« Quittons l’ONU » : l’appel de la ministre de la Défense tchèque

Jana Černochová

Après que la Tchéquie, vendredi dernier, a été un des quatorze pays, avec notamment les États-Unis et Israël, à voter contre la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU appelant à une « trêve humanitaire immédiate » dans la bande de Gaza, la ministre de la Défense tchèque a laissé libre cours à sa colère. Affirmant avoir « honte de l’ONU », Jana Černochová a appelé la Tchéquie à sortir d’une « organisation qui soutient les terroristes ».

Vu de Prague, il en va d’Israël comme de l’Ukraine dans son combat contre l’invasion russe : dès lors qu’elle a fait le choix de son camp, c’est ensuite un soutien sans faille et inconditionnel que la Tchéquie exprime à ses alliés. Depuis les attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre, le gouvernement dirigé par le conservateur Petr Fiala n’a ainsi jamais mis en doute le bien-fondé de la réplique de l’État hébreu. C’est dans ce contexte que s’inscrit la réaction publiée, samedi 28 octobre soir, jour de fête nationale en Tchéquie, par la ministre de la Défense sur son compte X (anciennement Twitter) :

« Je sais qu’aujourd’hui est un jour important pour la Tchéquie et que nous voulons célébrer le 105e anniversaire de notre république. Mais ce n’est pas une raison pour rester silencieux, pardonnez-moi. Il y a exactement trois semaines, le Hamas a assassiné plus de 1 400 Israéliens, soit plus de victimes par rapport à sa population que l’organisation islamiste militante Al-Qaïda n’en a assassinées aux États-Unis le 11 septembre 2001. Et seuls quatorze pays, dont le nôtre, se sont exprimés de manière claire et compréhensible contre cette attaque terroriste sans précédent perpétrée par les terroristes du Hamas ! J’ai honte de l’ONU. À mon avis, la Tchéquie n’a rien à faire dans une organisation qui soutient les terroristes et ne respecte pas le droit fondamental à l’autodéfense. Sortons-en. »

Avec l’Autriche, la Croatie, la Hongrie et la Roumanie, la Tchéquie fait partie des cinq pays membres de l’Union européenne qui ont voté contre la résolution adoptée à une très large majorité (120 pays ont voté en faveur, 45 se sont abstenus) par la communauté internationale réunie en Assemblée générale à l’ONU. Un appel des Nations unies à une « trêve humanitaire » qui mènerait à « la cessation des hostilités » à Gaza et qui a provoqué la colère d’Israël, puis donc celle aussi de Jana Černochová.

Dimanche soir, après que son appel à quitter les Nations unies a suscité de multiples réactions sur la scène politique tchèque, la ministre a défendu sa position sur le réseau social. Estimant que l’ONU était « incapable de se réformer pour devenir plus opérationnelle tout en respectant ses propres principes », qu’elle avait « perdu son rôle d’artisan de la paix » et qu’elle était « totalement paralysée », elle a précisé le fond de sa pensée sans prendre de gants :

« L’Iran menace régulièrement Israël et rien ne se passe. La Russie a déclenché la guerre en Ukraine et Poutine se moque de tout le monde. Il continue d’assassiner des civils innocents depuis deux ans et l’ONU s’en moque. L’Iran, la Corée du Nord, la Syrie, l’Afghanistan, la Mauritanie et de nombreux autres États non démocratiques violent quotidiennement les droits de l’homme et, par conséquent, n’agissent pas conformément aux principes des Nations unies. Et personne ne les a exclus. À quoi sert une organisation qui ne peut même pas utiliser le peu de principes et de moyens dont elle dispose, et qui ne peut pas les appliquer sans le consentement des dictateurs ? »

Tandis que le chef de la diplomatie, Jan Lipavský (Pirates), qui a été le premier dirigeant politique européen à se rendre en Israël après l’attaque terroriste, a immédiatement rejeté l’idée d’une sortie de l’ONU, le Premier ministre Petr Fiala, qui s’apprêtait à accueillir les bras ouverts Benyamin Netanyahou à Prague le 9 octobre s’il n’y avait pas eu l’attaque du Hamas deux jours plus tôt, a, lui, réagi sur un ton plus mesuré mais sans désapprouver Jana Černochová :

Jan Lipavský | Photo: X de Jan Lipavský

« Je comprends l’indignation de la ministre face à la résolution de l’ONU qui ne condamne pas le terrorisme du Hamas en Israël. La Tchéquie, tout comme par exemple les États-Unis et l’Autriche, a voté dans le sens de ce que nous défendons depuis longtemps. Nous continuerons à faire valoir nos positions à l’ONU et à convaincre les autres États de leur bien-fondé. Il est important que notre voix et nos points de vue résonnent à l’ONU. »

Alors, ne s’agit-il pas au bout du compte que d’une tempête dans un verre d’eau suite à une réaction certes peut-être par trop impulsive, mais qui exprimait d’abord une forme de déception par rapport à l’impuissance de la communauté internationale en temps de guerre ? Pour rappel, en mai dernier, le ministre des Affaires étrangères a fait part de l’intention de la Tchéquie de briguer un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies en 2032 et 2033. En septembre, le président de la République, Petr Pavel, peu après avoir prononcé un discours devant l’Assemblée générale à New York, avait lui aussi reconnu que le Conseil de sécurité aurait besoin de certaines réformes, mais avait surtout souligné le fait que l’ONU, en tant que « le seul forum global où tous les États peuvent se réunir et discuter  des problèmes », était « une chose irremplaçable ».

Conseil de sécurité des Nations unies | Photo: Seth Wenig,  ČTK/AP