Le jardin de la villa Müller a obtenu le prix international Tendence « Construire avec le vert »
Bien que nous soyons en plein automne, nous vous invitons à visiter un splendide jardin qui constitue un élément inséparable de la villa Müller, dans le 6e arrondissement de Prague. Si la villa fonctionnaliste dessinée dans les années 1930 par l'architecte autrichien Adolf Loos a déjà décroché plusieurs prix prestigieux, parmi lesquels Europa Nostra Awards, le jardin est le lauréat tout frais du prix international Tendance « Construire avec le vert » (Trend Award Building with Green) qui récompense les mérites des architectes paysagistes en matière de constructions intégrant des espaces verts. L'Union européenne des entrepreneurs du paysage (ELCA), qui regroupe actuellement 22 associations nationales d'Europe, des USA, d'Australie et du Japon, et qui décerne ce prix tous les deux ans, a mis à l'honneur le jardin de la villa Müller pour sa restauration réussie respectant le concept d'origine et pour sa sauvegarde en tant que patrimoine culturel.
« C'est un grand honneur pour nous car c'est un prix international qui donne de nouvelles impulsions aux activités de ce genre et aux soins systématiques apportés aux jardins historiques. La rénovation du jardin de la villa Müller été terminée il y a tout juste dix ans, ce qui est une période idéale pour la végétation, mais pour que l'état du jardin reste vraiment idéal, il faut qu'on lui apporte des soins intenses et systématiques. »
La villa, de l'extérieur un simple cube blanc aux fenêtres peintes en jaune, est située dans le quartier résidentiel d’Ořechovka, pas loin du château de Prague. Adolf Loos, architecte autrichien né en 1870 à Brno, considéré comme pionnier de l'architecture rationnelle moderne, l'a bâtie entre 1928 et 1930 pour son ami, František Müller. Opposé au courant de la Sécession viennoise qu'il juge décadente car décorative, Adolf Loos a conçu de nombreuses villas de style fonctionnaliste à Vienne, à Venise ou encore à Paris avec la maison de Tristan Tzara.
Nationalisée en 1959, la villa Müller a servi de dépôts et d'archives. Faute d'entretien, elle souffrait de dégradation. En 1991, elle a été restituée aux héritiers de ses anciens propriétaires. Un an plus tard, elle a été rachetée par la ville de Prague qui en a confié la garde au Musée de la capitale tchèque. Depuis 1995, la villa est classée monument culturel national. Pour ce qui est de la conception du jardin, elle a été conçue par Camillo Schneider et Hermann Mattern, célèbres architectes des années 1930, et par leur collaborateur, Karl Forster. Leurs plans d'origine existent encore. De la surface globale du terrain, qui est de 1 270 m2, le jardin occupe près de 700 mètres. En quoi est-il exceptionnel ? On écoute l'architecte Václav Girsa :« Le jardin se distingue, de même que la maison, pour avoir été bâti sur un terrain relativement petit, orienté au nord. Dans la même mesure qu'Adolf Loos a su en profiter dans son concept de la villa, les architectes paysagistes en ont fait un avantage pour le jardin. Ce dernier est conçu de la même manière que la villa, en tant que système d'espaces divisés en segments de niveaux différents, de façon à ce que la surface en haut recouverte de pelouses serve d'espace d'habitation en plein air. Le jardin se distingue par un système de terrasses et de voies de communication qui ont un sens et un rôle bien réfléchis. La composition spatiale du jardin est une chose, l'autre est sa composition artistique, c'est-à-dire l'utilisation des couleurs et des variétés de plantes. » L’autre atout du terrain rampant est qu'il offre, dans sa partie supérieure, une vue sur Prague, avec l'église Saint-Norbert et le château de Hradčany, jusqu'au château de Troja. La dénivellation de plus de dix mètres entre le bas et l'entrée de la villa, qui est la partie la plus haute de ce jardin, a été surmontée au moyen de diverses grandes terrasses superposées et reliées les unes aux autres par des escaliers et des chemins. Cette solution peut être comparée au concept de Raumplan des intérieurs de la villa: plan en trois dimensions, sans division traditionnelle en étages, avec des pièces de hauteurs variables selon les besoins et les fonctions. Les documents sauvegardés prouvent que les premieres idées et ébauches visaient déjà à faire du jardin un élément inséparable de la villa. Le jardin est un prolongement des salles de séjour de la maison, observe Maria Szadkovska, historienne d'art et directrice du musée Adolf Loos dans la villa Müller :« La villa Müller est, en effet, la seule réalisation d'Adolf Loos qui prolonge l'espace intérieur en direction de l'extérieur. Depuis 1906, Adolf Loos a réalisé une série de maisons à Plzeň mais dans ce cas-là, il était confronté à un tout autre problème: pas de jolies vues donnant sur le jardin, pas de contact avec la nature. Pour compenser ce défaut, il dessinait des jardins d'hiver pour ces maisons. Quant à la villa Müller, elle provoque, en revanche, ses habitants à sortir dehors, à aller dans le jardin et à contempler la beauté des couleurs et de la verdure. Il convient de rappeler que le jardin de la villa Müller a été conçu par les architectes qu'Adolf Loss rencontrait souvent au château de Vrchotovy Janovice, et, comme on le sait, la propriétaire de ce dernier, Sidonie Nadherná, était une jardinière passionnée. C'est elle qui a noué des contacts entre lui et les auteurs de la conception du jardin de la villa Müller. » La rénovation du jardin a commencé en 1998. De la végétation d'origine, les architectes n'ont gardé que trois arbes feuillus solitaires, deux conifères solitaires dont un génévrier en forme de bonsai, et des haies vives constituées de charmille et de lierre grimpant. Les murs nus de la villa sont décorés par une autre plante grimpante ornamentale, le vigne-vierge japonais dont le feuillage vire au rouge écarlate à l'automne. En bas du jardin, il y a des rosiers et des conifères grimpants. Lors de la rénovation, les architectes ont pris en considération la composition d'origine des variétés de plantes et leurs couleurs : ainsi, il y a des iris, des marguerittes, des dahlias, des bleuets, des sauges, des oeillets, des phloxs, des chrysanthèmes, des pivoines. Plantées sur un parterre qui borde une grande pelouse à droite de l'entrée, ces plantes vivaces sont en fleurs pendant toute l'année. Le retour à la végétation d'origine des années 1930, a-t-il été difficile, soixante ans après ? On écoute Václav Girsa:« Oui, très difficile. La sauvegarde des plans de plantations d'origine est certes un grand avantage. Il est important de pouvoir se servir de la documentation authentique qui nous informe de la composition et de l'assortiment de la végétation. Dans les années 1930, la priorité était donnée aux plantes vivaces. Le problème qui se pose aujourd'hui est que certaines variétés n'existent plus dans leur forme d'origine, tout est soumis au diktat de la mode. On ne cesse de sélectionner de nouvelles variétés, plus rustiques, ce qui nous a contraint à chercher des solutions alternatives mais on a toujours fait en sorte qu'elles soient les plus proches du concept original. » Mettre à l'honneur les jardins historiques était une décision délibérée du jury de l'ELCA. A son avis, ils sont des sites importants qui améliorent la qualité de la vie, ont une forte empreinte sur le paysage culturel et sur la diversité de l'environnement. Parallèlement au jardin de la villa Müller, l'ELCA a récompensé du prix international Tendance « Construire avec le vert » les jardins historiques du monastère de Litomyšl qui est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.