Třešť, entre crèches de Noël et villégiature de Kafka

Třešť

Petite commune du plateau tchéco-morave, Třešť n’a pas de centre-ville inscrit sur la liste du patrimoine mondiale de l’UNESCO, à la différence de Telč, sa voisine proche. L’absence de place principale digne de ce nom à Třešť fournit d’ailleurs aux habitants de Telč matière à de nombreuses taquineries. Des boutades que les habitants de Třešť leur rendent bien : « Telč ? C’est une place et rien d’autre ! » Au delà de ces moqueries de clochers entre deux communes dont les toponymes font l’effet de déroutants virelangues aux non-tchécophones, nous vous invitons à une visite de la ville dans laquelle Kafka a passé quelques étés, et qui attire des foules de passionnés de crèches de Noël pendant la saison froide.

En chemin vers Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Aujourd’hui, RPI vous emmène dans la Vysočina, qui est un peu le « Massif central » de la République tchèque. Au sens littéral, d’ailleurs, puisque « vysočina » signifie « hautes terres » … et que la région est située en plein milieu du pays (le centre du territoire tchèque se trouvant à Číhošť, dans le district de Havlíčkův Brod). La Vysočina est également l’une des régions les moins densément peuplées du pays (avec un demi-million d’habitants sur à peine 7000 km2, 74 hab/km2).

A la gare de Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Nous descendons du train à la gare de Třešť, petite ville d’à peine 6000 habitants située à mi-chemin entre Jihlava (capitale de la région Vysočina), et Telč, ville dont le centre-ville est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Le musée Tesla et un abri souterrain

Le musée Tesla et la gare de Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Juste à côté de la gare de Třešť se trouve un musée qui intéressera les membres de radio clubs et/ou passionnés des technologies radio : le musée Tesla, ouvert ici en 2012 par le Radio club tchécoslovaque historique. Rappelons à nos auditeurs que l’entreprise publique tchécoslovaque TESLA n’avait rien à voir avec le constructeur automobile américain du même nom : son domaine, c’était initialement l’électrotechnique sous toutes ses formes. D’après le site du musée Tesla, on y trouve une exposition sur la radiotechnique lourde, une exposition sur le développement et la conception des récepteurs radio, une exposition interactive de téléviseurs Tesla fonctionnels et une exposition sur l’héritage de la marque tchécoslovaque Tesla dans l’industrie électrique tchécoslovaque.

L'ancien abri souterrain S-7 | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Et même, si le cœur vous en dit, le musée organise de temps en temps des visites guidées de l’ancien abri souterrain S-7, qui se trouve un peu plus loin. Il s’agit d’un bunker construit dans le plus grand secret au début des années 1970 et conçu pour abriter (en cas de besoin) le QG de la protection civile de Brno. Il aurait pu accueillir 250 personnes…

Mais la visite – du musée et/ou du bunker – sera pour un autre jour, car aujourd’hui, pour découvrir la ville, nous avons rendez-vous avec une spécialiste de la langue française : Markéta Fabešová, qui est professeur de français au lycée professionnel de Telč (à 15 km au sud de Třešť) et originaire de Třešť.

Romana Šťastná et Markéta Fabešová au café Naladěná kavárna | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Markéta, nous nous trouvons au café Naladěná kavárna, installé dans les locaux d’une ancienne école. Est-ce ici que vous veniez à l’école quand vous étiez enfant ?

« Non, j’allais à l’école de l’autre côté de la ville. »

Le délire d’un chevalier

Le nom de la ville, Třešť, est très difficile à prononcer pour les francophones ! Mais à part cela, que signifie-t-il ? En connaît-on l’origine ?

La place T.G. Masaryk de Třešť avec l’ancienne école | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

« Le nom de la ville est lié à la légende [de la fondation de Třešť, ndlr], qui raconte qu’un chevalier s’est endormi dans la forêt qui recouvrait alors les lieux. Il aurait rêvé de fées dispersant des maisons… D’après ce rêve, la ville [qu’il a ensuite établie ici] a été appelée ‘Třešť’, car ‘třeštění’ signifie ‘délire’, ‘folie’. »

En ce mois de janvier, Noël est passé, mais il n’est pas encore trop tard pour voir les crèches qui font la réputation de Třešť. Rendons-nous donc à la Maison Joseph Aloïs Schumpeter, où sont exposées des crèches toute l’année. Par ailleurs, certains habitants de Třešť exposent des crèches chez eux de décembre à début février. A quand remonte cette tradition ?

Markéta Fabešová et Romana Šťastná au musée des crèches de Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

« Les crèches de Třešť sont nées au début du XIXe siècle. Elles étaient à l’origine faites en papier, les figurines étant peintes avec des peintures en poudre mélangées à de la gomme arabique. Plus tard dans le XIXe siècle, les crèches de papier sont remplacées par des crèches de bois. Beaucoup de crèches en papier ont été détruites par des incendies, malheureusement ! Néanmoins, nous avons actuellement autour de 22 familles qui exposent leurs crèches chez eux. »

Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Crèches ouvertes au grand public… et crèche VIP !

Vous me disiez d’ailleurs hors micro que vos parents aussi exposaient une crèche. Etait-ce déjà le cas quand vous étiez petite ?

« Non, cela fait seulement dix ans que nous avons notre crèche à la maison. Mais nous la montrons seulement aux amis. Elle est faite en bois, et nous ajoutons chaque année de nouvelles figurines. C’est un travail qui occupe toute l’année. Mon père fabrique également pour la crèche des moulins et d’autres éléments mécaniques qui font du bruit, des fées, etc. »

Pouvez-vous nous expliquer qui était Joseph Aloïs Schumpeter, dans la maison duquel se trouve l’exposition permanente de crèches ?

« C’est un économiste né au XIXe siècle à Třešť, qui a inventé un système populaire au Japon. »

La Maison Joseph Aloïs Schumpeter,  où se trouve l'exposition permanente de crèches | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Franz Kafka… et son oncle, médecin de campagne et « diable puant »

Franz Kafka est l’une des autres personnalités liées à la ville, même s’il s’agit d’un lien indirect. En effet, il y venait régulièrement en vacances chez son oncle médecin. Allons donc voir la maison où l’écrivain a passé quelques étés entre 1900 et 1907, une maison qui se trouve sur la bien-nommée « petite place » (Malé náměstí)… La ville de Třešť a-t-elle inspiré Kafka ; est-elle présente d’une manière ou d’une autre dans ses œuvres ?

Le docteur Siegfried Löwy avec une moto | Photo: Martina Schneibergová,  Radio Prague Int.

« Oui, pour la nouvelle Un médecin de campagne (1920), Kafka s’est inspiré de son oncle, le docteur Siegfried Löwy. »

Son oncle qui, en plus d’être médecin, avait une passion encore inhabituelle pour l’époque : les motos !

« Oui, il a été le premier à avoir une moto à Třešť. Les habitants avaient peur de cette machine qu’ils ne connaissaient pas [et avaient donc surnommé ce pionnier de l’automobilisme le « diable puant », ndlr] ! Précisons encore que la nouvelle Un médecin de campagne est l’une des rares œuvres que Kafka a souhaité publier de son vivant. »

La maison du docteur Löwy,  où Franz Kafka a passé plusieurs étés | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

Le quartier juif

Nous nous trouvons maintenant devant l’ancienne synagogue. Quelle était l’importance de la communauté juive à Třešť avant la Seconde Guerre mondiale ?

L’ancienne synagogue de Třešť | Photo: Martina Schneibergová,  Radio Prague Int.

« Il faut remonter un peu dans l’histoire, au XVe siècle, où nous trouvons la première mention d’une colonie juive à Třešť. Une colonie qui a ensuite disparu pendant la guerre de Trente Ans. Puis, au XVIIIe siècle, huit familles juives ont été acceptées à Třešť. Par la suite, on constate une augmentation rapide de la communauté juive. Toutefois, les Juifs avaient des droits et des permis de circulation limités, tout en payant des impôts et des taxes plus élevés que les autres habitants. Ils se consacraient principalement au commerce des céréales ainsi que de la laine. Ils étaient également propriétaires de la fabrique d’allumettes de la ville. »

Allumettes souvenir de Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

« Le quartier juif a connu deux grands incendies, qui ont été un vrai désastre pour le quartier… »

Celui de 1824 a d’ailleurs détruit la synagogue, qui a ensuite été reconstruite dans le style Empire...

L’exposition dans la synagogue de Třešť | Photo: Martina Schneibergová,  Radio Prague Int.

« De l’autre côté de la ville, sur la route de Telč, se trouve aussi un cimetière juif. Il faut noter que dans la première moitié du XIXe siècle, la communauté juive représentait un cinquième de la population de Třešť. »

Châteaux et sorties nature

Romana Šťastná, du service culture de la ville, nous disait hors micro qu’il n’y avait pas de château à Třešť… Il y en a pourtant bien un sur la carte !

Le château de Třešť | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.

« Il y en a un, effectivement, mais ce n’est aujourd’hui pas un château dont on peut visiter les différentes pièces, etc. La ville n’ayant pas assez d’argent pour racheter le bâtiment, il appartient désormais à l’Académie des sciences tchèque, qui l’a rénové pour en faire un hôtel. C’est un beau château maintenant, avec un joli parc accessible au public. »

En parlant de parcs, la Vysočina dans son ensemble est réputée pour sa nature. Le plus haut sommet de la région, le mont Javořice (837 m) se trouve à une trentaine de kilomètres de Třešť. Et vous, quels sites naturels de la région aimez-vous visiter ?

Château-fort de Roštejn | Photo: Vojtěch Ruschka

« Pas très loin, il y a par exemple le château fort Roštejn, que l’on peut visiter, tout comme la forêt qui entoure le château. Et puis le mont Špičák, un petit sommet qui est accessible à pied depuis Třešť. »

Quelle saison est la meilleure pour visiter Třešť ?

« Dans les autres villes, c’est l’été, mais à Třešť, je pense que c’est l’hiver. La ville est un peu ‘morte’, mais les crèches sont magnifiques ! Et vous pouvez visiter presque toute la ville, car les familles qui exposent leurs crèches vivent à différents endroits de la ville, pas uniquement dans le centre. »

Le crèche à taille humaine | Photo: Anaïs Raimbault,  Radio Prague Int.
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