Rencontre avec le peintre Rostislav Kunovsky
Suite aujourd'hui de la découverte du peintre Rostislav Kunovsky que Radio Prague a rencontré la semaine dernière, alors qu'il était encore en pleins préparatifs de son exposition, inaugurée le 28 août, à la mairie de la Vieille Ville de Prague.
On se trouve dans une école... Bonjour Rostislav Kunovsky. Qu'est-ce que vous êtes en train de faire exactement ?
« Je suis en train d'assembler les châssis. »
C'est du travail de charpentier...
« Oui, c'est un peu du travail de charpentier. C'est pour préparer mon exposition, après je vais pendre mes toiles dessus. »
Est-ce votre première exposition en République tchèque ?
« Oui, et surtout dans cet endroit ! Un très bon endroit, et très réputé ! » Vos autres expositions, elles étaient seulement en France ?
« En France et en Suisse. »
Racontez-moi un peu votre parcours... Comment êtes-vous arrivé en France ?
« C'était en 1977, je suis parti en voyage, avec l'idée de partir pour toujours. Cette idée de partir, je l'avais depuis des décennies, depuis toujours. Déjà tout petit, je cherchais sur les cartes des endroits où je voulais partir. »
D'où venait cette envie de voyage, ou d'émigration ?
« Ce n'était pas une émigration, c'était un voyage. Ca venait d'une envie de partir, de voir autre chose. Il y avait quelque chose de magique dans le fait de voir toutes ces possibilités de vie différente. Ma première étape, ça a été de venir à Prague : j'y ai découvert certaines choses, mais ce n'était pas suffisant. Mon rêve c'était le Far West, les Etats-Unis ! Mais une autre possibilité, c'était la France. Finalement, je me suis arrêté en France : après avoir découvert Paris et la France, je n'imaginais pas pouvoir vivre ailleurs. »
Vous peigniez déjà quand vous étiez en Tchécoslovaquie ?
« Oui, je peins depuis l'âge de six ans. Je n'ai jamais fait de formation, mais j'ai vécu dans un milieu cultivé et culturel. Mon père est architecte, son oncle était un architecte très important à Prague, qui a participé avant-guerre à des mouvements artistiques importants de l'avant-garde. Cette réalité a toujours été présente dans mon esprit et dans toute mon éducation. »
Je vois ici toutes ces toiles par terre. On est quand même dans une grande salle. Il y en a à peu près sept sur le sol. Donc ce sont quand même de grands formats, deux mètres sur deux mètres ?
« Oui, les grands formats. Après, les plus petits formats, c'est un mètre trente sur un mètre soixante. Il y a aussi des oeuvres sur papier : un mètre cinquante sur un mètre cinquante par exemple. J'utilise différentes techniques. Sur les toiles, en général, c'est de la peinture à l'huile, éventuellement peinture à l'huile et gouache, avec de l'encre de Chine. Il y a aussi de la peinture à l'huile avec des collages, des papiers, des journaux. Toutes sont travaillées avec des couches de peinture superposées très fines, avec des glaçis, des frottis... Ma série sur le piano, c'est à la gouache et au fusain. »
Vous avez travaillé sur le thème du piano. Est-ce que vous avez été inspiré par de la musique que vous avez écouté et qui vous a plu ? Y a-t-il un compositeur qui vous a inspiré ?
« La musique a toujours été très présente dans la culture tchèque. J'ai fait de la musique enfant, comme tous les enfants. Cette sensibilité m'est toujours restée. Mes enfants eux-mêmes font de la musique. Les quatuors tchèques sont magnifiques. Et effectivement, le piano, c'est peut-être un peu un symbole de cela, mais pas uniquement. Les pianos sont arrivés après une autre série, celle des animaux sauvages : des loups, des cerfs, des sangliers... Je pense qu'il y a un lien avec le piano. »
En quoi ?
« En quoi ? J'avais invité un ami pianiste à une des mes expositions à Paris, je lui ai montré les pianos. Il m'a dit : 'Les pianos, ce sont des bestiaux'. Effectivement, dans mes peintures de piano, il y a quelque chose de cela, de cette animalité. Les chairs, les veines... Un peu de ces éléments sauvages... «
Et votre série sur la ville, elle est née comment ?
« La ville, elle est venue après la série des pianos et des livres. C'est un peu une synthèse de ces deux éléments. En faisant cette série, je pensais beaucoup à des pianos et à des livres, c'était un peu tout ça qui s'est mélangé en moi. Et finalement, il en est sorti des villes... »
... Ou comment la ville peut être appréhendée aussi comme un objet littéraire et musical. C'est sur cette hypothèse poétique que j'ai laissé Rostislav Kunovsky, qui avait encore bien à faire pour terminer à temps ses châssis. Depuis lundi, son exposition est ouverte au public. Elle s'achèvera le 10 septembre.