Prague Inconnue : à la découverte des endroits peu touristiques de la capitale tchèque
Vous pensez que vous connaissez assez bien Prague et ses principaux monuments historiques ? Vous en avez marre des endroits bondés de touristes ? Ou vous souhaitez tout simplement découvrir les coins moins connus de la capitale tchèque ? Le projet « Prague Inconnue », (Praha Neznámá en tchèque), est destiné à tous ceux qui répondent à ces questions par l’affirmative. Reportage de Radio Prague lors d’une visite guidée à Střešovice, dans le sixième arrondissement de Prague, avec un guide de Prague Inconnue.
Une visite des villages ouvriers de Střešovice
Malgré la pluie qui s’intensifie petit à petit, un groupe d’entre quinze et vingt personnes se retrouvent à l’arrêt de tram Baterie, dans le sixième arrondissement de Prague, pas très loin du Château, pour partir à la découverte d’un des plus vieux quartiers de la capitale tchèque. La promenade commence dans le village de Velké Střešovice. Né au Xe ou XIe siècle, Střešovice appartenait au monastère de Strahov et était une zone agricole. Les maisons ont été rattachées directement aux rochers de grès, dans lesquels ont été creusées différentes étables pour les animaux domestiques, d’où l’intitulé de cette visite guidée, « Střešovičky rocheux ».
Le hameau s’agrandit au XVIIIe siècle, à l’époque de l’arrivée de nombreux ouvriers qui s’y installent et créent à partir de la commune un village ouvrier. Au cours de la Première République tchécoslovaque, entre 1918 et 1938, une partie du village de Střešovice est transformée en un grand quartier de villas, symbole de luxe et de logements destinés aux grandes fortunes. Dans les années 1980, cet ancien village agricole, dont la localité semblait de plus en plus prometteuse, devait être démoli et il avait été prévu d’y construire des maisons pour les diplomates des pays amis du régime communiste.Si la plus grande partie de Střešovice est alors détruite, une campagne qui vise à protéger ce qu’il en reste, est lancée après la Révolution de velours, et les deux villages de Velké et Malé Střešovice sont successivement déclarés zones protégées du patrimoine villageois en 2003 et 2004.
La route se poursuit autour d’un bâtiment aujourd’hui inexistant mais dont l’histoire reste toujours dans la mémoire des habitants du quartier. Il s’agit de l’ancienne taverne « Au clocher », le premier bâtiment à être démoli pendant le réaménagement du quartier et connu pour être, dans les années 1980, le seul établissement à Prague à posséder une table de billard. Comme l’explique Petr Ryska, l’histoire de cette taverne est néanmoins plus longue :« Auparavant, elle était appelée ‘U Štrosů. Déjà son nom indique que son propriétaire était un certain M. Štros. Et comme par exemple le village de Zbraslav est célèbre pour sa fameuse polka ‘Škoda lásky’ (Beer Barrel Polka en anglais, ndlr), le quartier de Střešovice possède une chose similaire. Ce M. Štros a composé une chanson populaire ‘Má roztomilá Baruško’. »
En passant par la colline de Norbertov sur laquelle se dresse l’église de Saint-Norbert, on termine enfin dans le quartier de Malé Střešovičky. Avant d’y arriver, il faut néanmoins mentionner encore un arrêt qui mène à la villa Müller. Egalement appelée d’après son auteur, l’architecte autrichien Adolf Loos, la luxueuse villa Loos a été construite entre 1928 et 1930 et est un bel exemple de construction fonctionnaliste. Reconstruite à la fin des années 1990, elle est à l’heure actuelle ouverte au public. L’histoire du village de Malé Střešovičky est étroitement liée à celle de son voisin. Même si plus petit, on peut y découvrir l’atmosphère romantique d’une architecture rurale mieux conservée. Ses ruelles étroites et sinueuses avec de petites maisons, possédant chacune son propre petit vignoble, représentent pour Petr Ryska le clou de cette visite guidée, qu’il compare à la fameuse « Ruelle d’or » de Château de Prague sans touristes.Les promenades dans Prague : plus qu’un passe-temps
C’est là où s’achève, après près de deux heures, la visite guidée dans ce quartier presque inconnu. Son organisateur et auteur du projet Prague Inconnue, Petr Ryska se souvient comment est née cette idée de faire des promenades dans des endroits atypiques de la capitale tchèque :« Depuis mon enfance, je marche dans Prague : j’ai découvert tous les quartiers pragois et j’ai pris connaissance de leur atmosphère et de leurs recoins exceptionnels. Des fois, j’étais même surpris de tout ce que nous avons à Prague. Puis, j’ai trouvé qu’il était dommage de garder tout cela pour moi et j’ai lancé un blog ‘Prague inconnue’ en mai 2013. J’ai commencé à écrire des articles sur différents quartiers et j’ai créé, en septembre 2014, un site web éponyme. Et depuis février 2015, j’ai commencé à faire des visites guidées dans les quartiers. »
Peu de gens savent néanmoins que la ville de Prague est originairement composée de 112 quartiers, ayant souvent une longue histoire, leurs propres légendes et des familles qui y vivent depuis des temps. La division administrative officielle, telle que l’on la connaît aujourd’hui, est assez compliquée et a souvent changé au cours de l’histoire. En 1960, Prague a été divisée en 10 arrondissements, sans prendre en compte les frontières d’anciens quartiers. Après 1989, la situation est devenue encore plus complexe et la capitale tchèque a été segmentée en 57 nouveaux quartiers, qui se regroupent dans 22 parties de la ville plus ou moins autonomes et soumises aux 10 arrondissements créés précédemment.
C’est pour cette raison que Petr Ryska a décidé d’explorer ces anciens quartiers et de rétablir leur ancienne gloire. Si ce n’est peut-être pas le cas encore de tous, un grand nombre d’entre eux sont déjà présentés en détail sur le site de la Prague Inconnue qui existe actuellement en 14 langues, dont également le français. Leur présentation est également toujours complétée de photos, de cartes et de tuyaux touristiques.
Découvrir la ville avec Prague Inconnue
Ceux qui préfèrent découvrir le quartier de plus près peuvent choisir parmi une vingtaine de promenades organisées par cinq guides différents. Si elles se déroulent régulièrement en tchèque, les intéressés peuvent commander également des visites en anglais. Leur offre varie selon la saison et les thèmes sont souvent actualisés. A l’heure actuelle, on peut visiter entre autre le quartier de Hauspalka où vivait l’actrice tchèque Lída Baarová, le château de Vyšehrad, les bidonvilles de Slatiny et de Kotlaska, les marchés de la Vieille-Ville ou par exemple les passages pragois :« J’essaie de choisir des lieux inconnus pour que les visiteurs soient surpris de ce que l’on peut trouver à Prague, des endroits que personne n’attendrait, qu’il s’agisse de Střešovičky où nous nous trouvons actuellement, des bidonvilles de Slatiny et de Kotlaska, du quartier riche d’Ořechovka ou d’un endroit historique comme le ‘Nouveau monde’. Vous pouvez voir que ces lieux sont souvent très différents. J’essaie donc de présenter Prague dans toute sa diversité. »
Pour Petr Ryska, ce projet est très vite devenu plus qu’un simple passe-temps et à l’heure actuelle il s’y adonne à plein temps. Outre la coordination de ses employés, c’est notamment la préparation des promenades qui exige le plus de travail :
Pour plus d’informations sur le projet et sur les visites guidées : www.prahaneznama.cz.
Afin de pouvoir participer à une promenade, il est nécessaire de réserver les places sur [email protected].
La villa Müller est ouverte tous les mardis, jeudis, samedis et dimanches.
Les visites commencent à 10h, 12h, 14h et 16h : http://www.muzeumprahy.cz/mullerova-vila/
« Je prépare chaque visite d’habitude pendant environ un mois. Pas chaque jour, bien évidemment, mais je visite cet endroit concret à plusieurs reprises, je fais des recherches littéraires entre-temps, je visite de nouveau le lieu, je communique avec les locaux et je découvre d’autre choses intéressantes… Donc qu’il s’agisse d’Ořechovka, du Nouveau monde ou de Slatiny, toutes ces visites guidées ont demandé des préparatifs d’un mois. Et je pense aux endroits où j’avais déjà des informations avant et pour lesquelles j’avais déjà certaines connaissances. On ne dirait peut-être pas, mais il y a bien des coins qui ne sont pas traités et où il faut parler avec leurs habitants afin d’obtenir des informations. De plus, on m’a proposé d’écrire des livres sur ce thème. Après la première proposition, j’ai donc quitté mon emploi parce qu’il n’était plus possible d’arriver à tout faire. »
En un peu plus de deux ans et demi d’existence, le projet a déjà enchanté beaucoup de sympathisants. Et comme s’en félicite son auteur, il ne s’agit pas seulement de personnes âgées, ce qui est souvent le cas pour ce type d’événements en République tchèque, mais les promenades jouissent d’une certaine popularité aussi auprès de jeunes et de familles avec enfants.