Resté longtemps secret, un monument dédié à Jan Palach sera bientôt achevé à Prague
Ce n’est que très récemment qu’a été découverte l’existence d’un monument secret dédié au sacrifice de Jan Palach. Le 16 janvier 1969, ce jeune étudiant s’est immolé par le feu pour protester contre l’occupation soviétique de la Tchécoslovaquie. Aujourd’hui, ce monument resté longtemps inconnu bien qu’à la vue de tous, va être achevé.
Bien avant les actuels monuments lui rendant hommage, encore sous le communisme, un mémorial s’élevait déjà à quelques pas du lieu de son sacrifice : à la fin des années 1960, alors que l’architecte Karel Prager était chargé du projet d’agrandissement du bâtiment de l’Assemblée fédérale, à côté du Musée national, il avait décidé de dédier un immense pylône d’acier, placé devant l’édifice, à la mémoire de Jan Palach, mort quelques mois auparavant.
Edifié au nez et à la barbe des autorités communistes, ce monument s’élève donc depuis plus de cinquante ans au cœur de Prague. La redécouverte de cette dédicace secrète est due aux récents travaux de rénovation du pylône confiés au sculpteur Antonín Kašpar :« Une bonne partie du pylône était abîmée, depuis le pied jusqu’à six mètres de haut. Quand on a commencé à monter l’échafaudage, il a fallu que je trouve les plans des fondations du monument. J’ai reçu une boîte remplie de documents et j’y ai trouvé des papiers où Karel Prager l’appelait clairement ‘Pylône de Palach’. Il y a un autre papier, datant d’après la révolution de Velours, où il dit qu’il espère que le monument sera complètement réhabilité. Je pense que Karel Prager avait tellement peur qu’on découvre sa dédicace qu’il a préféré cacher le fait que le pylône rendait hommage à Jan Palach. Cela a été tellement bien caché qu’on ne l’a découvert qu’aujourd’hui, alors qu’il est décédé. »
Aujourd’hui, le fameux pylône devrait être enfin achevé, comme le souhaitait son initiateur. En effet, Karel Prager prévoyait d’installer à son sommet une sculpture intitulée La Flamme, réalisée par Miloš Chlupáč. Un projet rejeté au début des années 1970 par les autorités communistes qui, si elles ne savaient vraisemblablement rien de sa signification, ont préféré y placer un symbole national. C’est cette sculpture qui devrait, d’ici un an, compléter le pylône, d’après le seul modèle en plâtre encore existant. Elle sera réalisée en bronze, par Antonín Kašpar :« On y voit deux figures humaines. L’une masculine, l’autre féminine. Et ces deux êtres s’entremêlent. »
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Longtemps critiquée pour ne pas avoir fait installer, après 1989, de mémoriaux dignes de ce nom commémorant le geste de Jan Palach, la capitale tchèque en compte aujourd’hui plusieurs. Un masque mortuaire réalisé par le sculpteur Olbram Zoubek a été placé dès 1990 sur le bâtiment de la faculté des lettres où Palach faisait ses études. Mais il a fallu attendre les années 2000 pour que d’autres voient le jour : l’un se trouve au pied du Musée national, sous la forme d’une croix, l’autre non loin de là, près de la statue de saint Venceslas, est dédié à Jan Palach et à Jan Zajíc, le deuxième étudiant qui s’est sacrifié peu de temps après. Deux sculptures monumentales de l’architecte américain John Hejduk ont également été installées en 2016 sur la place Jan Palach à Prague, en face de la faculté des lettres.
En octobre dernier, le Musée national de Prague a inauguré dans la commune de Všetaty, à l’emplacement de la maison natale de Jan Palach, un musée d’une extrême sobriété, lieu de piété et de mémoire plus que d’histoire proprement dite. C’est dans un bâtiment adjacent qu’il faut chercher une exposition plus classique, rassemblant quelques objets ayant appartenu au jeune homme et proposant un rappel historique au visiteur.
Avec ce mémorial réhabilitant le lieu où il a passé sa courte vie, les différents monuments pragois et le futur pylône achevé, le souvenir de Jan Palach est désormais bien visible dans l’environnement tchèque, plus de cinquante ans après sa mort.