Quand Václav Havel, réélu président tchécoslovaque, faisait encore l’unanimité

Václav Havel, photo: ČT24

Il y a trente ans, le 5 juillet 1990, Václav Havel était élu pour la deuxième fois président de la Tchécoslovaquie. Un peu plus de six mois après la chute du régime communiste et un mois après la tenue des premières élections libres, l’ancien dissident, incarnation à l’étranger de la révolution de velours et des grands changements de l’époque en Europe centrale et de l’Est, était l’unique candidat aux fonctions suprêmes. Une évidence qui n’a cependant pas duré longtemps.

Alexandr Dubček,  photo: ČT24

« Václav Havel dans la période compliquée que nous avons traversée a fait ses preuves en qualité de politicien et d’homme d’Etat mais aussi, humainement, comme personne. »

Le 5 juillet 1990, c’est Alexandr Dubček, en sa qualité de président de l’Assemblée fédérale, qui s’exprime en ouverture devant les parlementaires réunis pour une séance historique. Six mois plus tôt, le 29 décembre 1989, par un sacré paradoxe, c’est en effet encore par les députés communistes que Václav Havel avait été élu premier président d’une Tchécoslovaquie nouvellement libre et démocratique. En prêtant serment à une Constitution encore socialiste, Havel avait alors succédé au Château de Prague au Slovaque Marián Čalfa qui, en sa qualité de dernier Premier ministre communiste, avait assuré l’intérim à la tête de l’Etat suite à la démission, le 10 décembre, en pleine révolution, d’un Gustav Husák resté en poste plus de quatorze ans durant. Ce même Husák qui, fort du soutien de Moscou, avait pris le relais de Dubček dans les fonctions de premier secrétaire du Parti communiste en 1969, quelques mois après l’écrasement du Printemps de Prague et de ses réformes. Que ce soit Dubček qui appelle les parlementaires de l’Assemblée fédérale à voter en faveur d’Havel, avant de se féliciter de sa victoire, est donc plus qu’un symbole et un pied de nez à l’Histoire :

« Il (Havel) a participé de façon considérable à la formation de notre politique étrangère et il possède une part très importante dans la reconnaissance dont jouit notre République dans le monde. »

Encore avant l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2012 en République tchèque, de la loi sur l'élection au suffrage universel direct, le chef de l’Etat était élu par les deux chambres qui composaient l’Assemblée fédérale puis, plus tard, le Parlement, une fois la Tchécoslovaquie définitivement divisée en deux Républiques indépendantes, tchèque et slovaque.

La salle Vladislav du Château de Prague,  photo: ČT24

Ce 5 juillet 1990, dans la salle Vladislav du Château de Prague, l’élection est vite expédiée. Dès 11h00, au terme d’un vote à bulletin secret où la majorité des trois cinquièmes est nécessaire, Alexandr Dubček annonce que Václav Havel a recueilli une très nette majorité. 234 des 284 députés présents décident de le reconduire dans ses fonctions.

Václav Havel,  photo: ČT24

Cette deuxième élection en l’espace de six mois donne d’abord une nouvelle légitimité à Havel dans ses fonctions de chef de l’Etat, la composition des deux chambres de l’Assemblée fédérale relevant des résultats des élections législatives qui s’étaient tenues début juin, les premières élections libres en Tchécoslovaquie depuis l’arrivée au pouvoir des communistes en 1948. Havel est alors élu pour un mandat de seulement deux ans. Le politologue Kamil Švec explique pourquoi :

« Durant ces deux années, il était prévu que les constitutions tchèque et slovaque de la République fédérale soient adoptées. Mais alors que cela devait être une période de transition, la situation a évolué différemment avec pour conséquence qu’au lieu d’adopter ces deux nouvelles constitutions, l’Etat tchécoslovaque a commencé à se désagréger. »

De fait, Havel n’ira même pas au bout de son mandat. Le 3 juillet 1992, lors de la nouvelle élection présidentielle, il échoue d’abord à obtenir la majorité du Parlement slovaque. Puis suite à l’adoption par ce même Parlement de la Déclaration d’indépendance de la nation slovaque, le 17 juillet, Václav Havel, opposé à la partition du pays, démissionne de ses fonctions et se retire pour quelques mois de la vie publique. Une mise en retrait qui ne durera pas longtemps : dès le 26 janvier 1993, il est de nouveau élu président, cette fois de la nouvelle République tchèque.