La relation avec Prague au cœur de la campagne électorale slovaque
Le premier tour du scrutin présidentiel est prévu samedi en Slovaquie et les relations avec la Tchéquie sont l’un des sujets importants débattus par les principaux candidats.
Le débat diffusé par la chaîne de télévision privée Markíza lundi soir a confirmé l’importance du sujet de la relation slovaco-tchèque actuellement : les deux favoris des sondages, Peter Pellegrini et Ivan Korčok, ont exprimé des avis opposés sur la question.
« Je suis désolé que nous ayons des politiciens en Slovaquie qui apprécient le geste que le gouvernement tchèque a fait à l'égard de la Slovaquie. Je ne sais pas comment un pays peut être critiqué uniquement parce qu’il ne partage pas une attitude aussi militante que la République tchèque », a déclaré M. Pellegrini, actuellement président du parlement, soutenu par le Premier ministre Robert Fico, dont il a été le lieutenant et auquel il a succédé un temps à la tête du gouvernement slovaque.
Il a ajouté que la Slovaquie ne devrait pas se mettre au garde-à-vous en fonction de ce que le Premier ministre tchèque Petr Fiala « crie » depuis Prague.
« La responsabilité incombe clairement à la Slovaquie. Ce qui s'est passé est au détriment de la République slovaque. Nous brûlons les ponts avec nos voisins », a réagi Ivan Korčok, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur à Berlin et Bruxelles.
La relation entre les gouvernements tchèque et slovaque s’est tendue ces dernières semaines, en raison de l’attitude favorable au Kremlin du Premier ministre Robert Fico.
Prague a décidé de suspendre les consultations intergouvernementales, après une rencontre du groupe de Visegrad qui a confirmé une véritable scission sur le sujet de l’aide à l’Ukraine, avec d’un côté la Tchéquie et la Pologne pour un soutien sans failles et de l’autre la Slovaquie et la Hongrie, dont les ministres continuent de serrer la main du chef de la diplomatie russe.
Lors du débat télévisé, Peter Pellegrini s'est également prononcé en faveur « d'un cessez-le-feu en Ukraine et de pourparlers de paix ». « La paix dont vous parlez est une capitulation », a rétorqué Ivan Korčok.
« Cela ne suffit pas de seulement parler de paix »
L’un de ces deux hommes, à en croire les sondages, succèdera dans quelques semaines à Zuzana Čaputová. La cheffe de l’État était à Prague ce lundi et a bien sûr évoqué l’état des relations tchéco-slovaques :
« Il est évident que l’initiative du gouvernement tchèque est l’interruption temporaire des consultations bilatérales extraordinaires mais pas l’interruption de la coopération avec le gouvernement slovaque. Cette décision du gouvernement tchèque est compréhensible pour moi, elle a été justifiée par la différence avec les valeurs présentées par le gouvernement slovaque. Et cela ne concerne pas les relations entre les citoyens des deux pays ou les autres responsables politiques. »
« Nous voulons tous une paix juste. La différence est que beaucoup de pays ont décidé de soutenir l’Ukraine pour qu’à la table de négociations elle soit plus forte, pour négocier une position plus légitime, ce qui est équitable et juste. C’était la politique des gouvernements slovaques précédents également mais le gouvernement actuel en Slovaquie a manifestement un autre point de vue. »
Le président tchèque Petr Pavel a confirmé les dires de son homologue slovaque, dont le successeur devrait être élu après le deuxième tour prévu le 6 avril :
« Madame la présidente est la bienvenue et sera toujours la bienvenue. Tout ce que nous entendons actuellement à propos de la qualité des relations tchéco-slovaques doit être pris avec des réserves. Ces relations sont et seront bonnes et si nous ne sommes pas d’accord au niveau gouvernemental à propos d’un sujet de politique international – même s’il est fondamental -, cela ne veut pas dire que nous mettons fin aux relations tchéco-slovaques. Aucun des deux pays ne veut la guerre. »
« Nous voulons tous que la paix règne en Ukraine et que nous ayons le calme en Europe pour le développement de nos pays. La question est de savoir comment atteindre cette paix. Cela ne suffit pas de seulement en parler, de seulement la vouloir. Pour que la paix revienne en Ukraine, il nous faut faire concrètement quelque chose. Et c’est sur ce point que nous ne sommes pas d’accord mais cela ne veut pas dire que nous ne tomberons pas d’accord à l’avenir. »
Petr Pavel avait été critiqué fin septembre par Robert Fico pour avoir prévenu avant les élections législatives slovaques que la relation avec Bratislava serait compliquée s’il parvenait à former un gouvernement, en raison de sa position sur la guerre en Ukraine.
A l’heure où la Tchéquie mène une initiative louée par les alliés pour l’achat mutualisé d’obus destinés à l’armée ukrainienne, le fossé pourrait se creuser encore davantage entre Prague et Bratislava en cas de victoire de Peter Pellegrini.