Pro-Contact : une aide tchèque pour des enfants guinéens
Si une longue histoire, coloniale notamment, marque ses relations avec la France, quelles sont celles qu’entretiennent la Guinée avec la République tchèque ? La simple volonté de venir en aide aux plus démunis, dont les enfants font partie, ou plus précisément la volonté de l’association tchèque Pro-Contact, qui propose le parrainage à distance d’enfants guinéens, avides de savoir mais qui, souvent, ne disposent pas du nécessaire pour le bon déroulement de leur scolarisation.
Les coordinateurs guinéens sur place sont au nombre de six et effectuent un travail colossal entre les rencontres scolaires, sociales et familiales, les prises en charge à l’école, ainsi que les rencontres avec les familles dont les enfants pourraient être parrainés sur la base de certains critères sociaux ou familiaux, que ce soit à Conakry ou à l’intérieur de la Guinée. Un des derniers projets de l’association Pro Contact a été la construction d’une bibliothèque à Conakry, qui a célébré fin mai le premier anniversaire de son ouverture. Grâce aux dons, notamment de l’Institut et du Lycée français de Prague, et de tous les parents adoptifs, de nombreux livres et manuels scolaires ont pu être donnés à cette nouvelle bibliothèque qui porte le nom du plus célèbre des Tchèques, Jára Cimrman. Quoique personnage fictif, Jára Cimrman a été élu en 2005 plus grand Tchèque de tous les temps, en s’inscrivant dans la mémoire des Tchèques comme « le » précurseur et « le » plus inventif des Tchèques, ayant soufflé la plupart des idées révolutionnaires à leurs créateurs ; ainsi, si la Tour Eiffel a des pieds en arc, c’est bien grâce à Jára Cimrman, qui l’a suggéré à Gustave Eiffel, en voyant la maquette de la tour avec des pieds droits.
« Effectivement, la bibliothèque s’appelle Bibliothèque Jára Cimrman. Cette idée remonte à l’époque où vivait encore Ladislav Smoljak, qui était un grand fan de notre association. Lui-même envoyait certaines choses en Guinée, des livres ou des ordinateurs par exemple. Et même un de nos coordinateurs guinéens, Benjamin, qui s’est rendu à deux reprises en République tchèque, a considéré Ladislav Smoljak comme son père adoptif, malgré le fait qu’il ne fasse par partie des enfants à parrainer. Ladislav Smoljak soutenait beaucoup notre association. C’est donc non seulement en son honneur, mais aussi avec sa permission que l’on a appelé cette bibliothèque Bibliothèque Jára Cimrman. »Décédé le 6 juin 2010, Ladislav Smoljak a été, avec Zdeněk Svěrák, le co-inventeur de ce personnage historico-fictif, formant ainsi le duo d’écrivains et scénaristes tchèques le plus connu. Mais est-il possible de trouver d’autres liens qui unissent la Guinée et la République tchèque ? Si les Tchèques sont peut-être peu vus au pays, ils ne sont pas inconnus des Guinéens. Tomáš Pivoda :
« Les Tchèques jouissent d’une bonne réputation auprès des habitants de Conakry, et même en Guinée, car dans les années 1970 et 1980, il existait une coopération entre la Tchécoslovaquie et la Guinée, et beaucoup de Guinéens s’y rendaient pour étudier par exemple. Moi-même, j’ai rencontré par hasard en Guinée, un chef de chantier qui avait étudié à Ostrava et qui était ravi que je sois Tchèque, car il a beaucoup aimé le pays. Donc, les Tchèques ont une bonne réputation. Mais je sais aussi que beaucoup de jeunes gens se rendent en Guinée pour apprendre à jouer des congas, des percussions locales, car de nombreux cours y sont organisés. C’est peut-être grâce à cela que certaines personnes connaissent déjà la Guinée. »
Nous avons réussi à joindre Catherine Keita en Guinée, qui est l’une des six coordinatrices de l’équipe guinéenne. Elle a également ouvert une école et parraine elle-même des enfants, qui n’ont pas encore eu la chance d’être parrainés. Pour Catherine Keita, quoiqu’il arrive, il est nécessaire de trouver une solution pour chaque enfant orphelin ou défavorisé. Catherine Keita nous a expliqué pourquoi la construction de la bibliothèque Jára Cimrman a été accueillie avec un grand enthousiasme par les enfants, qui ont trouvé là un endroit pour apprendre davantage sans frais supplémentaires :
« Les enfants sont très contents. Comme vous le savez, ce sont des enfants issus de familles très démunis qui n’ont pas les moyens de payer les transports ou d’aller dans une bibliothèque. Car toutes les bibliothèques en Guinée sont payantes. Donc, le fait que Pro-Contact ait facilité l’accès à la bibliothèque aux enfants, vous ne pouvez pas imaginer la joie que cela procure chez les enfants et leurs parents bien évidemment. »Comme nous l’affirme Catherine Keita, Pro-Contact a ainsi facilité l’éducation et donc la vie de beaucoup d’enfants, dont certains sont rentrés au lycée comme à l’université cette année. L’accès à cette dernière est également soutenu par l’association, afin d’éviter des migrations territoriales toujours trop onéreuses pour certaines familles. Mais la prise en charge des enfants n’est pas seulement éducative, et Catherine Keita souligne ce qui a considérablement changé dans ce domaine primordial :
« Avant que les enfants ne soient pris en charge sur le plan de la santé, on en perdait beaucoup. Beaucoup d’enfants mourraient de paludisme ou de diarrhée. Mais aujourd’hui, avec la prise en charge des enfants sur le plan de la santé, cela fait plus de deux ans que l’on ne perd plus d’enfants suite à ces maladies. »
Dans un pays où le taux d’alphabétisation s’élève à seulement 36% pour les personnes de plus de 15 ans, un enfant se retrouve souvent pour la première fois sur un banc d’école à l’âge de dix ans. La discrimination à l’égard des filles reste toutefois ancrée de façon traditionnelle et le combat pour l’égalité des sexes continue :
« A Conakry, il n’y a aucune discrimination entre les filles et les garçons à l’école. Ce n’est qu’à l’intérieur du pays que l’on a quelques problèmes avec les parents, puisque là-bas on pense que la fille ne doit pas aller à l’école et doit rester à la maison pour apprendre à prendre soin du foyer, à faire le ménage. Mais à Conakry, ce n’est plus du tout le cas. Nous mêmes essayons de faire en sorte qu’il y ait beaucoup plus de filles à l’école que de garçons. On n’a plus ce problème à Conakry, ici, filles comme garçons, tout le monde va à l’école. Les parents veulent que chacun de leur enfant aille à l’école. Car, à longueur de journée, les parents voient qu’il y a des femmes ministres, des femmes qui occupent des postes à responsabilité. Et maintenant ils savent que lorsqu’une fille va à l’école, elle peut réussir au même niveau que le garçon. Mais à l’intérieur du pays, nous essayons aussi de sensibiliser les parents et je crois que, maintenant, ils commencent à comprendre que les filles doivent aller à l’école au même titre que les garçons. »Si l’amélioration des conditions de vie de certains enfants guinéens est sensiblement perceptible, l’apparition d’autres problèmes ne permet pas d’attendre, provoquant néanmoins une réaction rapide de la part des coordinateurs de l’association Pro-contact et d’autres bénévoles sur place, afin de contrecarrer la dégradation du niveau de vie de certains enfants devenus parents à leur tour.
« À Conakry, il y a vraiment l’égalité, seulement il y a des filles qui, quand elles sont enceintes, sont obligées d’abandonner l’école. Les hommes qui les mettent enceintes ne sont souvent pas responsables et ils préfèrent dire que ce ne sont pas leurs enfants. Mais la fille se retrouve avec une grossesse, un enfant à nourrir, alors qu’elle-même a des problèmes pour subvenir à ses propres besoins. Nous avons souvent des enfants à adopter qui sont dans des circonstances similaires. Et nous avons émis l’idée d’ouvrir des salons de coiffure, des ateliers de couture, pour voir s’il serait possible de récupérer ces enfants-là, au lieu de les laisser seules avec leur bébé. Nous avons trop de filles qui sont dans la rue, avec des bébés, mais je crois qu’avec des salons de coiffure et des ateliers de couture, nous pouvons y faire travailler des filles pour qu’elles aient quelque chose qui puisse leur permettre de s’occuper de leur bébé. »Un salon de coiffure et un atelier de couture font partie du futur projet de construction qui devrait voir le jour prochainement. L’étendue de cette aide peut se mesurer dans les paroles émues de remerciement de Catherine Keita :
« J’aimerais profiter de l’opportunité que vous m’offrez pour remercier sincèrement, de tout cœur, tous ceux qui œuvrent pour les enfants guinéens, qui les aident à aller à l’école. Vous ne pouvez pas savoir… J’espère qu’un jour vous ferez le déplacement en Guinée pour voir le bien que votre pays est en train de faire pour ces enfants. Des enfants qui n’ont jamais rien eu se retrouvent aujourd’hui dans des écoles privées, sur le même pied d’égalité que des enfants de familles aisées. Je remercie vraiment toute la République tchèque au nom de Pro-Contact Guinée, au nom de tous les enfants et des parents. Nous sommes vraiment très ravis. »Vous pouvez trouver plus de détails sur les parrainages ou tout simplement sur l’aide que chacun d’entre vous peut apporter à cette initiative sur le site internet bilingue de l’association www.pro-contact.cz.