Professionnelle depuis 20 ans, l’Armée tchèque est confrontée au défi du recrutement

Vingt ans après l’abolition du service militaire obligatoire, les Armées tchèques, en difficulté de recrutement, sont confrontées à une pénurie d’effectifs toujours plus importante qui commence à devenir problématique pour sa compétitivité future.

L’exposition 20 ans depuis l’abolition du service militaire obligatoire dans notre pays | Photo: Jiří Reichl,  VHÚ Praha

Cela fait désormais vingt ans, depuis la transformation de l’Armée en 2004, que la conscription a été abolie en Tchéquie. C’est ce que rappelle une nouvelle exposition en plein air intitulée « Vingt ans depuis l’abolition du service militaire obligatoire dans notre pays » qui a été inaugurée en fin de semaine dernière à Prague, dans le quartier de Dejvice, sur la petite place qui se trouve devant le siège de l’état-major des armées. Une cérémonie qui a été l’occasion pour le chef d’État-major général, Karel Řehka, de rappeler que le recrutement de l’Armée tchèque ne se déroulait pas aussi bien qu’il le faudrait :

Général Karel Řehka | Photo: Petr Dohnal,  Armée tchèque

« Malgré toutes les mesures que nous nous efforçons de mettre en œuvre, les chiffres ne sont pas bons cette année, pas plus que la tendance sur le long terme, et je pense qu’il va nous falloir prendre certaines décisions radicales, notamment en ce qui concerne les avantages pour les soldats, car notre armée commence à perdre de sa compétitivité. »

Si Karel Řehka n’a pas donné de chiffres précis, on sait toutefois, selon un rapport du ministère, que le département de la défense comptait, au début de cette année, 27 826 soldats conscrits et 4 266 citoyens réservistes, des volontaires constituant la réserve opérationnelle prête à apporter un renfort temporaire aux forces armées professionnelles.

Des données qui confirment que l’on reste très loin des objectifs annoncés puisque, selon les plans stratégiques, d’ici 2030, l’Armée souhaiterait compter 30 000 soldats conscrits dans ses rangs tout en pouvant tabler sur quelque 10 000 membres au sein de la réserve opérationnelle.

Ce n’est pas la première fois que les difficultés de l’Armée tchèque à recruter sont mises en avant. Comme dans d’autres pays en Europe, le manque d’attractivité, des conditions de vie difficiles, un faible chômage, y compris chez les jeunes, ou encore une rémunération moindre que dans le privé sont quelques-uns des principaux facteurs qui expliquent cette tendance observée depuis quelques années et qui inquiète jusqu’au sommet de la hiérarchie militaire. Et ce, d’autant plus dans le contexte de ces deux à trois années avec la proximité de l’invasion russe et de la guerre en Ukraine.

En juin dernier, lors d’une conférence de presse avec Karel Řehka, la ministre de la Défense, Jana Černochová, avait ainsi déjà fait part de ces insuffisances en matière de ressource humaine :

Jana Černochová et Karel Řehka | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

« Le recrutement ne se passe pas comme nous le souhaiterions, et ce, bien que nous fassions le maximum pour qu’il en soit autrement. Cela signifie que nous ne pourrons probablement pas éviter certaines modifications législatives de manière à rendre l’armée plus attractive. Le constat que nous faisons est que si l’intérêt pour servir dans l’armée ou s’engager dans la réserve opérationnelle est très important dans certaines régions, dans certaines autres, en revanche, nous n’avons pratiquement aucun candidat. »

Selon le chef d’état-major général, le renouvellement du recrutement n’est pas la seule préoccupation de l’armée. La différence entre le nombre de soldats qui quittent ses rangs et le nombre de nouvelles recrues est tout aussi problématique.

František Šulc | Photo: Petr Dohnal,  Armée tchèque

Lors de l’inauguration de l’exposition, le vice-ministre de la Défense, František Šulc, a également rappelé un paradoxe, à savoir que l’existence d’une armée composée uniquement de professionnels nécessitait une participation et une volonté de se montrer prêt à défendre le pays en cas de besoin beaucoup plus importantes de la part des Tchèques que par le passé, quand le service militaire était encore obligatoire. Selon lui, ce constat concerne notamment la réserve opérationnelle.

Et si un éventuel rétablissement d’un service militaire obligatoire n’est bien évidemment pas à l’ordre du jour en Tchéquie, le chef d’Etat-major général estime néanmoins qu’il convient d’analyser les conséquences qu’a eu son abolition il y a vingt ans. Car si le fonctionnement de l’Armée tchèque continuera à reposer sur le volontariat, il constate que sa professionnalisation l’a éloignée des citoyens, le sentiment étant que la défense du pays ne concerne plus l’ensemble de la société, mais seulement un petit corps de soldats, professionnels et, en tant que tels, payés pour cela.