Prague voudrait voir les prostituées payer des impôts

Photo: CT24

Le débat sur la prostitution en République tchèque redouble d’intensité, avec la proposition de conseillers municipaux pragois de faire des travailleuses du sexe des employées comme les autres. Outre le fait qu’elles seraient redevables d’impôts, l’avantage serait un meilleur contrôle de la situation à travers le pays.

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Ce n’est pas la première tentative de la sorte, mais pour les auteurs du projet, celle-ci est plus aboutie et plus réfléchie que les essais avortés des dernières années. Le conseil municipal de Prague a présenté aux parlementaires un projet de loi qui encadrerait avec plus de précision la prostitution sur tout le territoire tchèque. Aujourd’hui, comme dans beaucoup de pays européens, le plus vieux métier du monde est dans une zone grise législative : le terme « prostitution » n’apparaît même pas dans la loi, ce qui la rend de facto autorisée, mais d’autres pratiques comme le proxénétisme sont punies par le code pénal.

Lukáš Manhart est conseiller municipal TOP 09 à l’administration publique et à la législation, à Prague. Fer de lance de la mobilisation pour ce projet, il explique que le vide juridique va à l’encontre de l’ordre public et des intérêts des municipalités :

Lukáš Manhart,  photo: CT24
« La prostitution comme phénomène n’est pas interdite, elle ne peut donc pas être contrôlée. Ce qui mène à une situation absurde, où la ville souhaiterait contrôler cette activité et lutter contre le phénomène, mais n’a pas le soutien juridique pour cela. »

L’esprit du projet de loi est de donner aux prostituées les mêmes droits et devoirs que tout autre salarié. Ce qui est censé permettre de mieux les protéger en tant qu’individus, tout en contrôlant plus facilement l’exercice de cette activité. Concrètement, un enregistrement et des contrôles médicaux réguliers seraient obligatoires, tout comme le paiement d’impôts sur leurs revenus et la participation à la sécurité sociale. En échange, une licence leur serait délivrée par les autorités, conférant aux travailleuses légales la protection prévue par le Code du travail. Quant aux récalcitrants, prostitué(e)s et proxénètes, une amende de 15 000 à 2 millions de couronnes est prévue pour eux dans le texte.

Hana Malinová,  photo: Jan Losenický,  Rozkoš bez rizika
Les associations de défense des prostituées saluent ce projet qu’elles considèrent comme une avancée, permettant notamment de mieux lutter contre la prostitution des mineurs ou contre la propagation des maladies sexuellement transmissibles. Mais elles estiment qu’il ne faudrait pas pour autant en attendre des miracles. Représentante de l’association Rozkoš bez rizika (Plaisir sans risque), Hana Malinová nous avertit des limites à prévoir :

« Il ne faut pas s’imaginer que toutes les prostituées vont, à un moment ou à un autre, adopter le statut légal. Dans les pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, où une loi de régulation de la prostitution existe depuis l’année 2000, 15 à 20% des femmes seulement la pratiquent légalement. »

Les maires qui soutiennent ce projet en sont conscients, mais trouvent cela mieux que rien alors que la situation qu’ils ont à gérer est parfois difficile. L’autre aspect du texte qui les intéresse particulièrement, c’est la possibilité laissée à la municipalité de décider des endroits où les services sexuels seront légaux et de ceux où ils ne le seront pas, leur permettant ainsi de sauvegarder certaines zones de leur ville.

Ve Smečkách,  photo: Kristýna Maková
La municipalité de Prague 1, par exemple, n’attend que ce texte pour pouvoir fermer certains établissements de la fameuse rue Ve Smečkách, à côté de la place Venceslas. Récemment, l’ouverture d’une maison close sur le modèle hollandais, avec femmes en vitrine, avait fait polémique, mais la législation actuelle ne permet pas d’agir.

C’est encore dans quelques semaines, au mois de mai, que la ville de Prague se prononcera sur le texte. En fonction du résultat, le Parlement pourra ensuite être saisi, mais l’issue de l’initiative reste incertaine : le sujet n’est assurément pas une priorité du gouvernement. Le Premier ministre Petr Nečas s’y est même opposé, estimant qu’une régularisation massive de la prostitution ferait de l’Etat « le plus grand proxénète ».