Presse : Kafka, un écrivain qui continue de fasciner

Cette nouvelle revue de presse s’intéresse d’abord au caractère unique d’un parcours de randonnée appelé le Sentier tchèque. Elle porte ensuite un regard sur l’intérêt jamais démenti pour Franz Kafka et son héritage. Le temps est-il venu pour la Tchéquie de quitter le groupe de Visegrad ?  Autre sujet traité : la position de la Tchéquie à l’égard des puissances mondiales. Un mot enfin sur l’augmentation envisagée de la limite de vitesse sur certains tronçons des autoroutes tchèques.

Photo:  Kristýna Maková,  Radio Prague Int.

« C’est assez étrange. Nous sommes une nation d’amateurs de tramping, de longues marches à pied, de randonnées en famille. Nous avons le meilleur système de sentiers balisés. Et pourtant, il a fallu attendre 2020 pour que nous ayons un grand chemin qui traverse le pays. Un trail. Un sentier. Une ‘stezka’. » Voilà ce qu’on peut lire dans un texte publié dans le supplément Orientace du quoditien Lidové noviny :

« Le Sentier tchèque (Stezka Českem) qui compte près de deux mille kilomètres est l’œuvre d’un petit groupe d’amateurs enthousiastes. Aujourd’hui, il est devenu un véritable phénomène. Au cours de trois ans d’existence, il a vu la Tchéquie de l’est à l’ouest, du nord au sud et vice versa parcourue par des centaines de personnes, soit en une fois, soit par étapes. Tout le monde peut y aller est le slogan que les fondateurs du Sentier tchèque qui fait désormais partie de la plus grande application mondiale FarOut. »

Selon le chroniqueur du journal, le Sentier tchèque est unique à bien des égards, et ce notamment de par son itinéraire. Il raconte :

« Aucun autre itinéraire au monde ne suit les frontières d’un pays et ne les contourne en traversant littéralement des dizaines de chaînes de montagnes différentes. Le terrain morphologique et le biotope changent pratiquement tous les jours. En outre, la route traverse des endroits généralement déserts. Mais comme le pays est assez densément peuplé, même à partir d'un endroit assez éloigné, il est possible de rejoindre la civilisation en une journée de marche. On peut donc vivre plusieurs jours de solitude sur ce sentier, tout en restant en sécurité. Ainsi, le plus grand danger s’avèrent être les tiques, que l’on peut par ailleurs attraper même en pleine ville. »

« Grâce à son parcours circulaire, le sentier n’a ni début ni fin, et grâce à un climat doux,  il est possible de commencer sa randonnée à n’importe quelle date, entre avril et octobre », ajoute encore le chroniqueur.

Franz Kafka continue à nous parler et pas seulement à travers ses livres

Ce 3 juillet, 140 ans se seront écoulés depuis la mort de Franz Kafka. « Cet écrivain juif de Prague, de langue allemande, qui a trouvé les mots pour exprimer ce que les générations suivantes ont ressenti », rappelle le chroniqueur de l’hebdomadaire Respekt :

« Franz Kafka a écrit des textes constitutifs du sentiment de désillusion de l’époque moderne. C’est également la raison pour laquelle l’œuvre de Kafka continue de fasciner et de susciter de nouvelles perspectives et interprétations. Son importance a été minimisée sous le régime communiste, mais après 1990, il a retrouvé la place qui lui appartient. Ainsi, au cours des semaines qui coïncident avec le 140e anniversaire de sa naissance, on peut voir en Tchéquie, par exemple, une adaptation du  Procès au théâtre Petr Bezruč à Ostrava, pratiquer un jeu vidéo intitulé Playing Kafka ou encore attendre la sortie au mois de septembre d’un album du groupe Kafka Band consacré à l’œuvre de l’écrivain. De même, Franz Kafka est devenu une énorme attraction touristique, étant à Prague ce que James Joyce est à Dublin.»

Une biographie monumentale en trois volumes du grand spécialiste allemand de Kafka, Reiner Stach, adaptée pour une série télévisée ou encore un biopic de Kafka d’après un scénario de Mark Epstein qui sera réalisé par la cinéaste oscarisée Agnieszka Holland. Autant d’exemples des préparatifs en cours pour l’année prochaine, année du centenaire de la mort de l'écrivain, et qui permettent au chroniqueur de Respekt de conclure :

« Le constat  que Kafka a quelque chose à dire à notre époque est confirmé par le fait que des citations de ses lettres à Milena Jesenská soient devenues une tendance sur TikTok cette année. Ainsi, même en 2023, Kafka parle encore, et pas seulement à travers ses livres. Les créateurs qui ont l’âge de ses hypothétiques arrière-petits-enfants sont surpris de voir qu’il peut aussi nous apprendre beaucoup de choses sur la désinformation, les conspirations, les algorithmes qui contrôlent le contenu de l’internet et l’identité de l’Europe centrale. »

La Tchéquie et le groupe de Visegrád

Zuzana Čaputová | Photo: Václav Šálek,  ČTK

Le départ annoncé de la présidente slovaque Zuzana Čaputová offre une belle opportunité de quitter définitivement le groupe V4 qui compte, outre la Tchéquie, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie, estime un éditorialiste du journal Deník N. Un groupe, selon lui, qui est devenu au fil des années « un écomusée d’autocrates » :

« Aucun pays de l’Union européenne n’a un rapport aussi redoutable à l’égard de la démocratie et des valeurs civilisationnelles occidentales que nos ‘homologues’ du V4. En cas de victoire de l’ancien Premier ministre populiste Robert Fico aux élections anticipées de septembre, la Slovaquie les rejoindra bientôt. De plus, le V4 est un concept mort qui est en train de s'effondrer sans guère d’effort. Son éventuelle relance nous jetterait à la périphérie politique de l’Europe, vers laquelle nous avons déjà tendance à nous diriger en continuant à refuser l’euro. »

« Comme quatre des cinq partis qui forment la coalition gouvernementale tchèque sont résolument pro-européens, il n’y aura pas de meilleur moment pour réduire les liens de Visegrad », estime encore le publiciste de Deník N. Et de souligner :

« Quels que soient nos intérêts communs au sein du V4, nous ne partageons pas les mêmes valeurs fondamentales. Il est grand temps de concentrer notre attention sur des partenaires aux valeurs inverses. »

La Tchéquie face à deux puissances

Photo illustrative: Bureau du Gouvernement tchèque

« La Russie est pour longtemps un ennemi et l’Amérique un allié de la République tchèque », annonce le titre d’un article publié dans le quotidien Hospodářské noviny. Mais, comme l’explique son commentateur, ce constat ne va pas sans nuances :

« Il est juste que les hommes politiques tchèques aient décidé d’être un peu plus clairs sur ce que devraient être les relations avec les grandes puissances actuelles. Cette semaine, on a vu deux documents importants se côtoyer ou s’opposer : l’accord de défense conclu avec les Etats-Unis et la nouvelle stratégie de sécurité. Depuis la division de la fédération tchécoslovaque, la politique étrangère tchèque vis-à-vis des deux superpuissances n’a peut-être jamais eu de règles du jeu aussi clairement définies par la représentation politique. En même temps, les tâches n’ont jamais été aussi complexes, le tout au moment où la position mondiale des Etats-Unis et de la Russie est en train de changer radicalement. »

Evidemment, comme l’observe le commentateur du journal économique, les Etats-Unis ne sont pas un allié sans problème, l’asymétrie créée par la taille des deux pays étant parfois très perceptible. « Mais jusqu’à présent, avec eux, les Tchèques n’ont pas d’expérience de trahison et de méfiance comparable à celle de la France d’avant-guerre », écrit-il avant de se pencher sur l’avenir des relations avec la Russie :

« Il est très peu probable qu’un régime compatible avec les démocraties libérales émerge en Russie au cours des prochaines années, voire de la prochaine décennie. Les alternatives possibles à Poutine semblent encore pires. Cependant, il est impossible de s’enfermer devant la Russie, simplement parce que c’est un pays doté de l’arme nucléaire. Or, il faut trouver une façon de l’approcher, même si la priorité de la politique orientale tchèque dans les années à venir sera axée sur l’Ukraine. »

Qui veut rouler plus vite en Tchéquie ?

Photo: Milan Kopecký,  ČRo

« L’augmentation prévue de la limite de vitesse sur certains tronçons d’autoroutes nationales est une mauvaise idée, à tous points de vue. » C’est par ces mots que l’éditorialiste du site Seznam Zprávy a commenté la proposition du ministre des Transports Martin Kupka, adoptée par la Chambre des députés ce mercredi, d’autoriser les conducteurs à rouler, à certains endroits, à 150 kilomètres à l’heure au lieu de 130. Il a écrit :

« La vitesse pourra être augmentée lorsque les routes nationales seront sûres.  L’expérience liée aux réparations de la principale autoroute D1 qui s’éternisent depuis des décennies montrent que ce n’est pas pour demain. De même, cette mesure ne sera efficace que lorsque les voitures à émissions neutres coûteront nettement moins chères que les voitures à essence. Probablement, pas avant la fin du siècle. »

Le journal Lidové noviny a écrit  à ce même propos:

« Si le Sénat approuve cette modification, nous serons le seul pays d’Europe à avoir la limite de vitesse la plus élevée, à l’exception de l’Allemagne. Est-ce en roulant plus rapidement que nous entendons rattraper les pays qui ont réussi à construire un bon réseau autoroutier, une chose que nous-mêmes nous n’avons pas su faire ? »