Spartakiade, un autre mot inventé par les Tchèques

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague – Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Comme vous le savez tous, vendredi 8 août prochain seront ouverts à Pékin les XXIXes Jeux olympiques d’été. C’est donc le sport, ou plus précisément une certaine idée du sport, qui sera pour cette fois au centre de nos préoccupations. Nous allons en effet nous plonger dans l’étude d’un mot très particulier de la langue tchèque, le mot « Spartakiáda » - Spartakiade, inventé dans les années 1920 par les Tchèques, qui s’est largement internationalisé depuis, et qui possède, comme nous allons le découvrir, un certain rapport avec les Jeux olympiques.

On le sait, la Spartakiade désigne un rassemblement sportif de masse, créé en 1928 en Union soviétique pour marquer l’opposition du régime communiste aux Jeux olympiques et mettre en avant l’internationalisme prolétarien. La première Spartakiade eut donc lieu à Moscou en août 1928. On l’oublie souvent, mais il a fallu attendre 1952 pour voir des sportifs soviétiques enfin participer aux Jeux olympiques. Mais l’organisation des Spartakiades ne se limitait pas à la seule URSS puisque de nombreuses autres se déroulèrent également en Tchécoslovaquie, où, là aussi, la culture gymnique du corps était mise en valeur. Mais assez d’idéologie et intéressons-nous plutôt à l’apparition du mot « Spartakiáda ».

Tout d’abord, constatation évidente ou presque, le lien qui existe avec Spartacus, le célèbre gladiateur à l’origine d’une révolte des esclaves dans la Rome antique au premier siècle avant Jésus-Christ. Et c’est donc un Tchèque, Jiří Chaloupecký, qui fut inspiré par le mythique rebelle au tout début des années 1920. A l’époque, il existe en Tchécoslovaquie un mouvement ouvrier de culture physique qui se divise toutefois en deux fractions. L’une d’elles organise alors ce qui est appelé une « olympiade ouvrière » - « dělnická olympiáda », tandis que l’autre fraction, baptisée Fédération des unités ouvrières de culture physique, organise, elle, ce qu’elle appelle des « journées fédérales de gymnastique » - « federální tělocvičné dni ». Mais cette appellation est jugée trop pompeuse et, surtout, ne rend pas bien compte de l’idée révolutionnaire que sous-entend la tenue de l’événement. Un de ses dirigeants, Jiří Chaloupecký, se charge donc de trouver une autre appellation qui fasse le lien entre la progression des traditions révolutionnaires et la culture physique. Cette appellation se doit alors non seulement d’être plus simple mais aussi d’avoir un caractère international, facilement transposable dans d’autres langues. C’est ainsi que Jiří Chaloupecký, employé des chemins de fer dans le civil, pense à Spartacus, personnage qui lui est sympathique et invente le mot « Spartakiáda ». Un mot qui ne tarda donc pas à être repris par les Soviétiques, mais, dans les faits, les premières manifestations gymniques dites « Spartakiades » furent donc organisées en Tchécoslovaquie.

Ce n’est que plus tard, au début des années 1950, que les Spartakiades devinrent ce pour quoi elles sont connues aujourd’hui et un immense rassemblement de centaines de milliers de personnes censé documenter, selon les responsables de l’époque, « une vie radieuse dans la construction du socialisme ». En rapport direct avec la tradition de la culture physique ouvrière d’avant-guerre, les politiques décident donc de reprendre l’appellation de « Spartakiáda », une reprise qui pose d’autant moins de problèmes que le terme est donc également utilisé en russe et dans d’autres langues. La première Spartakiade de ces temps nouveaux se tient donc à Prague en 1955, puis sera ensuite organisée tous les cinq ans, à l’exception de 1970, par crainte des incidents qu’un tel rassemblement de masse puisse engendrer deux ans après l’invasion du pays ordonnée par l’Union soviétique qui avait mis un terme brutal au Printemps de Prague.

Enfin, autre élément important : au-delà encore de la propagande communiste, les Spartakiades étaient considérées dans la Tchécoslovaquie socialiste comme une manifestation politique et idéologique de première importance aussi et surtout parce qu’elles étaient présentées comme l’événement le plus marquant célébrant la libération du pays par l’Armée rouge en 1945. Ainsi, en 1955, c’est le dixième anniversaire de cette libération que l’on célébrait.

Aujourd’hui, les Spartakiades font partie du passé, de l’histoire contemporaine du pays et pour beaucoup de Tchèques ne sont plus qu’un lointain souvenir, pas forcément le plus mauvais de cette période. Reste toutefois un mot « Spartakiáda » que les Tchèques ont inventé et donné au monde. Comme par exemple pour le mot « robot » dont nous avons déjà évoqué l’histoire dans cette même rubrique.

C’est ainsi que se referme ce Tchèque du bout de la langue consacré, donc, à une manifestation qui confirme, si besoin en était, que, tout au long du XXe siècle et sous différentes formes, le sport a souvent été exploité à des fins politiques et idéologiques. En ce début de XXIe siècle, la Chine en fera également, à n’en pas douter, la parfaite démonstration lors des prochains Jeux olympiques. Mais d’ici-là et en attendant de vous retrouver dès la semaine prochaine, portez-vous du mieux possible – mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous – slunce v duši, salut et à bientôt – zatím ahoj !