Résistance anti-communiste : le statut d’anciens combattants officiellement reconnu
Vingt-deux ans après la chute du régime communiste, la loi relative à la résistance contre le communisme est entrée en vigueur, symboliquement, jeudi 17 novembre, célébré en République tchèque comme Journée de lutte pour la liberté et la démocratie. L’application de ce texte doit permettre d’accorder le statut d’anciens combattants à ceux qui ont lutté, de quelque manière que ce soit, contre le totalitarisme communiste.
Evoquée depuis longtemps, cette loi n’a été adoptée que plus de deux décennies après la fin du régime communiste, comme le regrette le ministre de la Défense, Alexandr Vondra :
« Cela fait partie du naturel national tchèque. Nous ne portons pas l’estime que nous devrions à nos propres héros, nous cherchons toujours à relativiser leurs actes et à les mettre en doute. Et je ne parle pas du sentiment, immense, de mauvaise conscience des partis de gauche et de leur opposition consciente au projet. Ce sont les principales raisons qui expliquent qu’il ait fallu autant de temps et qu’il ait été si difficile de faire adopter cette loi. Je rappelle quand même que le projet de loi initial avait été présenté au Sénat en 2008. »S’il a fallu tant de temps avant d’aboutir à l’adoption du texte, c’est partiellement en raison de l’opposition au Parlement des représentants du parti communiste, et dans une moindre mesure du parti social-démocrate. Mais c’est aussi parce que la reconnaissance des activités des opposants au régime communiste dans la seconde moitié du XXe siècle pose problème pour un certain nombre de Tchèques, qui se demandent s’il est bien nécessaire de considérer comme des anciens combattants ces opposants, plus ou moins féroces selon les cas, au régime. Par ailleurs, comme s’en est insurg0e la députée communiste Marta Semelová, la loi va profiter à des personnages controverés comme les frères Mašín ou Milan Paumer, qui ont lutté avec les armes contre le nouveau pouvoir en place dans les années 1950 :
« Vous voulez faire de terroristes des résistants ou des anciens combattants, et vous osez encore mentionner dans le texte de loi présenté que, je cite, les actes et les positions de ces personnes ont été et sont un exemple et un engagement pour les générations futures. Consentir à la violence et à la terreur, et les mettre ainsi en valeur, est, selon moi, à la limite de la responsabilité pénale. »
La loi mentionne toutefois que la période comprise entre 1948 et 1989 est considérée comme une période de guerre, mention censée garantir aux opposants et résistants le statut d’anciens combattants. Mais relativement nombreux sont les Tchèques qui doutent de l’honnêteté de tous ceux qui se disent « anciens combattants pour la liberté », et dont certains vont vouloir abuser de la loi. Une crainte comprise et partiellement partagée par le vice-président de la Confédération des anciens prisonniers politiques, František Šedivý :
« C’est bien sûr ce que nous voulons éviter. D’abord par respect pour la mémoire de nos camarades disparus et ensuite pour ce que nous avons vécu. Cette année, cela fait précisément cinquante ans que ma mère est morte, chez elle, sans un sou et sans qu’elle ait pu être hospitalisée. Cette loi, ce n’est donc pas seulement notre lutte, celle des anciens prisonniers politiques, c’est aussi celle de toutes les familles qui ont souffert. »Pour obtenir le statut d’anciens combattants, une demande devra être formulée auprès du ministère de la Défense, qui fournit les informations nécessaires sur son site Internet et sur une ligne téléphonique spéciale. En cas de refus, les personnes s’estimant lésées pourront encore faire appel auprès d’une commission dite d’étique, dont les deux premiers des neuf membres seront nommés lundi prochain par l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires.