Quel avenir pour les anciens sites industriels ?

Le musée écotechnique
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Fin septembre, les villes de Prague et de Kladno ont organisé la 3ème biennale internationale, intitulée Les traces industrielles. Expositions, spectacles, concerts et visites de sites industriels souvent peu connus ou d'ordinaire inaccessibles au public étaient à l'affiche de cette manifestation qui a, pour but, de s'interroger sur la reconversion du patrimoine industriel. Je vous emmènerai aujourd'hui dans un de ces lieux de charme que les enthousiastes sont parvenus à sauver : dans l'ancienne usine de traitement des eaux usées de Prague-Bubenec.

Le musée écotechnique
Jan Palas, le jeune directeur de l'actuel Musée écotechnique de Prague-Bubenec a encore des sueurs froides lorsqu'il se souvient d'un spectacle du théâtre de mouvement qui a animé, il y a deux ans, dans le cadre des Traces industrielles, les galeries souterraines de l'ancienne usine de traitement des eaux usées - les acrobates y ont présenté des performances à couper le souffle et cette année, des danseurs irlandais et tchèques se sont, à leur tout, emparé de cet espace particulier, recherché aussi par les cinéastes : on y a tourné des films comme Sakali leta, Amerika, la série Zdivocela zeme, ou encore, pour ce qui est de la production française, Les Misérables et dernièrement le triller Les Rats. On se trouve, avec Jan Palas, au coeur de l'usine, en face de eux machines à vapeur impressionnantes...

« L'usine a été construite en 1906, par l'ingénieur anglais William Lindley. Elle faisait partie d'un nouveau réseau d'égouts qui était, à cette époque-là, mis en place à Prague. Elle a été en service jusqu'à 1967, où une nouvelle station d'épuration a été construite pas loin d'ici, sur l'île Cisarsky ostrov. Ces locaux ont donc été abandonnés et ceci jusqu'à la fin des années 1980 - là, une poignée d'enthousiastes s'est mise à les rénover. En 1991, la station d'épuration a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel tchèque et, parallèlement, on a inauguré ce musée. Il s'agit de notre activité personnelle, nous avons fondé une société d'utilité publique qui gère donc cette partie du patrimoine historique de la capitale. »

A part les machines à vapeur de 1903, fabriquées par Breitfield et Danek, qui fonctionnent toujours, les visiteurs verront au musée les espaces souterrains déjà évoqués... Jan Palas :

« Nous voilà dans la plus grande partie des espaces souterrains de l'usine, dans un hall voûté où est installée un dessableur. Le hall est long de 30m, large de 15m et la hauteur de la voûte qui est au-dessus de nous est de 10m. Tout est construit en briques spécialement adaptées aux égouts, c'est pour cela qu'elles sont toujours en parfait état. »

Le musée écotechnique, rue Papirenska, facilement accessible en bus depuis la station de métro Dejvicka, est ouvert pendant les week-ends, de mai à octobre. Mais Jan Palas y organise des événements spéciaux, par exemple des visites nocturnes aux chandelles, avec un rafraîchissement dans le bar : elles auront lieu les 25 et 26 novembre prochain, à partir de 18h00.

Moulins à vent, forges, fabriques de papier, mines... Les vieux bâtiments industriels qui ont une valeur historique et qui pourraient être aussi reconvertis, en des lieux de culture insolite ou à qui on pourrait trouver d'autres fonctions encore, sont nombreux en République tchèque. Comment préserver ce patrimoine industriel ? Et comment le reconvertir ? Ces sujets et d'autres étaient au coeur de la biennale pragoise, Les traces industrielles, à laquelle des spécialistes de toute l'Europe ont été invités. Eva Dvorakova de l'Institut national du patrimoine :

« Les deux premières biennales se sont déroulées au niveau national. Mais nous nous sommes vites aperçus que les expériences des autres pays européens, notamment de l'Europe occidentale, était très importantes pour nous. Je dis toujours que si la révolution industrielle est arrivée chez nous avec 50, 60 ans du retard, aujourd'hui, nous avons le même retard au niveau de la sauvegarde du patrimoine industriel. Les interventions des participants à la conférence internationale que nous avons organisée nous ont beaucoup inspirés. Je pense notamment à la présentation du parc paysager de l'Emscher, dans le bassin de la Ruhr, en Allemagne, où les anciennes mines et usines métallurgiques qui occupent un immense territoire, servent aujourd'hui de complexes touristiques. On y a installé des murs d'escalade, dans certains bâtiments ont été aménagés des hôtels, d'autres abritent des musées... »

Le musée écotechnique
« En fait, le système de reconversion des territoires industriels est partout pareil : les sites uniques du point de vue architectural ou historique sont classés et transformés en musées ou en parcours touristiques. Ensuite, les bâtiments qui n'ont pas une valeur historique particulière sont souvent métamorphosés en hôtels, restaurants, qui servent à des effets commerciaux. Enfin, il y a des constructions que l'on peut démolir. »

Le musée écotechnique
En République tchèque, plusieurs projets d'aménagement de sites industriels de ce genre sont en cours d'élaboration. Pour ne citer que les plus importants : il s'agit de la reconversion des anciens complexes miniers et métallurgiques de Kladno et d'Ostrava, en Moravie du Nord, là-bas, où vous pouvez déjà visiter un intéressant musée minier, avec ses galeries souterraines du début du XIXe siècle. A noter que les forges d'Ostrava-Vitkovice et la mine Hlubina, classées monuments nationaux, ont de fortes chances d'être inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Un autre lieu à visiter : le bâtiment d'une ancienne usine, située rue Krizikova, dans le quartier pragois de Karlin, où le plasticien Jiri David et son sponsor italien ont aménagé des ateliers destinés aux artistes tchèques. En plus, trois galeries d'art contemporain y seront bientôt installées. Jusqu'au 5 octobre, les studios de Karlin abritent, dans le cadre de la biennale, une exposition sur les projets de reconversion du patrimoine industriel en République tchèques, achevés, en cours de réalisation ou planifiés.

Photo: www.ekotechnickemuseum.cz

Auteur: Magdalena Segertová
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