Sparta – Slavia : le derby pragois vécu de l’intérieur avec Damien Boudjemaa
Vivez le grand derby pragois Sparta – Slavia de l’intérieur avec le nouveau footballeur franco-algérien du Slavia, Damien Boudjemaa. Radio Prague s’est entretenu avec Damien Boudjemaa avant et après le match disputé samedi.
Ce derby des extrêmes, nous l’avons vécu avec Damien Boudjemaa. Arrivé au Slavia durant le mercato d’hiver en provenance du championnat roumain, le milieu de terrain franco-algérien s’est plutôt bien adapté à Prague. Malgré les difficultés sportives de sa nouvelle équipe, Damien Boudjemaa est l’auteur jusqu’à présent de prestations plutôt encourageantes. Nous l’avons donc rencontré deux jours avant le match et quelques minutes après celui-ci, afin qu’il nous raconte de l’intérieur son premier grand derby pragois :
« Pour moi, ce sera le premier derby que je vais jouer en République tchèque. Je sais que c’est un match important pour moi, pour notre équipe en ce moment et pour les supporters surtout. On va aller là-bas concentrés pour donner le meilleur de nous-mêmes. »
La préparation est-elle différente par rapport à ce qui se fait habituellement pour le championnat ?
« Non, on se prépare comme d'habitude, mais dans la situation dans laquelle on se trouve actuellement, chaque match est important. Alors, si on peut gagner ce derby ou obtenir un match nul, ce sera bien pour tout le monde. »
Sentez-vous, avec vos coéquipiers tchèques, que c’est vraiment un match spécial ? En discutez-vous un peu plus dans les vestiaires ou à l’entraînement ?
« On ressent quand même que c’est un match important, ne serait-ce, comme pour moi, qu’en regardant la télé. Dans les vestiaires, on en a discuté et j’en ai parlé aussi avec Fernando Neves (défenseur cap-verdien du Slavia). C’est clair que c’est un match important. »
Vous êtes arrivé il n’y a pas longtemps, que dire des difficultés actuelles du Slavia qui joue pour le maintien et qui n’est pas du tout à la place espérée en début de la saison ?
« Je savais en arrivant que le club était mal classé et que l'objectif était d'abord de maintenir l’équipe avant de voir pour l’année prochaine. Moi, je donne le meilleur de moi-même pour essayer de sauver le club et on espère tous y arriver. »
Pensiez-vous que cela serait si difficile, parce que les résulats ne sont quand même pas du tout à la hauteur ?
« Non, je ne savais pas que ce serait si compliqué, mais vous savez, dans le football, parfois c'est comme ça. Quand vous êtes dans une mauvaise période, vous manquez généralement de chance et de réussite. Cela n'empêche qu'il faut faire avec et assumer pour engranger des points malgré tout. »
Que savez-vous du Sparta, leader toujours invaincu cette saison ? Comment aboder-vous le match ?
« On y va concentrés, sûrs de notre objectif et surtout, sinon pour gagner, au moins pour ne pas perdre et prendre un point. J'ai regardé quelques matchs du Sparta en arrivant ici. C'est visiblement une bonne équipe, le futur champion, mais on ne va pas aller là-bas en rendant les armes. On y va vraiment déterminés pour grappiller un point, trois si possible. »
Mené au score à compter de la 29e minute et dominé dans tous les secteurs de jeu par un Sparta qui, avec un bilan de vingt victoires et quatre résultats nuls, reste la seule équipe en Europe invaincue dans son championnat cette saison, le Slavia Prague n’a jamais semblé en mesure d'obtenir le moindre point sur la pelouse de son rival, samedi. Du coup, comme tous ses coéquipiers, c’est un Damien Boudjemaa très marqué par la déception qui est apparu à la sortie des vestiaires, une demi-heure après le coup de sifflet final. Le meneur de jeu du Slavia a cependant accepté de nous donner son sentiment sur un derby qui ne restera pas dans les annales pour l’intensité de son suspense :« Oui, la déception est grande. Mais elle est normale, le Sparta nous a été supérieur. On a payé cash nos erreurs, bref c’est une victoire logique du Sparta. »
Côté Slavia, il n’y pas grand-chose qui a fonctionné cet après-midi : trois buts encaissés, pas la moindre occasion en première mi-temps, un peu plus en seconde, mais cela est resté très compliqué dans l’entrejeu, dans la construction et le jeu vers l’avant…
« Oui, il n’y a pas grand-chose à retenir, mais le Sparta nous a vraiment été supérieur dans tous les domaines. Nous n’avons pas su développer notre jeu… Après, il y avait les consignes du coach… En première mi-temps, on les a attendus en essayant de procéder par contres, mais ça n’a pas fonctionné. Le Sparta est leader, nous, nous luttons pour le maintien, alors, derby ou pas, c’est la même chose, il y a une trop grande différence. »
On vous a vu avoir quelques gestes d’énervement, de dépit, à certains moments du match, quand les choses n’allaient pas comme vous l’auriez souhaité…
« Oui, je suis un joueur qui aime bien le ballon. Quand je ne le touche pas trop, je sors parfois un peu du match. Mais c’est normal après un match comme celui-là, où nous n’avons rien montré. »
Que vous a dit l'entraîneur à la fin du match? Quelle était l'ambiance dans les vestiaires ?
« Il n'a rien dit de spécial. Tout le monde a pris sa douche et on va rentrer pour penser au match suivant. »
Cela devient quand même de plus en plus compliqué. Il ne reste plus que six journées avant la fin du championnat, on a toujours le sentiment que le Slavia n'est quand même pas à sa place, on a du mal à imaginer le club descendre en deuxième division, mais les chiffres ne mentent pas, les journées défilent et vous ne possédez qu'un point d'avance sur le premier relégable...
« La situation est grave, oui. Si le club descend, ce sera vécu comme une tragédie ici. Mais je peux vous assurer qu'on va tout faire pour nous maintenir le plus vite possible. »
Un petit mot sur votre match et l'ambiance de ce derby, même si on en profite certainement beaucoup moins dans ces conditions...
« Bah... Je n'ai pas été très bon aujourd'hui. J'ai souvent été en retard. On va dire que j'ai été à l'image de mon équipe. Sinon, on a joué dans un beau stade, plein, avec beaucoup de supporters des deux côtés... Tout ce qu'on peut espérer dans une vie de footballeur... »
C'est le seul point positif aujourd'hui finalement...
« Ouaih, on dira les choses comme ça. »
Déçu de son match et de celui de son équipe, Damien Boudjemaa est cependant un des rares joueurs du Slavia à donner satisfaction depuis son arrivée en février, peu avant la reprise du championnat. Venu du Petrolul Ploiesti, capitale, comme le nom du club l’indique, du pétrole roumain, où son contrat arrivait à terme, le natif de Paris, âgé de 28 ans, a signé un contrat de deux ans et demi en faveur du club pragois, alors qu’il était suivi également par des formations françaises. Amateur à Alfortville en National (3e division française) il y a encore deux ans et demi, Damien Boudjemaa nous a fait part, avant le derby, de son sentiment sur la Gambrinus Liga :
« Je pense que c’est un championnat qui est un peu plus physique et rapide en contre-attaque qu’en Roumanie. Pour ce qui est de la qualité technique, je dirais que c’était un peu mieux en Roumanie, du moins sur ce que j’en ai vu jusqu’à maintenant, car nous n’avons pas encore joué contre le Sparta et le Viktoria Plzeň, qui nous attendent pour les deux prochaines journées. Ce sont des équipes du haut du tableau et je pense que, techniquement, ça doit être pas mal. »Comment s’est passée votre venue au Slavia, alors que l’on était, semble-t-il, plutôt content de vous en Roumanie et que vous l’étiez aussi ? Pourquoi venir dans un club certes relativement connu en Europe, mais qui connaît d’importantes difficultés sportives?
« Je suis venu parce que je connaissais le Slavia avec la Ligue des champions. Je savais que c’était un grand club ici et comme on dit, les grandes équipes ne meurent jamais. C’était un projet intéressant pour moi. En Roumanie, j’étais dans un bon club aussi, mais il ne m’y restait que six mois de contrat et je n’arrivais pas à m’entendre avec les dirigeants sur la prolongation. J’ai donc pris une décision, j’ai voulu tenter ma chance à Prague pour essayer de m’investir au Slavia. »
Aviez-vous d’autres propositions ? Dans la presse française ont été publiées certaines informations selon lesquelles des clubs français était intéressés eux aussi par vos services. Qu’en était-il vraiment ?
« Il y avait effectivement pas mal de clubs intéressés. Je jouais plutôt bien en Roumanie et j’étais en fin de contrat, donc, évidemment, un joueur gratuit de ce type est intéressant. J’ai eu des contacts avec quelques clubs, mais j’ai pensé que le Slavia était une bonne opportunité pour moi et j’ai préféré la saisir immédiatement. »
D’autres joueurs français sont passés avant vous au Slavia il y a quelques années de cela, notamment lors de la période des deux titres de champion et de la Ligue des champions (Mickaël Tavares et Tijani Belaïd). Les avez-vous consultés ou vous êtes-vous renseigné auprès de certaines personnes pour en savoir un peu plus sur le Slavia, le championnat tchèque, mais aussi la vie à Prague ?
« J’ai regardé l’histoire du club, l’équipe et les joueurs francophones qui sont passés. Eux ont connu la belle époque du Slavia. C’est pourquoi j’espère que l’on parviendra à nous maintenir pour que je puisse connaître, moi aussi, ces moments-là. »
Vous avez un parcours atypique. En France, vous êtes passés de CFA2 au National avant de partir en Roumanie à 26 ans pour votre premier contrat professionnel. Aujourd’hui, vous voilà en République tchèque. Considérez-vous celle-ci comme une nouvelle étape dans votre carrière, comme un tremplin avant d’aller voir ailleurs, ou alors vous inscrivez-vous vraiment dans le projet du Slavia avec l’idée de bien jouer pour pouvoir y rester ?
« C’est vrai que j’ai un parcours un peu particulier. Pour moi, arriver ne serait-ce qu’en première division roumaine était déjà un peu inespéré. Au début, le foot, j’y jouais vraiment pour le plaisir avec mes amis. Jusqu’au jour où l’un d’eux m’a dit que je devrais tenter ma chance dans un club un peu plus… Petit à petit j’ai progressé jusqu’à avoir cette possibilité en Roumanie, où j’ai eu beaucoup de succès et gagné un titre. Et signer dans un club comme le Slavia est une bonne opportunité. C’est aussi, je pense, une progression. »
Ceci dit, souhaiteriez-vous jouer un jour en France dans un club de Ligue 1 ou de Ligue 2 ?
« Oui, j’aimerais bien. Si on me le propose, pourquoi pas ? Mais ce n’est pas non plus une priorité. Je peux aller jouer en France comme en Chine, il n’y a aucun problème (rires). Vraiment ! »
Quand on a connu la Roumanie et la République tchèque, on peut aller partout ailleurs ?
« Non, ce n’est pas ça. Contrairement à ce que l’on peut penser, la Roumanie est un pays vraiment bien. Quant à la République tchèque… Quand je regarde autour de moi, quand je vois la ville… Il y a tout pour être heureux ici. Et puis ça fait maintenant deux à trois ans que je suis loin de chez moi et je me suis habitué à ce style de vie. Je n’ai plus vingt ans, j’en ai huit de plus, je sais donc ce que je dois faire et pourquoi je suis ici. »
Un pronostic avant le derby ?
« Je n’aime pas trop faire de pronostics… Mais allez, 1-1, ce serait déjà bien. Ou 2-1 pour nous avec un but à la dernière minute… »
Bon, même si aucun footballeur normalement constitué ne prédirait une défaite de son équipe par trois buts d’écart, Damien Boudjemaa n’est peut-être pas le meilleur des pronostiqueurs. Pas une raison néanmoins pour ne pas souhaiter une bonne continuation à un joueur qui, numéro dix sur le dos comme au bon vieux temps, a incontestablement apporté un peu de fraîcheur et de technicité à une équipe du Slavia au bord du gouffre ; un Slavia dont pas même les joueurs et les supporters du Sparta, à en croire leurs déclarations d’avant et d’après-match, ne souhaitent la relégation. Car que serait le football tchèque sans son grand derby pragois ?