Presse : coronavirus/passé communiste/référendum russe/opposition
Cette nouvelle revue de presse propose d’abord quelques précisions concernant l’évolution de la Covid-19 en Tchéquie. A son menu également une observation, en lien avec le décès du dernier leader communiste Miloš Jakeš, sur la manière dont la démocratie tchèque a affronté son passé totalitaire. Un commentaire ensuite sur ce que la prolongation du mandat de Vladimir Poutine pourrait signifier pour la Tchéquie. L’opposition politique tchèque en manque de leaders charismatiques sera le dernier sujet traité.
« Le sentiment d’avoir surmonté l’épidémie de coronavirus a fait place au dégrisement », constate un commentateur du quotidien économique Hospodářské noviny en rapport avec les chiffres à la hausse et l’apparition en Tchéquie de plusieurs foyers locaux de contamination. Il écrit :
« Le coronavirus ne disparaît pas et il est évident qu’il va continuer d’influencer nos vies. Dans certaines localités, le masque est de retour et les rassemblements de foule sont en partie limités. Cette évolution concerne également certains autres pays, notamment la Croatie qui est la première destination estivale des Tchèques. Il semble alors que nous ayons devant nous une période d’incertitude, car nul ne saurait prévenir à quel point le coronavirus va intervenir dans ses projets, professionnels ou privés. »
Cette incertitude touche également l’économie, qu’il s’agisse du tourisme ou du secteur de l’industrie. « Certes, le gouvernement promet de ne pas stopper l’économie comme il l’a fait précédemment, mais les différentes entreprises ont à craindre d’être de nouveau paralysées », remarque le commentateur de Hospodářské noviny avant d’ajouter :
« Pour ne pas être pris au dépourvu, il faut être bien préparé. Telle semble être la seule chose que l’on peut faire en ces moments d’incertitude. Sur la base des signes alarmants qui sont d’actualité, il faut en effet reconnaître que la situation ne vas pas s’améliorer de sitôt ».
Le décès de Miloš Jakeš ou la Tchéquie face à son passé communiste
« Un homme à la fois ridicule et dangereux ». C’est sous ce titre que le site aktualne.cz a publié un article relatif au départ, à l’âge de 97 ans, du dernier leader communiste Miloš Jakeš. Son auteur note à ce propos:
« De premier abord, Miloš Jakeš avait l’air d’un type maladroit et inoffensif qui n’allait s’inscrire dans l’histoire que par des propos confus. Mais, en réalité, il a fait pendant une dizaine d’années partie des personnes les plus influentes dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Pendant deux ans, il était l’homme le plus puissant d’un pays qui mettait en prison ses adversaires politiques et réprimait durement les manifestations... Après l’écrasement du Printemps de Prague 1968 par les chars soviétiques, c’est bien lui qui avait le pouvoir de décider du sort de ses confrères communistes, dans le cadre de ladite purge du parti, la plus grande que l’histoire ait connue. Une tâche qu’il a accomplie sans merci. »
Le site aktualne.cz rappelle enfin le prétendu « apport » de Miloš Jakeš à l’éclatement du régime communiste, à la fin des années 1980, en lien avec certaines de ses déclarations qui ont amusé la population et compromis le système.
Pour le site Hlídacípes.org, le départ de Miloš Jakeš offre l’occasion de se pencher sur la manière dont la société tchèque s’est acquittée envers l’ancien régime communiste. Il écrit :
« Après sa chute en 1989, le régime communiste a été déclaré criminel, mais ses leaders ont échappé à la punition. Un des mots d’ordre de la révolution de Velours, ‘Nous ne sommes pas comme eux’, a été accompli presque à part entière. Il n’y a qu’un seul haut représentant de l’ancien régime, le chef des communistes pragois Miroslav Štěpán, à avoir été condamné pour abus de pouvoir par une personne dépositaire de l’autorité publique et qui, de plus est, n’a purgé qu’un an au lieu de deux ans et demi de prison. Des centaines d’anciens hauts représentants communistes ont fini leurs jours ou vivent encore paisiblement, profitant de pensions de retraite confortables. »
Il est vrai que « nous ne sommes pas comme eux ». Toutefois, comme l’écrit le commentateur du site Hlídacípes.org, ce slogan n’invitait pas à ce que la démocratie après Novembre 1989 soit faible ou impuissante. D’après lui, c’est ce qui est pourtant advenu et ce qui aura encore longtemps des conséquences. « Tant pis pour nous », conclut-il.
Vigilance liée à la nouvelle donne en Russie
« 36 ans de Poutine et nous ». Tel est le titre d’une note publiée dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt concernant les éventuelles retombées pour la Tchéquie du référendum récemment organisé en Russie pour la potentielle prolongation du mandat de Vladimir Poutine jusqu’en 2036. S’il reste au Kremlin jusque-là, il dépassera de 12 ans le record de longévité détenu par le leader soviétique Staline. L’auteur du texte écrit :
« La perspective d’un mandat aussi long de Poutine a une importance non seulement pour la Russie, mais aussi pour l’Europe centrale. En tant qu’autocrate ambitieux, le Président russe a acquis dans son pays la légitimité de leader du peuple, ce qui lui permet de renforcer son pouvoir. On peut alors s’attendre à ce qu’il mette ses rêves impérialistes en valeur avec une plus grande détermination encore que jusqu’ici. Les anciens pays satellites soviétiques, dont la Tchéquie fait partie, seront alors confrontés à une plus forte pression de sa part. Pour le chef du Kremlin, notre espace constitue une sphère d’influence russe, voilà pourquoi il paraît certain qu’il cherchera à le soumettre à un contrôle accru ».
« Pour maintenir le Kremlin à sa porte, on ne peut se passer de ses alliés et de liens forts », souligne le commentateur du magazine Respekt. D’où la nécessité de maintenir une collaboration exemplaire avec l’OTAN et de devenir des membres authentiques, ouverts et actifs de l’Union européenne. Il écrit enfin :
« Il s’avère qu’après le départ de la Grande-Bretagne, la voix la plus critique au sein de l’Union européenne quant aux ambitions russes de puissance, ce sera peut-être bientôt à nous-mêmes de mettre en garde devant ce danger. Pourvu que notre voix soit écoutée activement par les Etats membres avec compréhension ».
L’opposition en manque de leaders charismatiques
La scène politique tchèque réalise-t-elle, pendant la quiétude estivale, que trois mois seulement nous séparent de la tenue des élections régionales et sénatoriales ?, s’interroge le publiciste du journal en ligne Deník.cz. D’après ce qu’il estime, celles-ci vont très probablement confirmer la position dominante du mouvement ANO d’Andrej Babiš et, en même temps, fragiliser les positions des leaders des différents partis en lice :
« Il faut reconnaître que les députés des partis de centre-droite dans l’opposition proposent de temps à autre des projets raisonnables. Mais si le camp anti- Babiš ne dispose pas d’un politicien charismatique et fort qui serait à même de formuler un programme clair et audacieux pour la période d’après la pandémie, il sera condamné à la défaite. Où se trouvent alors les chefs capables d’expliquer à la nation qu’il faut adopter une réforme des retraites douloureuse et prendre toute une série d’autres mesures impopulaires ? On n’en voit guère. »
L’opposition ne semble pas s’en inquiéter, ce qui donne à croire qu’elle est résignée à la perspective d’une nouvelle victoire du mouvement ANO. Ou bien, comme le suggère le commentateur, elle s’attend à ce que l’initiative incombe à un des leaders du mouvement civique populaire Un million de moments pour la démocratie qui, pourtant, refuse jusqu’ici tout engagement politique.