Sur la sellette, le Premier ministre tchèque refuse de démissionner
Deux jours avant le 29e anniversaire de la révolution de Velours qui, le 17 novembre 1989, a vu tomber le régime communiste sous la pression de la rue, des milliers de personnes se sont rassemblées, jeudi soir, place Venceslas, pour appeler le Premier ministre tchèque Andrej Babiš à démissionner. Ce dernier, poursuivi dans une affaire de fraude aux subventions européennes, a été mis en cause par son propre fils dans une interview publiée par le site internet Seznam Zprávy.
C’est aux cris de « honte », « démission », « Babiš dehors » que les manifestants ont envahi la place Venceslas jeudi soir.
11 000 personnes avaient dit vouloir participer à la manifestation suite à l’appel au rassemblement publié sur Facebook. D’après les estimations de l’agence de presse tchèque ČTK, quelque 5 000 personnes ont bravé les premiers gros frimas de l’hiver pour demander des comptes au Premier ministre.
Ce n’est pas la première fois qu’Andrej Babiš suscite l’ire d’une partie de la population, lui qui, par ailleurs, reste l’homme politique le plus populaire selon de récents sondages. Au printemps dernier déjà, la possibilité d’un gouvernement de coalition entre son mouvement ANO et les sociaux-démocrates, soutenu par le Parti communiste, une première depuis 1989, avait conduit des milliers de personnes dans la rue. Cette opposition de longue date a été rappelée jeudi soir par un de ses fers de lance, Mikuláš Minař, organisateur de la campagne :
« Chers amis, il y a quelques mois déjà, nous avons dit à haute voix une chose toute simple : il nous semble inacceptable que 70 ans après le coup d’Etat communiste et 29 ans après la révolution de Velours, le Premier ministre de notre pays soit une personne poursuivie par la justice et qui a été un agent de la StB (la police secrète communiste, ndlr). Nous n’allons pas faire comme si c’était quelque chose de normal, nous voulons qu’Andrej Babiš renonce à ses fonctions ! »Rappelons en quelques mots les derniers développements en lien avec l’affaire dite du « Nid de cigognes » : lundi soir, la télévision privée Seznam TV a publié un entretien enregistré au moyen d’une caméra caché avec Andrej Babiš junior en Suisse, où il vit actuellement. Dans le reportage, le fils du Premier ministre prétend avoir été conduit contre sa volonté, en 2017, par un collaborateur de son père en Crimée, territoire ukrainien rattaché depuis quatre ans à la Russie. Cette opération se serait déroulée au moment où la police tentait, en vain, de contacter le fils du Premier ministre pour l’interroger parce qu’il est l’un des inculpés dans l’affaire de corruption du Nid de cigognes.
Le Premier ministre Andrej Babiš a réagi dès le lendemain en affirmant que son fils souffrait de schizophrénie et a accusé les médias, Seznam en tête, de mener une campagne contre sa personne.
Jeudi, il a été soutenu par le président tchèque Miloš Zeman lui-même qui a affirmé qu’en cas de chute du gouvernement, il confierait à nouveau la tâche à Andrej Babiš de former un nouveau cabinet. « Conspiration », « affaire médiatique », pour le chef de l’Etat tchèque, la cause est entendue sur le travail des médias : « C'est ce comportement de hyènes typique qui correspond au niveau du journalisme tchèque, » a-t-il affirmé dans le cadre de son entretien hebdomadaire sur la chaîne TV Barrandov, détenue par son intervieweur, l’un de ses soutiens.
Ce vendredi dans la matinée, le directeur de la direction régionale de la police tchèque, Jan Ptáček, a fait savoir que sur la base des révélations des journalistes de Seznam, la police avait lancé une procédure judiciaire afin de déterminer si la présence d’Andrej Babiš junior en Crimée était ou non le résultat d’un enlèvement. De même, il a précisé que la police s’efforçait d’entrer en contact avec le fils du Premier ministre :« La nouvelle information pour la police est à ce jour un mail envoyé hier par Andrej Babiš junior à la journaliste. Dans ce mail, il semble qu’il souhaite entrer en contact avec la police tchèque. Depuis hier, nous essayons de communiquer avec lui, ce qui permettrait de préciser de nombreuses informations. Pour l’instant, cette prise de contact est restée vaine. »
Ce vendredi matin, avant de s’envoler pour Bruxelles pour des discussions sur les migrations et le budget de l’Union européenne, Andrej Babiš a été très clair : « Je ne démissionnerai jamais, que chacun s'en souvienne. Jamais. » Un vote de confiance à la Chambre des députés devrait avoir lieu vendredi prochain.
En attendant, le Premier ministre tchèque devra faire face, dès samedi, à une nouvelle manifestation à son encontre, pendant la journée commémorant l’anniversaire de la révolution de Velours.