étranger dans ses nouvelles fonctions. Et ce, à un moment où les relations entre la coalition gouvernementale tchèque et le gouvernement Fico ont tourné au vinaigre. Désormais, la Tchéquie aura besoin d’une politique avisée à l’égard de la Slovaquie. Évidemment, il ne s’agit pas de rompre automatiquement toute coopération avec Bratislava, mais plutôt d’examiner plus attentivement les intérêts et les projets communs. Ceux-ci devraient concerner notamment la coopération dans les domaines de la sécurité et de la défense. Parallèlement, il convient aussi de soutenir les médias indépendants, les ONG et les forces d’opposition démocratiques en Slovaquie. »
« On peut considérer que plus les relations politiques tchéco-slovaques se dégradent, plus elles s’intensifient sur le plan humain. On peut s’attendre, par exemple, à un important afflux de Slovaques, jeunes et diplômés, déçus par l’irréformabilité de la politique dans leur pays », explique encore l’auteur, avant d’avertir les lecteurs du journal :
« Dans les mois à venir, la Tchéquie risque d’être contaminée par un populisme nationaliste plus oriental que celui auquel nous sommes habitués. Par ailleurs, Peter Pellegrini a été soutenu pendant sa campagne par l’ancien président tchèque Miloš Zeman et par l’ancien Premier ministre et chef du mouvement populiste ANO, Andrej Babiš. La Slovaquie sera une source d’inspiration non seulement pour ce dernier, mais aussi plus globalement pour les acteurs de la scène locale de désinformation. ‘L’orbanisme’ de la Hongrie, via la Slovaquie, pourrait s’étendre jusqu’en Tchéquie. On peut également penser que Robert Fico aidera Andrej Babiš à remporter les prochaines élections législatives (en 2025). »
Le rédacteur en chef de l’hebdomadaire libéral Respekt remarque à ce propos :
« Andrej Babiš n’a jamais caché qu’il souhaitait créer un axe Prague-Bratislava-Budapest, un axe eurosceptique, moins pro-ukrainien et plus nationaliste. Il s’entend bien avec Peter Pellegrini, notamment pour ce qui est des attaques contre les médias... Les rencontres de Babiš avec Fico et Orban laissent à penser que les prochaines élections en Tchéquie mettront à l’épreuve non seulement l’orientation de la Tchéquie dans le monde, mais aussi la solidité de l’Union européenne. Les sceptiques de l’Est se renforcent. »
« L’évolution de la situation en Slovaquie est un avertissement pour Prague : le gouvernement de Petr Fiala aurait intérêt à ne pas baser sa légitimité uniquement sur son soutien à l’Ukraine et la résistance à la Russie », note pour sa part le quotidien généraliste Deník :
« C’est là un domaine dans lequel le gouvernement, de concert avec le président Petr Pavel, réussit. Mais aujourd’hui, même les Tchèques anti-Poutine exigent davantage du gouvernement qu’un soutien à l’Ukraine. Ils souhaitent une amélioration significative de leur niveau de vie, des résultats en matière de numérisation des services publics, de nouvelles autoroutes, des pensions de retraite décentes et des réformes sociales claires et équitables. Le soutien à l’Ukraine ne suffit pas pour relever la popularité du gouvernement, et ce, bien que la Tchéquie soit très différente de la Slovaquie actuelle. »
À quand une loi pour lutter contre la diffusion de la propagande pro-Kremlin ?
« La Tchéquie manque cruellement d’une loi contre la diffusion de la propagande mensongère russe », peut-on lire dans un texte publié dans le journal en ligne Forum24.cz. Son auteur explique pourquoi :
« Il est probable que les forces de sécurité sauraient gérer le problème, mais la volonté politique d’adopter une législation adaptée aux besoins manque toujours. Le gouvernement laisse la propagande russe se répandre en toute impunité. Est-ce par crainte des protestations des forces anti-système ? Cette inaction et cette tolérance silencieuse face à la diffusion des fake news et du discours pro-Kremlin risquent de diviser fondamentalement la société et pourraient menacer la sécurité du pays. »
Ce risque est d’autant plus grand, comme le note encore l’auteur, que plus le temps passe et moins les forces de sécurité réagissent à la diffusion de la désinformation, plus l’insolence de leurs initiateurs est grande, plus les mensonges pro-russes se multiplient et plus leur discours est toxique.
Ces célèbres hockeyeurs tchèques qui s’engagent en politique
« La victoire de la sélection tchèque de hockey sur glace aux Jeux olympiques de 1998 à Nagano, au Japon, restera comme l’un des plus grands succès dans l’histoire du sport tchèque », rappelle le magazine Reflex, à un mois de l’ouverture du Championnat du monde à Prague et à Ostrava. Selon lui, l’équipe était alors composée d’excellents joueurs, et si beaucoup sont depuis devenus entraîneurs ou managers, d’autres ont, eux, préféré la politique :
« Le défenseur Jiří Šlégr, par exemple, a été conseiller municipal de la ville de Litvínov avant de devenir député du Parti social-démocrate (ČSSD). Récemment, un autre ‘golden boy’ de Nagano, l’ancien capitaine de la sélection Vladimír Růžička, a annoncé qu’il figurait sur la liste du parti PRO, une formation populiste anti-système, pour les élections européennes. Mais les hockeyeurs les plus célèbres qui flirtent avec la politique, sont l’attaquant Jaromír Jágr et le gardien de but Dominik Hašek. Bien que Jágr ait toujours prétendu qu’il ne soutenait ouvertement aucun parti, ce n’est pas tout à fait vrai. Il a été l’un des plus grands sponsors du Parti civique démocrate (l’ODS), ses dons pour le parti conservateur étant même de l’ordre de plusieurs millions de couronnes. Il en va de même pour la coopération de Jágr avec Andrej Babiš. Quant à Dominik Hašek, qui s’est fait remarquer en se battant avec acharnement pour empêcher la participation des athlètes russes aux prochains JO d’été à Paris, il sera le candidat du parti conservateur TOP 09 pour les élections sénatoriales à l’automne prochain. »
« D’autres sportifs sont également devenus politiciens à la fin de leur carrière, mais il est rare de voir émerger autant d’ambitions politiques dans une seule équipe, comme c’est le cas pour la célèbre équipe de Nagano », lit-on en conclusion, toujours dans Reflex.
Projet de loyers « garantis » en Tchéquie
« La crise du logement en Tchéquie s’aggrave. Les prix des appartements ont atteint de nouveaux montants record et ceux des loyers augmentent eux aussi. La hausse de l’aide sociale est un autre élément qui illustre la situation. » C’est le constat que fait le site Seznam Zprávy, qui s’est intéressé au projet de loi sur l’aide au logement qui sera débattu prochainement en conseil des ministres et qui vise à récupérer plusieurs milliers d’appartements municipaux ou privés inoccupés :
« Selon l’Office tchèque des statistiques, jusqu’à 200 000 appartements ne sont pas occupés actuellement en Tchéquie. La nouvelle loi permettrait d’en mettre jusqu’à 3 000 d’entre eux sur le marché chaque année. Elle introduit également des garanties financières pour les propriétaires privés qui accepteront de laisser leurs appartements aux municipalités, celles-ci devant supporter les risques liés aux locataires qui ne paieraient pas leurs loyers. »
Comme le souligne encore le chroniqueur de Seznam Zprávy, il n’est donc pas étonnant que les municipalités entendent mettre ces appartements aux loyers garantis à disposition des personnes les plus vulnérables, majoritairement des familles avec enfants. Selon le ministère du Développement territorial, leur nombre est d’environ 154 000.
À qui une statue du maréchal Radetzky à Prague plairait-elle ?
L’éventualité d’installer une statue de Josepth Radetzky, maréchal autrichien né en Bohême en 1766, sur la place Malostranské náměstí à Prague, semble être de nouveau d’actualité. C’est ce que révèle un texte publié dans le quotidien Lidové noviny, qui informe de la volonté d’une partie des conseillers municipaux de lancer un débat sérieux au sujet d’une statue qui repose depuis 1919 dans le Labidarium de Prague. Le ton de l’auteur est catégorique :
« Nous vivons dans une République depuis cent ans, voilà pourquoi on comprend mal le sens de réinstaller une statue d’un militaire au service des Habsbourg. Elle n’a aucun rapport avec l’idée de l’État tchécoslovaque indépendant, promue par T. G. Masaryk, une tradition sur laquelle repose la République tchèque. Les Habsbourg sont un chapitre clos de notre histoire, les ressentiments à l’égard de l’empereur ne sont que du folklore. Au troisième millénaire, la réinstallation d’une vieille statue serait un anachronisme d’un point de vue artistique. »
« Comme si Prague n’avait pas suffisamment de problèmes en matière de cultivation de son espace public », conclut Lidové noviny.