Législatives J-100 : les électeurs tchèques voient d’autres priorités que le coronavirus
Evénement politique le plus important de l’année en République tchèque, les élections législatives se tiendront dans moins de 100 jours. A cette occasion, la Radio tchèque a commandé un sondage pour savoir quel intérêt les électeurs, au bout d’un an et demi de crise sanitaire, portaient au scrutin.
Selon les résultats obtenus par l’agence Median auprès d’un millier de personnes entre les 21 et 26 juin, deux tiers environ des Tchèques affirment qu’ils se rendront aux urnes les vendredi 8 et samedi 9 octobre prochains. Il s’agirait d’une participation très légèrement supérieure à celle des dernières législatives en 2017, quand le taux s’était élevé à 60,8 %. Les élections avaient alors été nettement remportées par le mouvement ANO d’Andrej Babiš, qui avait recueilli près de 30 % des suffrages.
Cette année, la lutte s’annonce plus serrée entre notamment la formation dirigée par le Premier ministre, la coalition libérale formée du Parti des Pirates et de STAN (mouvement des Maires et indépendants) et la coalition conservatrice tripartite appelée Spolu (Ensemble), composée des partis ODS, TOP 09 et chrétien-démocrate.
A la surprise de beaucoup, le président de la République, Miloš Zeman, a annoncé la date des élections dès la fin du mois de décembre dernier, lançant ainsi de facto la campagne. Les personnes âgées de plus de 60 ans, les diplômés de l’enseignement supérieur, mais aussi les chefs d’entreprise, auto-entrepreneurs et autres artisans, manifestent le plus grand intérêt pour celle-ci et sont les plus nombreux à vouloir voter.
Inversement, 32 % des personnes interrogées - soit près d'un tiers des Tchèques - prévoient de rester chez eux, désabusés, et essentiellement en raison, affirment-ils, de leur désintérêt pour le débat politique ou de leur dégoût de celui-ci. Là aussi, la tendance est sensiblement identique à celle des précédentes législatives, qui, en raison du système – une démocratie parlementaire -, sont les élections les plus importantes organisées en République tchèque, comme le confirme Přemysl Čech, directeur de l’agence Median :
« Ce désintérêt est le plus marqué chez les jeunes, puisque 41 % des personnes âgées de 18 à 29 ans disent qu’elles ne voteront pas. Le constat est le même dans la catégorie des personnes qui ne sont pas diplômées de l’enseignement secondaire avec 42 % de réponses négatives. Tandis que c’est en Moravie du Sud que la participation devrait être la plus importante, inversement dans la région d’Ústí nad Labem, en Bohême du Nord, à l’autre bout du pays, 57 % de la population envisagent de ne pas voter. »
Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, peut-être parce que la situation épidémiologique s’était considérablement améliorée au moment du sondage et parce que le plus gros des restrictions ont été levées ou assouplies, le coronavirus ne semble plus préoccuper outre mesure les électeurs tchèques. Moins de 80 % estiment que la résolution de la crise devrait encore constituer une priorité pour le prochain gouvernement.
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Aux yeux d’une très grande majorité d’entre eux, la santé et l’accessibilité des soins, la sécurité, l’état des caisses de l’Etat, le niveau de vie, mais aussi l’agriculture et l’alimentation, l’environnement, l’éducation ou encore la lutte contre la corruption constituent des thèmes autrement plus importants. Dans tous les cas, pour plus de 85 % des personnes interrogées. Très loin devant par exemple l’immigration, dont certains politiques s’efforcent pourtant de faire un thème de leur campagne électorale.
Přemysl Čech ne cache pas un certain étonnement compte tenu de l’actualité en République tchèque et dans le monde en 2020 et 2021 :
« Les questions comme celles de la qualité des soins de santé, de sécurité, des finances publiques sont en quelque sorte intemporelles, car ce sont toujours des priorités. Mais la crise du coronavirus occupe l’essentiel de l’actualité depuis un an et demi, elle a eu d’importantes retombées sur l’évolution de la situation politique et la vie de beaucoup de gens, et je suis donc un peu surpris de constater que cette crise n’apparaisse qu’en dixième position parmi les thèmes importants. »
Chroniqueur à la Radio tchèque, Petr Hartman estime, lui, que l’actuelle coalition gouvernementale, composée du mouvement ANO et du parti social-démocrate, et son chef Andrej Babiš, n’ont absolument aucun intérêt à porter les résultats de leur gestion de la crise du coronavirus sur la place publique :
« Andrej Babiš s’efforce de faire en sorte que la question du coronavirus ne soit pas un thème des élections et espère que les gens auront oublié ce qui s'est passé ces derniers mois. Il est bien conscient que si le coronavirus devait être un sujet central, cela ne lui apporterait rien. Beaucoup de chiffres différents montrent que la République tchèque n’a pas su faire face à l’épidémie, que celle-ci a été mal gérée. Mais si la situation reste calme, si elle ne se dégrade plus dans les trois prochains mois, on peut penser que le coronavirus ne sera plus une priorité pour ces élections. »
Reste que l’évolution de la situation épidémiologique, avec l’apparition et la propagation du variant Delta, pourrait malgré tout replacer le coronavirus au centre des préoccupations des Tchèques d’ici le mois d’octobre.