Présidence UE : "la diplomatie tchèque déjà dans la perspective de la recherche du consensus"
Après la France, la République tchèque prendra la présidence de l’UE à partir du 1er janvier prochain. Dans le cadre de ce passage de relais, Paris et Prague s'emploient à renforcer leur coopération, en procédant notamment à des échanges de diplomates. Caroline Vinot est une diplomate française en poste au ministère tchèque des Affaires étrangères. Première partie aujourd’hui de l’entretien qu’elle a accordé à Radio Prague.
« Des diplomates français qui travaillent dans des ministères des affaires étrangères il y en a beaucoup, c’est quelque chose qui se fait très souvent. Il y a régulièrement depuis assez longtemps des diplomates français qui sont au ministère allemand des Affaires étrangères, au Foreign Office à Londres, aux Etats-Unis, en Suède... En République tchèque c’est la première fois qu’un diplomate français, une diplomate en l’occurrence, est envoyé dans les services du ministère tchèque des Affaires étrangères. Ma présence ici remonte au début de l’année 2008. Je suis nommée ici pour toute la durée des deux présidences. Très concrètement je suis là parce que nos deux gouvernements se sont mis d’accord pour relancer leurs relations bilatérales. Parmi les mesures envisagées, il a été décidé de renforcer la coopération entre les administrations française et tchèque, notamment en procédant à un échange de diplomates. Il y a en ce moment à Paris une diplomate tchèque, Michaela Frankova, qui travaille dans les services du Quai d’Orsay, exactement dans les mêmes conditions que moi ici.
Je travaille dans un service qui s’appelle la PESC, la Politique Etrangère et de Sécurité Commune, qui est un service qui se trouve à l’interface entre la définition des politiques nationales concernant les relations extérieures de l’UE – c’est à dire les relations qu’entretient l’UE avec les pays tiers – et la négociation à 27 à Bruxelles sur ses positions. La politique étrangère de l’UE est un domaine qu’on appelle un domaine de coopération intergouvernementale, c’est à dire qu’il faut que tous les Etats-membres se mettent d’accord sur ce que l’UE va décider, comment elle va coopérer avec l’Ukraine ou l’Inde par exemple. Tout ça se prépare à 27 à Bruxelles et le service de la PESC dans chacun des ministères des Affaires étrangères des pays membres est ce service qui prépare la position nationale et essaie de la présenter du mieux possible pour qu’elle s’intègre dans le contexte de la négociation à 27 à Bruxelles. »
Est-ce qu’on peut parler des différences de méthodes de travail entre les diplomaties française et tchèque, de ce qui vous a surprise agréablement ou désagréablement quand vous êtes arrivée ici ?
« Fondamentalement, il n’y a pas beaucoup de différences. Je me suis intégrée ici assez rapidement. Bien entendu, il y a des différences culturelles, dans la façon dont on communique... La cantine n’est pas tout à fait la même... Mais il y a quand même une cantine qui est pratique, d’ailleurs il arrive qu’on y rencontre le ministre lui-même qui vient déjeûner avec ses collaborateurs, ce qu’on voit assez rarement à Paris je dirais... Donc je me suis intégrée assez rapidement, il faut dire que je parle tchèque, ce qui était une condition que nos collègues tchèques avaient posée pour accueillir un diplomate français. »
Dans le cadre de ces présidences successives entre Paris et Prague, Français et Tchèques essaient d’accorder leurs positions mais évidemment il y a des sujets sur lesquels ils n’ont pas les mêmes positions. Dans le domaine des relations avec les pays tiers, par exemple sur le conflit entre la Russie et la Géorgie, les points de vue n’étaient pas les mêmes. On arrive à concilier les points de vue quand les angles sont très différents ?
« Je crois que c’est un bon exemple qui montre à quel point c’est utile de procéder à ces échanges de diplomates. Je sais qu’à Paris mes collègues m’ont expliquée que pour eux c’était très utile de travailler avec une diplomate tchèque, qui travaille notamment sur les dossiers russes, parce qu’elle apporte une analyse, une expérience, un point de vue qui est autre. De même, j’ai tendance à avoir une lecture qui résulte de mon histoire, de ma culture administrative et politique. C’est vrai qu’il y a des différences de percéption, qui s’explique tout naturellement par le fait qu’on n´a pas la même expérience des relations avec la Russie. Evidemment dans le cas de la République tchèque, c’est une expérience douloureuse, traumatique qui je pense a une certaine influence dans la façon dont on réagit à des situations extrêmes comme celle qu’on a vu dans le conflit avec la Géorgie. Malgré tout, les gens qui travaillent ici sont des diplomates, donc des gens habitués à réfléchir, à analyser, donc ne se laissent pas envahir par l’émotion. Donc sur le fond, peut-être qu’au départ il y a des percéptions qui ne sont pas tout à fait les mêmes, mais il y a quand même une concertation constante, soit en bilatérale, soit en marge de sommets de l’UE ou de l’OTAN, entre les ministres Kouchner et Schwarzenberg. Au niveau des fonctionnaires il y a aussi constamment des contacts et des échanges d’informations pour parvenir à des positions qui soient les plus identiques et qui se comprennent mutuellement. C’est ça qui est le plus important, que les positions soient bien comprises de part et d’autre.Je pense que le résultat est finalement assez encourageant, parce que la République tchèque soutient les efforts de la présidence française dans le réglement de la crise géorgienne. Il n’y a pas eu de divergence fondamentale de positions. Un consensus assez ferme et assez large a été trouvé, et la République tchèque avait des positions qui étaient assez proches des positions de la présidence française sur ce dossier. Parce que de toute façon il n’y a pas un évantail de solutions aussi large que ça.
La République tchèque se positionne déjà dans son analyse des dossiers extérieurs dans la perspective de sa présidence. Quand on préside l’UE, on a un rôle, une responsabilité particulière qui est la recherche du consensus. On est plus là à titre national, on est là au titre de la recherche de l’intérêt général et d’une position qui fait consensus entre tous les Etats-membres, dont certains ont parfois des positions très éloignées. Je crois que la diplomatie tchèque est déjà dans cette perspective de recherche du consensus, ce qui n’est pas toujours évident comme sur le dossier géorgien. Je trouve que les Tchèques travaillent assez bien à cette préparation, à cette mise en condition pour leur future présidence, notamment sur ce dossier. »