51 ans après, Jan Palach a enfin son musée
C’était une maison familiale ordinaire, située au numéro 337 de la rue Smetanova, dans la petite commune de Všetaty, à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale tchèque. Une maison que l’étudiant Jan Palach, alors âgé de 20 ans, a quittée le 16 janvier 1969 au petit matin, pour s’immoler par le feu, quelques heures plus tard, au cœur de Prague, en protestation contre la répression soviétique. Un musée, le seul qui est consacré à Jan Palach dans son pays, a ouvert ce mercredi à l’emplacement de cette maison où le héros national avait passé la majeure partie de sa courte vie.
Dans un passé encore très récent, il restait peu de traces des Palach à Všetaty. La maison, située dans un coin tranquille de la bourgade, au fond de la rue et près d’un ruisseau, a été construite par le grand-père de Jan Palach en 1929. Ses parents y tenaient une pâtisserie-confiserie, mais ont été obligés de fermer leur commerce après l’arrivée des communistes au pouvoir en 1948.
En 1979, soit dix ans après la mort de son fils Jan, Libuše Palachová a revendu la maison de Všetaty. Lorsque l’Etat tchèque la rachète en 2014, elle est abandonnée et dans un état déplorable.
Chargé d’exploiter le bâtiment, le Musée national de Prague envisage dès le début d’y installer un musée dédié à la mémoire de Jan Palach. Un projet soutenu par Jiří Palach, le frère de Jan. Il y a cinq ans, il a visité la maison en ruine en compagnie des journalistes :« Evidemment, l’idée d’ouvrir un musée ici me plaît beaucoup. Déjà, cela permettrait de sauver et rénover la maison. »
Le musée est divisé en trois parties. La première se trouve à l’emplacement de la maison, dont les auteurs du projet n’ont conservé que les murs. L’intérieur est sobre, épuré et évoque une chapelle. La maison est réellement coupée en deux par une construction métallique qui a la forme d’un prisme triangulaire. Historien et commissaire de l’exposition, Petr Blažek explique :
« Les deux architectes qui ont remporté le concours pour ce mémorial ont créé quelque chose d’assez audacieux. Ils ont laissé un grand espace ouvert à l’intérieur de la maison. Le prisme symbolise le mal, en l’occurrence l'écrasement en août 1968 du mouvement réformateur du Printemps de Prague, événement qui a tant bouleversé Jan Palach. »
« La maison est conçue comme un lieu de piété. Seuls quelques objets se trouvent à l’intérieur : une table, deux créations de l’artiste Olbram Zoubek, à savoir le masque mortuaire de Jan Palach et une statue. On peut aussi y voir le drapeau tchèque dont on a recouvert le corps de Palach maculé de brûlures. Un escalier inachevé mène à l’étage, dont il n’existe aujourd’hui que la fenêtre de l’ancienne chambre du jeune étudiant. Tout cela rappelle le fait que Palach a quitté cette maison pour ne plus jamais y revenir. »Une exposition multimédia est installée dans un nouveau bâtiment qui jouxte la maison natale de Jan Palach. Elle abrite des photos, des documents, ainsi que des objets personnels que Palach avait sur lui le jour son immolation, à savoir une lettre, un peigne et un couteau de poche. Cette exposition est consacrée à l’ultime geste de Jan Palach et à ses conséquences dans le contexte historique. On écoute Michal Lukeš, directeur du Musée national de Prague :
« Par exemple sur cet écran, on peut agrandir une photo prise lors de la manifestation estudiantine qui s’est déroulée en mai 1968 sur la place de la Vieille-Ville à Prague. On peut passer beaucoup de temps dans cette exposition, sans s’ennuyer, mais au contraire en apprenant un tas de choses. C’était d’ailleurs notre objectif. »
Enfin, les visiteurs peuvent prendre l’air dans un « jardin méditatif » qui constitue la troisième et dernière partie du parcours. Le musée Jan Palach de Všetaty est ouvert tous les jours, sauf le lundi. L’entrée est gratuite.
https://www.nm.cz/navstivte-nas/objekty/pamatnik-jana-palacha-ve-vsetatech