Sénatoriales et régionales tchèques : déroute de la droite face à une gauche renforcée
Une claque pour la droite, une victoire de la gauche. Tel est en quelques mots le résultat des élections régionales et du premier tour des sénatoriales partielles. Dans le détail toutefois, si en effet, les traditionnels partis de droite, membre de la coalition gouvernementale ont bel et bien accusé un revers important, le résultat est loin d’être totalement positif pour le parti social-démocrate (ČSSD) qui a perdu quatre régions sur les treize qu’il dirigeait jusqu’alors. Grand vainqueur de ce scrutin, le Parti communiste qui gagne deux régions. Ainsi des négociations sont déjà en cours depuis ce week-end dans certaines régions afin de former des coalitions. Dans la région de Karlovy Vary (Nord-Ouest), où les communistes sont arrivés en tête, des pourparlers ont été entamés avec les sociaux-démocrates. Alors que le Parti civique-démocrate (ODS) a gagné dans la région de Plzeň (Ouest), l'actuelle coalition formée par les sociaux-démocrates et les communistes devrait se poursuivre. Pour évoquer ces résultats électoraux, nous avons joint le politologue Michel Perottino à la Faculté des Sciences sociales de l’Université Charles :
Comme vous le rappelez, ces résultats sont une claque pour la droite, et la gauche arrive en tête. Pensez-vous que le Premier ministre Petr Nečas, même s’il a reconnu la défaite, doit en tirer des leçons pour le gouvernement ?
« Non, il l’a dit à plusieurs reprises – et je pense qu’il a des précédents pour pouvoir légitimer sa position – qu’il n’y avait aucune raison de démissionner après des élections régionales perdues. A ce niveau-là, je pense qu’il n’y a pas de problème, plutôt au contraire : le résultat des régionales pourrait plutôt apporter de l’eau au moulin à ceux qui pensent que le parti ODS doit rester au pouvoir car s’il démissionne, il risque de tout perdre. »
Comment expliquez-vous ce vote ? Est-ce un vote-sanction contre les réformes ?
« C’est sans doute partiellement un vote-sanction contre les réformes. Ce qui est intéressant, c’est que quand on regarde les résultats de tous les grands partis, tous sont en retrait à part le Parti communiste qui a réalisé son meilleur score depuis les premières régionales en 2000. La social-démocratie par exemple est en recul de 400 000 voix. La gauche l’a en effet emporté, mais il y a un recul aussi pour elle. »Pour revenir à ce vote qui a le plus bénéficié au Parti communiste, le KSČM, est-ce un vote de protestation ou un vote d’adhésion ?
« C’est partiellement un vote d’adhésion. Il y a des communistes convaincus qui votent toujours pour le parti. Là, le parti a essayé de dire qu’il aurait pu avoir un meilleur résultat si une partie de son électorat n’avait pas voté pour le parti orthodoxe, le KSČ. Mais le KSČM a surtout réussi à obtenir les voix de personnes qui sont en situation de désaveu par rapport au ČSSD. »
Les manchettes de certains journaux lundi matin, parlaient de la « rudá hrozba » la « menace rouge ». Est-ce que vous pensez, au vu de la configuration internet du Parti communiste, quand bien même n’est-il pas réformé, qu’il représente réellement un danger, ou est-ce là des positions alarmistes ?« Je pense que c’est de l’ordre du symbolique et du politicien. Le Parti communiste ne représente à l’heure actuelle aucun danger. Il n’a aucun appui extérieur qui pourrait lui permettre de prendre le pouvoir. Par ailleurs, il se situe dans la continuité des élections de 2008 où il est arrivé au pouvoir dans certaines régions. »
Autre phénomène qu’on a pu observer pendant ce scrutin, le retour de personnes telles que Jiří Čunek, candidat à la présidence de sa région, personnage controversé qui avait disparu de la scène politique… »
« Čunek est un cas très particulier. Il suffit d’aller à Vsetín pour comprendre pourquoi il a ce résultat. Il est très populaire. Même si de loin on peut penser qu’il est impopulaire, qu’il est en retrait, il a un soutien réel dans sa circonscription. Donc il ne me paraît pas être aussi atypique que cela. »
On parlait d’un vote-sanction lié aux réformes gouvernementales. Mais est-ce que l’atmosphère de ces dernier temps, avec de multiples affaires de corruption, que ce soit au sein de l’ODS ou du ČSSD, n’a-t-elle pas joué dans ce scrutin ?
« Cela a vraisemblablement joué contre l’ODS, contre la social-démocratie partiellement et aussi contre TOP 09 qui a un résultat sans doute moins bon que ce qu’il espérait avoir. Mais par exemple, certains candidats ODS, je pense notamment à Alexandr Vondra, qui n’ont pas réussi à passer au deuxième tour des sénatoriales. Ce qui est aussi assez marquant. Rajoutons un mot encore sur les partisans de Miloš Zeman qui ont eu un résultat plutôt mauvais par rapport à ce qui était envisagé. Là on voit que le soutien que peut avoir Miloš Zeman pour les prochaines présidentielles ne correspond pas à un soutien à des candidats qui se réclament de lui. »