Revue de presse : un ras-le-bol des restrictions malvenu
La campagne de vaccination contre le Covid-19 et la gestion d’une épidémie qui affecte toujours lourdement la Tchéquie, continuent de soulever toutes sortes de questions. Comme ailleurs en Europe, les médias tchèques s’efforcent d’y répondre, comme nous le montre cette nouvelle revue de presse de la semaine écoulée.
« Sous la pression du coronavirus, la Tchéquie est en train de se disloquer », titrait cette semaine le site Aktualne.cz avec un commentaire dans lequel on pouvait lire :
« Les mesures positives et les restrictions ayant échoué, l’épidémie se propage dans le pays de manière incontrôlée. Dès lors, il s’agit désormais d’abord de bien gérer la campagne de vaccination de la population. Ce sera une tâche difficile, la moitié à peine de la population se déclarant prête à se faire vacciner. Une campagne de vulgarisation intelligente, qui mettrait en avant la solidarité entre les générations et qui expliquerait aux gens le bien-fondé des restrictions imposées, constituerait un bon moyen d’affaiblir la position extrémiste des anti-vaccins. »
Toujours selon le même commentaire, la promesse de l’organisation d’élections anticipées, dès que la situation le permettra, pourrait aussi atténuer le mécontentement des gens.
L’hebdomadaire Respekt remarque pour sa part qu’au beau milieu d’une troisième vague épidémique plus forte que les deux premières, la vaccination représente un réconfort et un espoir de victoire. Il regrette toutefois que « la plus grande opération vaccinale de tous les temps se prépare chez nous à la dernière minute et que le public ne dispose pas d’informations pertinentes. »
Le ton d’un commentaire publié dans le quotidien Deník est plus optimiste :
« Les hésitations au départ ne signifient pas forcément que l’on n’arrivera pas au but voulu. Certes, pour ce qui est de la vitesse de la vaccination, la Tchéquie ne rattrapera pas Israël, mais elle a une chance de bien figurer parmi les pays membres de l’Union européenne. »
Le journal rappelle que lors de la deuxième vague de la pandémie, le gouvernement a commis de graves erreurs en assouplissant les restrictions, notamment pour permettre aux gens de faire leurs courses de Noël. Depuis, la Tchéquie compte parmi les pays les plus affectés dans le monde par le Covid-19. La vaccination offre ainsi l’occasion de réparer les dommages commus, à la seule condition toutefois que les ministres ne prêtent plus attention à la « vox populi » et ne fassent plus sortir prématurément le pays du confinement.
Les Tchèques ne considèrent pas le Covid comme une menace fatale
« Le nombre de victimes en Tchéquie en lien avec le Covid-19 est nettement supérieur à celui qui est généralement avancé suite à la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en 1986. On peut donc se demander pourquoi les démarches entreprises contre la pandémie sont moins déterminées que celles supposées pour une menace nucléaire ». C’est ce que l’on peut lire sur le site Info.cz, qui précise :
« La réponse à cette question est simple : même les quelque 14 000 décès en lien avec le Covid-19, le chiffre avancé à ce jour, n’arrivent pas à persuader les Tchèques qu’il convient de considérer cette maladie comme une menace fatale. Ce n’est pas non plus un memento sur la base duquel les gens accepteraient d’être privés d’une partie de leurs libertés civiques. »
« Par ailleurs, la façon dont le débat sur le Covid est mené en Tchéquie laisse à penser que les inondations, les tempêtes ou une éventuelle fuite radioactive inquiètent davantage que la propagation de l’épidémie », conclut le site.
Porter un regard inédit sur la lutte contre le coronavirus
Dans le quotidien économique Hospodářské noviny, Petra Hůlová, une des écrivaines tchèques les plus lues de ces dernières années, propose un regard inédit sur la pandémie de coronavirus en soulevant une question insolente, selon elle : « Que sommes-nous encore prêts à sacrifier dans la lutte contre le Covid, et pour combien de temps ? ». Elle justifie sa pensée :
« La mort constituant une absence de vie, il faut se demander quelle est la valeur que nous accordons à une vie dont la lutte contre le Covid est devenue le principal impératif. Le temps est venu de commencer à procéder à un décompte équitable des pertes, des deux côtés de la balance. Les victimes se trouvant de ‘l’autre côté de la balance’ n’ont pas de chance, car elles ne sont pas prises en compte. Il ne s’agit pas seulement des vies ruinées de ceux qui ont commis l’erreur fatale de reporter une consultation médicale ou qui devaient subir une opération chirurgicale qui a finalement été ajournée. Il s’agit aussi du ‘simple’ appauvrissement et même de l’étranglement de la vie humaine, soit là quelque chose de difficilement quantifiable, qui peut encore moins être utilisé comme argument. Néanmoins, si une telle situation dure depuis longtemps et détériore des millions de vies, le bon sens nous ordonne de réenvisager l’ensemble de la chose. »
« La responsabilité est un autre sens auquel il est bon de faire appel », avance encore l’auteure, selon qui celle-ci ne devrait pas être envisagée dans sa version réduite :
« On ne peut mettre l’accent uniquement sur la responsabilité vis-à-vis des personnes âgées. On ne peut pas rejeter toutes les autres formes de responsabilité vis-à-vis des autres personnes et vis-à-vis des qualités essentielles de la vie dont nous sommes désormais privés et qui nous différencient des animaux, sans même parler des graves problèmes existentiels auxquels beaucoup sont confrontés. »
Quel potentiel politique des manifestatons anti-vaccination ?
« Vašek (Václav) au Château (de Prague) ! » Tel est un des slogans qui ont été scandés lors du rassemblement dans le centre de Prague, dimanche dernier, contre les mesures de restriction et la campagne de vaccination. Près de 3 000 personnes ont manifesté. Le destinataire de cet appel n’était autre que l’ancien président de la République Václav Klaus, qui compte parmi les anti-vaccins tchèques les plus farouches. Selon une note publiée le lendemain dans le journal Lidové noviny, la participation très remarquée de l’ancien chef de l’Etat a permis de mettre en lumière ce mouvement de contestation qui, autrement, serait passé presqu’inaperçu :
« Cela fait déjà un certain temps que Václav Klaus défend une position de combattant contre ce qu’il appelle ‘l’hystérie du Covid’, tout en radicalisant progressivement ses positions. Le 17 novembre dernier, jour de fête nationale, c’est sans masque qu’il s’était présenté dans l’avenue Národní à Prague, lieu central des commémorations de la révolution de Velours. Cette fois, il est monté à la tribune pour critiquer durement la vaccination et les mesures appliquées par le gouvernement contre le Covid. Son discours est démagogique, car, comme on le sait, seule la vaccination peut permettre un retour à une vie normale, l’idée d’une contamination de l’ensemble de la population étant désormais dépassée. Pour résumer, Václav Klaus trouve les restrictions plus dangereuses que le virus lui-même. »
Selon le commentateur de Lidové noviny, tout indique que Václav Klaus envisage désormais de faire son comeback sur la scène politique. « Le moment où la majorité de la population est opposée à la vaccination et où la frustration grandit, lui offre une belle occasion. » L’auteur ajoute encore :
« Václav Klaus, qui soufflera cette année ses 80 bougies, pourra éventuellement miser sur les élections législatives en octobre prochain, voire sur l’élection présidentielle prévue en 2023. Une chose est sûre : les prochains mois seront très agités, et pas seulement à cause de l’épidémie. Toute prévision est très incertaine. »
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir que cette crise du coronavirus qui dure et s’accompagne de restrictions chaotiques, offre un terrain fertile à toutes sortes de « contre-courants », y compris au niveau politique, comme le note le journal E15 :
« Ce rassemblement (de dimanche dernier) qui s’est déroulé en présence des deux Václav Klaus, père et fils, et de représentants de plusieurs petits partis, pourrait être perçu comme un événement marginal. Mais à la différence des précédentes protestations contre le port du masque, celle-ci portait en elle un potentiel politique certain, accentué à l’approche des élections législatives et présidentielles par le scepticisme et la mauvaise humeur d’un grand nombre de Tchèques. »