Presse : le non-respect des mesures sanitaires, une anarchie officiellement tolérée
Cette nouvelle revue de presse s’intéresse d’abord aux manifestations des opposants à la vaccination et au non-respect des mesures sanitaires auxquels la Tchéquie est actuellement confrontée. L’actuelle transition politique qui se déroule dans des conditions surréalistes sera un autre sujet traité. Quelques remarques ensuite sur une entente rarement vue entre les leaders de deux camps politiques opposés visant à donner un coup de pouce à la vaccination. Il y sera également question des motivations qui incitent le Premier ministre sortant Andrej Babiš à se lancer dans la campagne présidentielle.
« Face aux actions extrémistes, l’Etat est sur la défensive », constate l’auteur d’un texte publié sur le site aktualne.cz. L’organisation dimanche dernier d’une manifestation sur l’esplanade de Letná à Prague à laquelle quelques milliers de personnes ont participé serait un des derniers témoignages de ce que « dans la réalité quotidienne, c’est le droit des gens irresponsables et sans scrupules qui l’emporte ». Cet événement a aussi confirmé, selon lui, une tendance marquante : la scène anti-vax est liée de plus en plus fortement aux courants les plus extrémistes de la sphère politique :
« A quelques exceptions près, il n’y a eu aucune intervention de la police lors du rassemblement des opposants à la vaccination et aux mesures anti-Covid. Et ce en dépit du fait que ses participants aient clairement contrevenu aux règles en vigueur dont en premier lieu le port du masque ou le respect de la distanciation sociale. Peu de choses expriment mieux que cela la situation actuelle dans le pays. La coalition sortante du mouvement ANO et des sociaux-démocrates transmet au nouveau cabinet une société dans un état délabré et en proie à l’anarchie. »
Il existe, comme l’indique le commentateur, d’autres exemples qui le prouvent. On peut voir par exemple, à travers tout le pays, certains établissements de restauration qui ne respectent pas les horaires d’ouverture ou encore des villes qui ignorent l’interdiction des marchés de Noël en changeant leur dénomination officielle. De même, la protection accordée aux travailleurs du secteur de la santé qui sont confrontés à des actes de violence est faible.
« Or, la récente agression dont ont été victimes une mère et son enfant devant un centre de dépistage n’est pas un incident anodin, car il pourrait se produire n’importe où et n’importe quand, » ajoute-t-il avant de conclure :
« L’Etat qui n’arrive pas à imposer des règles définies et à protéger la santé de ses citoyens face à une minorité de mécontents affiche l’échec d’une de ses fonctions fondamentales, celle consistant à accorder les services publics élémentaires. L’anarchie oficiellement tolérée devient alarmante. Les options du futur cabinet sont claires : soit renoncer à ses devoirs et laisser l’espace public au droit du plus fort, soit exiger le respect de ses règles par tous les moyens légitimes dont il dispose. Il n’existe pas de voie médiane idéale pour sortir de cette crise. »
Une transition politique dans un décor surréaliste
« Des acteurs dociles dans une comédie dirigée par Miloš Zeman ». Tel est le titre d’une note publiée dans le journal en ligne Deník Referendum qui se penche sur les entretiens menés par le président de la République avec les futurs membres du nouveau gouvernement de coalition :
« Alors que le pays est secoué par plus d’une crise, les candidats aux postes ministériels se rendent à tour de rôle au château de Lány, pour faire semblant de discuter avec le chef de l’Etat de choses de première importance. On pourrait croire que le temps ne presse pas. Pourtant, plus d’une cinquantaine de jours se sont écoulés depuis les élections législatives. Dès lors, les représentants de la coalition victorieuse SPOLU (Ensemble) se sont alliés avec la coalition des Pirates et des Maires, en définissant un programme commun et en choisissant les futures ministres. Mais c’est le gouvernement sortant d’Andrej Babiš qui, pour l’heure, est encore au pouvoir et tout indique que cette situation va se prolonger pendant encore un certain temps. »
« Après avoir passé plusieurs semaines dans un hôpital en soins intensifs et après avoir été testé positif au coronavirus, suite à quoi il reçoit les candidats ministériels enfermé dans une boîte en plexiglass, le président Miloš Zeman a décidé de compliquer la transition », explique le commentateur de Deník Referendum. Et voici ce qu’il recommande :
« Ni le futur Premier ministre, ni les autres candidats n’ont commenté les circonstances surréalistes de ces entretiens. On peut espérer que bientôt, l’un d’eux au moins, inspiré par un des célèbres contes de Hans Christian Andersen, dira que le roi est nu. »
Un consensus rare pour lutter contre la pandémie de Covid
« L’appel lancé en conférence de presse par le Premier ministre sortant Andrej Babiš et son successeur Petr Fiala en vue de promouvoir une nouvelle initiative des médecins visant à faire augmenter rapidement le nombre de personnes vaccinées représente un important acte symbolique », rapporte un texte publié sur le site Seznam Zprávy. Son auteur explique :
« Depuis les élections législatives d’octobre, c’est un premier signe pertinent de la volonté des deux équipes opposées de surmonter les hostilités de la campagne électorale, afin de lutter de manière commune contre l’épidémie de Covid-19. La présence de Babiš et de Fiala sur un même podium est significative, car elle prouve que la contestation de la vaccination reste quelque chose de marginal en Tchéquie. Le président de la République Miloš Zeman est allé plus loin encore en soutenant l’idée d’une vaccination obligatoire. »
La démarche des deux coalitions opposées est politiquement audacieuse. « En se mettant du côté d’une vaccination rapide, elles risquent de perdre les sympathies des électeurs qui la refusent », explique le journaliste.
L’hebdomadaire Respekt salue à son tour le récent geste des deux Premiers ministres, sortant et désigné. Il ajoute cependant qu’outre ce message politique bénéfique adressé aux citoyens, l’Etat est censé assurer en premier lieu un service fonctionnel :
« En Tchéquie, l’échec de la lutte contre la pandémie est lié au système logistique destiné à assurer la transparence des mesures anti-Covid et l’accessibilité aux informations, aux données et aux analyses. Certes, les deux chefs de gouvernement ont soutenu une activité très importante, mais leurs équipes et surtout celle de Petr Fiala doivent s’occuper désormais prioritairement de ce dernier point. La mission des politiciens n’est pas d’être publiquement fan de telle ou telle méthode dans la guerre contre le covid, mais d’assurer un service d’Etat efficace. »
L’élection présidentielle de 2023 déjà dans les têtes
« Andrej Babiš s’est lancé dans la campagne présidentielle », rapporte une des dernières éditions du quotidien économique Hospodářské noviny tout en faisant mention du vide du côté du camp « démocratique ». Il réagit ainsi aux résultats d’un sondage publié à la une du quotidien Mladá fronta Dnes qui place le Premier ministre sortant à la première position :
« A l’approche de l’élection présidentielle, la position de Babiš ne paraît pas désespérée. Certes, il est une figure qui polarise la société, mais ses adversaires du camp démocratique ne sont pas particulièrement convaincants. Le général Petr Pavel qui représente actuellement son plus grand rival, paraît assez raide. La position de ceux qui pourraient le rejoindre est plus incertaine encore. Ainsi, par exemple, l’économiste Danuše Nerudová, qui aspire probablement à devenir une version tchèque de la présidente slovaque Zuzana Čaputová, n’est connue que de ceux qui suivent de près la politique et de personnes sur Twitter. Une nouvelle fois, une forte personnalité sera décisive. Elle a d’ailleurs été à l’origine de la victoire de Miloš Zeman à la présidentielle en 2017 sur le trop sérieux scientifique Jiří Drahoš. »
Le commentateur de Hospodářské noviny souligne que la motivation d’Andrej Babiš à devenir président est forte : « Il souhaite une satisfaction après la perte aux dernières élections législatives et espère obtenir l’immunité que le mandat présidentiel lui assurerait en le protégeant de poursuites policières et judiciaires ».