Quand la République tchèque s'engage pour le peuple cubain
Nous revenons aujourd'hui sur un événement qui a, durant quelques jours, bercé le quotidien de la capitale tchèque, je veux parler du Sommet international pour la démocratie à Cuba, qui s'est tenu du 17 au 19 septembre, au Sénat tchèque, sous le patronage de Cyril Svoboda, ministre des Affaires étrangères. Une occasion unique pour plusieurs anciens dirigeants d'Amérique latine et d'Europe, pour des députés, ministres, intellectuels et dissidents, de se rencontrer pour aborder la question cubaine, et se mettre d'accord sur une position commune forte, contre le régime de Fidel Castro et ses méthodes répressives.
Soutenir par divers moyens les opposants démocratiques au régime de Castro, telle est la mission d'Orlando Gutiérrez, du Mouvement Démocratique cubain, basé à Miami, ou vit la plus grande diaspora cubaine au monde. Leur faire sentir que nombre de démocraties d'Europe et d'Amérique latine sont conscients de leur situation difficile et se mobilisent pour leur venir en aide, tel est le but de ce sommet. Et ce n'est pas un hasard qu'il se déroule à Prague, capitale de la République tchèque, ancienne Tchécoslovaquie, pays de la dissidence, de la Charte 77 et de Vaclav Havel. C'est Vaclav Havel lui même qui, avec d'autres personnalités politiques et intellectuels, a fondé le Comité international pour la démocratie à Cuba, pour venir en aide « à ceux qui étaient dans la même situation que nous il y a 15 ans », pour reprendre les paroles de Havel.
Aussi étrange que cela puisse paraître, les liens tissés entre cette île des Caraïbes et la République tchèque, anciennement Tchécoslovaquie, sont forts et remontent à plusieurs décennies en arrière, à l'époque ou des étudiants cubains venaient à Prague poursuivre leurs études. Aujourd'hui, c'est sur le terrain des droits de l'homme que la République tchèque montre sa solidarité au peuple cubain. Un des plus grands succès de la diplomatie tchèque, a été, en 1999, de faire adopter une résolution condamnant le régime de Castro, lors de la Commission des Nations Unies pour les Droits de l'Homme, à Genève.
Si l'engagement tchèque n'est plus à prouver, du coté européen, c'est une tout autre chose, si l'on en croit Jeane J. Kirkpatrick, ancienne ambassadrice des Etats-Unis auprès de l'ONU.
« Vous savez, je pense que l'Union européenne en particulier pourrait fournir un soutien bien plus grand que ce qu'elle fait. L'UE n'aide pas assez la communauté d'exilés, c'est évident. Elle n'aime pas parler de ses points de discorde avec le régime de Fidel Castro, pas même quand il s'agit des prisonniers politiques. Il en va de même pour les pays d'Amérique latine. Ni l'un ni l'autre ne sont prêts à parler à haute voix des traitements infligés aux prisonniers politiques cubains. J'étais représentante des Etats-Unis à la Conférence de l'ONU pour les droits de l'homme de 2003, année ou 75 journalistes, libraires et autres opposants démocratiques cubains ont été arrêtés et condamnés à des peines de prison de plus de 20 ans. Même cette année là, il n'a pas été possible de faire passer une loi assez forte auprès de la Commission des DH condamnant ces sentences démesurées. Je pense que c'est une honte, que tout cela a assez duré, et que la situation est trop dure pour ces prisonniers qui ont réellement besoin d'aide. »La présence, au Parlement européen, de députés venus d'anciens pays communistes, à l'instar de Miroslav Ouzky, Vice président du parlement, pourrait faire la différence et amener la question cubaine et plus particulièrement des prisonniers politiques plus souvent sur l'agenda européen.
« Plus le peuple cubain arrive à concevoir par quel chemin le changement pourra arriver et comment il va changer leurs vies, plus nous serons près du changement, parce que le régime de Castro utilise la peur de l'avenir pour intimider les Cubains, en leur disant que si le régime tombe, plus rien ne va fonctionner, et les gens vont souffrir. Si nous commençons dès à présent nous pencher sur la question de la transition en préparant notre propre plan de transition, nous montrons au peuple cubain que la démocratie est possible, que la liberté est possible, et que ce ne sera pas la fin du monde quand le changement sera là, et que les Cubains peuvent construire leur propre transition. »
La transition, autre sujet important de ce sommet. En effet, pour Vaclav Havel « il ne faut pas trop penser aux moyens de faire tomber le régime, mais passer le plus de temps possible à préparer ce qu'il y aura après ». Des représentants du Mexique, du Chili et de Bulgarie, ont tour à tour dressé une liste de « bons conseils » pour aborder la transition, tirés des leçons de leurs expériences respectives, et qui aideront Cuba à ne pas commettre les mêmes erreurs. Mart Laar, ancien premier ministre, a parlé pour l'Estonie :
« La première leçon à retenir pour une transition économique réussie : faire la politique d'abord. Si une force politique n'est pas constituée, l'économie de marché ne pourra pas fonctionner, elle ne pourra fonctionner sans institutions démocratiques, sans parlement ou sans presse libre. La deuxième leçon à retenir est la suivante : quoi que tu fasses, fais le vite, sans peur ni hésitation. Le temps est un élément décisif dans toute transition. Le peuple acceptera des débuts difficiles, mais il ne faut pas que cette période se prolonge au-delà d'un an, un an et demi. Donc si les réformes ne sont pas lancées immédiatement, il ne sera plus possible de les lancer ensuite. »
D'autres points importants ont été abordés lors de cette rencontre, à laquelle ont pris part également plusieurs ONG, comme par exemple la question des investissements étrangers à Cuba, du tourisme, ou encore la question du traitement qu'il faut réserver aux membres du régime et de la police secrète une fois le communisme tombé.Quant aux dernières paroles, réservées à un Vaclav Havel ovationné par l'assistance, elles ne manquèrent pas d'éveiller des émotions fortes teintées du souvenir de 1989 :
« Cuba est une grande prison. Je ne pense pas que le sens de cette rencontre était d'inciter à détruire, par la violence, le mur qui entoure cette prison. Il s'agit de faire retentir la sonnette d'alarme. Sonner à toutes les sonnettes, sonner à toutes les portes a un sens. Nous nous souvenons, aujourd'hui, que nous avons, jadis, aussi fait retentir la sonnette d'alarme, un geste qui a eu un sens et qui a eu une portée. Jadis, nous utilisions le bruit de nos clefs. »