Revue de presse : la hausse de la TVA, une menace pour les journaux indépendants tchèques
Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée se penche sur les retombées du programme d’économie budgétaire du gouvernement sur les médias, sur la fin de la Deuxième Guerre mondiale, sur l’écho qu’a eu en Tchéquie le couronnement de Charles III, sur la position des Tchèques à l’égard de la politique verte ou encore sur l’œuvre du compositeur baroque tchèque Jan Dismas Zelenka.
« Le gouvernement de (Petr) Fiala donne des coups de pied aux médias. En procédant à des coupes sombres, il pousse la Tchéquie hors de l’Europe », peut-on lire en titre d’un commentaire publié, jeudi 11 mai, dans le quotidien économique Hospodářské noviny. L’auteur critique le vaste programme d’économie budgétaire présenté par le cabinet :
« Peu nombreux sont les gens sains d’esprit à douter du fait que des médias indépendants et sérieux sont essentiels au bon fonctionnement d’une démocratie. Cela est d’autant plus évident actuellement, alors que l’Europe est exposée à des campagnes de désinformation financées par des régimes autocratiques, en particulier la Russie de Poutine. On s’attendrait donc automatiquement à ce que le gouvernement tchèque comprenne cela et, à tout le moins, à ce qu’il ne jette pas de bâtons dans les roues des médias indépendants. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Selon le ‘paquet de consolidation’ présenté par le cabinet Fiala, le taux de TVA appliqué aux journaux passera de 10 à 21 %. C’est un coup dur économiquement pour les médias indépendants. »
L’auteur souligne que les pays européens développés soutiennent les médias indépendants précisément parce qu’ils sont conscients de l’importance de leur rôle. « Jusqu’à présent, nous pouvions considérer faire partie nous aussi des pays développés dans ce domaine, bien qu’avec quelques réserves, car 10%, c’était, avouons-le, déjà trop. Désormais, malheureusement, à cause du gouvernement Fiala, nous nous rapprochons des standards russes. Une taxe sur la presse indépendante dix fois plus élevée qu’en France, c’est vraiment de la psychose fiscale tchèque. »
En conclusion, l’auteur espère néanmoins que le gouvernement finira par prendre conscience de sa grave erreur. Et ce ne serait-ce que parce que les médias indépendants sont aujourd’hui les seuls à pouvoir encore lui offrir « un espace pour polémiquer avec les populistes nationalistes ».
Faites disparaître ces monuments à la gloire de l’Armée rouge que nous ne saurions plus voir
Les monuments hérigés en hommage aux soldats de l’Armée rouge morts pendant enlaidissent, aujourd’hui encore, les places de nombreuses villes tchèques. C’est du moins ce qu’estiomait le site Forum24.cz parallèlement aux cérémonies qui ont accompagné le 78e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale :
« Habituellement, ces monuments représentent des soldats soviétiques dans les bras de partisans ou d’ouvriers tchèques ou brandissant une mitraillette. Leurs postures de combat n’expriment ni bien ni humanaisme, mais la joie de dominer un territoire étranger. Le style de ces monuments répond au canon propre aux régimes totalitaires. D’ailleurs, la ressemblance est frappante entre les œuvres issues du réalisme socialiste et celles créées en Allemagne sous le Troisième Reich. »
Évidemment, peut-on lire aussi un peu plus loin, les monuments dédiés à des soldats concrets qui sont morts au combat, ont toujours leur raison d’être et inspirent le respect. « Mais tous ceux qui ont hérigé en l’honneur des soldats de l’Armée rouge devraient disparaître de l’espace public. Leur place est dans les musées », estime encore l’auteur.
« Jusqu’en 1989, la commémoration de la fin de la Deuxième Gurre mondiale, qui était le 9 mai comme en Russie, a été l’une des fêtes les plus répugnantes du régime communiste. Désormais, elle porte l’empreinte de la guerre brutale et criminelle menée par la Russie en Ukraine. C’est pourquoi il est grand temps de refaire la lecture de l’histoire et, une nouvelle fois, de rejeter le récit de notre prétendue ‘libération’. »
Ce thème des monuments à la gloire des soldats soviétiques qui ont libéré le territoire de l’actuelle République tchèque a aussi été traité par le quotidien Deník N :
« Beaucoup de villes tchèques sont appelées à changer les noms de certaines de leurs rues, car nombreuses sont encore celles à porter les noms de maréchaux soviétiques, ou et à faire disparaître de l’espace public les monuments dédiés aux soldats de l’Armée rouge. La guerre en Ukraine a mis à jour quelque chose qui a trop longtemps été balayé sous le tapis. »
Toujours selon Deník N, il existe une leçon à tirer du souvenir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale :
« Avec la paix, rien ne s’arrête et rien ne commence. Au contraire, tout continue. Dès qu’un conflit prend fin, il faut en effet trouver un arrangement pacifique juste et durable. Cette fin ne doit pas être une porte ouverte à de nouveaux torts et à de nouvelles injustices, car celles-ci ne seraient alors qu’une suite, par d’autres moyens, aux combats. »
Les Tchèques ne sont pas climatosceptiques
Pour la campagne qui précédera les prochaines élections européennes, l’ancien Premier ministre Andrej Babiš, leader du mouvement populiste ANO, compte miser sur la lutte contre « les fanatiques verts du Parlement européen ». Toutefois, selon le site Aktualne.cz, le fait qu’il s’inspire de la campagne de Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, pourrait se retourner contre lui :
« Selon les données de l’agence STEM, les Tchèques ne sont pas climatosceptiques ou ne sont pas opposés aux sources d’énergie renouvelables. Une écrasante majorité est d’accord sur l’existence du changement climatique et la moitié des Tchèques souhaitent que le problème soit résolu le plus promptement possible. »
Néanmoins, un point pourrait profiter à Andrej Babiš, principale figure de l’opposition au Parlement :
« Nombreux sont ceux à craindre les retombées économiques et sociales de la transformation verte. Avec la rapidité qui caractérise celle-ci, ces craintes constituent d’ailleurs la plus grande menace pour le succès des politiques vertes. Le gouvernement est donc appelé à leur prêter une oreille attentive et à présenter des projets afin de les surmonter. Plus vite il agira, plus son succès aux élections sera probable. »
L’écho du couronnement de Charles III en Tchéquie
Le couronnement de Charles III a été suivi avec intérêt partout ou presque dans le monde. En Tchéquie aussi, où elle a été diffusée en direct par l’ensemble des chaînes de télévision, y compris la télévision publique, la cérémonie a été très suivie et, du coup, largement commentée dans les médias. « La monarchie manque-t-elle aux Tchèques ? », s’interroge à ce propos le site Seznam Zprávy, avant de soulever d’autres hypothèses :
« Cet énorme intérêt pourrait témoigner d’une certaine frustration des Tchèques du fait que le pays manque de grandes traditions. Cette frustration est accentuée par la discontinuité radicale des précédents régimes. La popularité médiatique de la famile royale britannique en Tchéquie montre à quel point la société déplore cette absence. Le poids et l’importance démesurée qu’elle accorde à la fonction présidentielle sont un autre signe marquant de cette frustration. »
Pour le journal Deník N, le couronnement de Charles III a été « étrange », et ce dans tous les sens du terme :
« Pour certains, cela a été un événement archaïque qui a provoqué des réactions d’étonnement, d’ébahissement, comme s’il s’agissait d’un miracle. Pour d’autres, la cérémonie est apparue inquiétante, embêtante, bizarre, hors normes, et ne méritait aucune admiration. Le caractère anachronique de la cérémonie ressort particulièrement à la lumière du monde occidental actuel qui se distingue par sa rationnalité et son langage préfabriqué qui trouve son prolongement logique dans l’intelligence artificielle. Mais aux yeux de beaucoup, c’est justement cette étrangeté qui justifie d’entretenir la monarchie, ses anachronismes, hiérarchies et cérémonies. »
Le compositeur Jan Dismas Zelenka à l’honneur à Prague
Dans le cadre de son cycle d’abonnement, l’Ensemble Inégal a donné, jeudi 11 mai à Prague, un concert exceptionnel au cours duquel Missa Eucharistica et Te Deum ZWV 145, deux œuvres du compositeur Jan Dismas Zelenka qui n’avaient encore jamais retenti en Tchéquie, ont été interprétées. Le quotidien Lidové noviny remarque à ce propos :
« Ensemble Inégal, Collegium 1704 et Musical Florea sont les principaux ensembles qui, depuis un certain temps déjà, s’intéressent régulièrement à l’œuvre de Jan Dismas Zelenka. Grâce à leur envergure et aux activités des interprètes allemands, ce compositeur baroque tchèque est ainsi sorti de l’oubli. Dotée d’un langage inédit, sa musique, souvent qualifiée de ‘catholique’ en opposition à la musique ‘protestante’ de Johann Sébastien Bach, est désormais régulièrement présentée sur les scènes mondiales. »
