Presse : discorde entre gouvernements tchèque et slovaque, Spaceman sur Netflix

'Spaceman'

Cette nouvelle revue de la presse se penche d’abord sur certains points à retenir de la première année de mandat du président Petr Pavel. Il y sera également question de l’adoption difficile en Tchéquie des impératifs liés au Pacte vert (Green deal) pour l’Europe. Un autre sujet traité : la discorde entre les représentations politiques tchèque et slovaque. Enfin, le film Spaceman, adaptation du roman Un astronaute en Bohême, est très suivi sur Netflix mais très peu apprécié par la critique.   

Les médias dressent le bilan de la première année de mandat du président Petr Pavel, investi le 9 mars 2023. Pour l’éditorialiste du quotidien Hospodářské noviny, il y a une chose qui remet au second plan tous les doutes et toutes les éventuelles critiques à l’égard de l’actuel président, à savoir la comparaison de Petr Pavel avec ses prédécesseurs, Miloš Zeman et Václav Klaus :

Président Petr Pavel | Photo: Kateřina Šulová,  ČTK

« Les récentes déclarations et les démarches de ces derniers, comme les rencontres avec les chefs de gouvernement slovaque et hongrois, Robert Fico et Viktor Orban, nous ont rappelé que même les présidents pouvaient défendre des valeurs fausses et nuire à leur propre pays. Toute personne ayant une orientation pro-occidentale, des instincts démocratiques et un sens élémentaire de la sécurité du pays doit reconnaître que, comparé à Zeman et Klaus, l’actuel président répond à leurs attentes. Certes, Petr Pavel n’est pas un homme d’Etat comparable à Václav Havel. Mais l’essentiel étant l’orientation géopolitique du pays, il y a lieu de constater qu’il est à sa place. »

« Au moment où se déroule, non loin de nous, une guerre d’une ampleur jusqu’ici inimaginable, l’approche liée à cette invasion est le critère le plus pertinent pour juger un homme politique ». C’est ce qu’a noté à ce même propos l’éditorialiste de l’hebdomadaire Respekt estimant qu’à cet égard Petr Pavel mérite les meilleures références:

« A l’issue de la partie officielle des négociations du groupe de Visegrad à Prague le mois dernier, Robert Fico et Viktor Orbán, deux sympathisants de Vladimir Poutine, ne se sont pas rendus au Château de Prague pour voir le chef de l’Etat hôte, comme leur homologue polonais Donald Tusk et comme le veut la coutume diplomatique. Ils sont en revanche allés voir, tour à tour, les deux principaux favoris de Poutine à Prague, Miloš Zeman et Václav Klaus. Quelle que soit la raison pour laquelle le président actuel n’a pas rencontré Orbán et Fico, cet élément symbolique montre qu’au bout de la première année de son mandat, Petr Pavel fait clairement partie de l’alliance qui se range du côté de l’Ukraine attaquée par la Russie. »

Selon le commentateur du quotidien Lidové noviny, il n’y a aucun doute que l’actuel président tchèque connait très bien la chose militaire, ce qu’il a démontré en évaluant de manière réaliste la situation en Ukraine :

« Cela semble dessiner les perspectives pour les quatre prochaines années du mandat de Petr Pavel. Il s’agira d’accomplir les devoirs courants et de consulter dans les situations clés ou de crise les décisions avec les représentants des partis politiques. Il s’agit de ne pas jouer l’homme politique, car l’ADN de Pavel le prédispose à autre chose. »

Imposer en Tchéquie les impératifs du Pacte vert : une mission difficile

L’une des principales revendications des agriculteurs tchèques qui ont protesté à la mi-février et ce jeudi à Prague a été liée au Green Deal. L’occasion pour l’éditorialiste du site aktualne.cz de replacer ces protestations dans un plus large contexte et de constater qu’il sera difficile d’imposer les réductions d’émissions en Tchéquie, « un automobiland qui dépend d’une industrie à forte consommation d’énergie et où des voix climato-sceptiques se font fortement entendre » :

Photo: Michaela Danelová,  ČRo

« En plus, ces dernières années, la population locale a subi les lourds effets de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine, sous forme de hausse de prix sans précédent. Or, les préoccupations liées au changement climatique sont pour eux à tel point abstraites et insolubles que beaucoup préfèrent les ignorer. Ainsi, au lieu d’apporter des solutions à un problème important, le Pacte vert pour l’Europe n’est à leurs yeux qu’une menace, susceptible de rendre plus chères et inaccessibles des choses auxquelles ils sont habitués. Evidemment, le symbole en est la voiture à moteur à combustion. Un bien dont les personnes vivant en dehors des grandes villes ont du mal à se passer. »

Comment sortir de cette situation politique difficile ?, s’interroge l’éditorialiste avant d’estimer :

« Le gouvernement devrait prioritairement s’occuper de ce que les gens aient accès aux services dont ils ont besoin pour mener une vie normale : logement, transports publics, écoles, santé, culture et sport. Il n’est guère surprenant que le Green Deal devienne politiquement intenable dans un climat de craintes existentielles et de services inabordables. C’est à partir du moment où les gens cesseront d’être stressés par leurs problèmes d’ordre matériel et financier qu’ils pourront s’intéresser à ce que la politique verte comporte. »

Une ligne rouge entre les représentations politiques tchèque et slovaque

La suspension des consultations régulières entre les gouvernement tchèque et slovaque, annoncée mercredi par le Premier ministre tchèque Petr Fiala, est une démarche juste : un avis exprimé par l’auteur d’un texte publié dans le journal Hospodářské noviny au lendemain de cette décision qui a provoqué de nombreuses réactions. Son auteur a expliqué pourquoi :

Robert Fico | Photo: Zuzana Jarolímková,  iROZHLAS.cz

« Il fallait qu’un jour une ligne rouge soit tracée pour séparer la proximité supposée et réelle des Tchèques et des Slovaques. Comme la représentation politique slovaque ne partage pas les mêmes valeurs que la représentation tchèque, qui revendique clairement et incontestablement celles propres au monde démocratique et libre, il y a lieu de le lui faire savoir clairement. Cela dit, il est nécessaire de ne pas rompre totalement le contact avec les représentants slovaques. »

La seule question qui se pose maintenant, selon le journaliste du quotidien économique, est de savoir si cela ne poussera le Premier ministre slovaque encore plus dans les bras de Viktor Orban. « Fico est depuis longtemps dans l’étreinte de l’ours russe, bien qu’il ne cesse de répéter qu’il mène une politique slovaque ‘souveraine’ », a-t-il encore ajouté.

Le magazine Reflex remarque à ce propos :

« Quelques mois après les élections législatives, le gouvernement slovaque pousse visiblement la politique extérieure de son pays vers l’Est. Les prédictions selon lesquelles le succès de la formation Smer allait détériorer les relations tchéco-slovaques se réalisent. Le Premier ministre Robert Fico sert de plus en plus ouvertement les intérêts du Kremlin et polarise la société non seulement en Slovaquie, mais aussi dans notre pays. »

Un astronaute en Bohême (Spaceman) : un film à succès en Tchéquie

« Il y a six ans, les pages culturelles de médias étrangers ont fait l’éloge du roman du jeune écrivain tchèque Jaroslav Kalfař, Un astronaute en Bohême, allant jusqu’à le comparer à la création des grands auteurs tchèques, comme Čapek ou Kundera. Une œuvre peu connue à l’époque dans le pays d’origine de l’auteur que celui-ci avait quitté à l’âge de 15 ans pour s’installer aux Etats-Unis » : C’est ce que l’on pouvait lire sur le site Seznam Zprávy en rapport avec la sortie très médiatisée du film Spaceman, une adaptation cinématographique du roman tournée par Netflix. Le chroniqueur poursuit :

Source: Netflix

« Le roman parle d’un certain Jakub Procházka qui, en 2018, est emporté dans l’espace par une fusée lancée depuis un champ de pommes de terre près de Prague. Sa mission consiste à explorer un mystérieux nuage rosâtre apparu dans le ciel et qui terrifie la planète entière depuis des mois. Lorsque le protagoniste se retrouve au milieu du néant profond, le roman se transforme en une réflexion philosophique sur des questions autour de la vie et de l’univers en général. »

En dépit de sa renommée mondiale, comme l’indique l’article, le roman de Kalfař n’a pas produit dans notre pays l’effet attendu, étant considéré comme superficiel et manquant d’authenticité ou de surprise. Toutefois, Spaceman figure actuellement en tête du top 10 des contenus les plus regardés en Tchéquie. Cela n’empêche le journaliste de Seznam Zprávy d’être très critique :

« Le résultat est encore plus décevant que le roman, car le film est totalement dépourvu d’un humour tant bien que mal présent chez Kalfař, qui a ainsi rappelé ses racines tchèques. Un astronaute en Bohême est un produit du marketing culturel. Le plus étonnant c’est qu’il y a tant de personnes qu’il a réussi à tromper, dont des journalistes et des réalisateurs ».