Tchernobyl : il y a vingt ans, en Tchécoslovaquie, le silence...
Vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, mercredi, l'Ukraine mais aussi l'Europe se sont souvenues de l'accident nucléaire et ont rendu hommage aux victimes. Les Tchèques se rappellent aussi que deux jours après l'explosion d'un réacteur de la centrale, le journal Rudé pravo, organe du Parti communiste, avait titré en première page « Ensemble contre le danger nucléaire ». Mais si les essais nucléaires de l'Occident impérialiste étaient dénoncés, l'un des plus graves accident industriel du XXe siècle était, lui, passé sous silence.
L'anecdote fait froid dans le dos : quelques jours après l'accident, le départ de la Course de la Paix, l'épreuve cycliste alors la plus populaire en Europe de l'Est, doit être donné de Kiev, contaminé par la radioactivité. Dans leur grande majorité, les équipes d'Europe occidentale, informées de la situation, refusent d'envoyer leurs coureurs en Union soviétique. De leur côté, les autorités de Moscou interdisent aux participants des pays satellites d'agir de la sorte et leur ordonnent de s'aligner. C'est un coureur tchécoslovaque, Jozef Regec, qui s'impose lors de la première étape dans la capitale ukrainienne. L'année dernière, le même Regec a été opéré d'une tumeur au foie. « Aucun docteur ne peut me le confirmer. Le cancer peut être une conséquence de Tchernobyl comme il peut ne pas l'être. Mais moi, j'estime que Tchernobyl est la principale raison de ma maladie », affirme aujourd'hui l'ancien champion.
Des cas comme celui de Jozef Regec, qui vivent dans le doute et la rancoeur, il en existe d'autres, des milliers d'autres, en Ukraine et en Biélorussie, mais aussi dans les autre pays voisins ou proches. Mais, si les citoyens de l'ancien bloc socialiste peuvent émettre des doutes sur les retombées sur la santé de Tchernobyl, il n'en était rien voilà de cela vingt ans.
A l'époque, en Tchécoslovaquie, les médias avaient tout d'abord cherché à garder secrète l'information de l'explosion, présentée comme une simple défaillance courante dans le monde capitaliste, avant, face à l'évidence, de s'efforcer de diminuer l'ampleur du désastre. Ce n'est que le 4 mai, soit huit jours plus tard, que les autorités ont reconnu officiellement une hausse du taux de radioactivité, tout en précisant que celui-ci ne menaçait pas la santé de la population.
Après que des citoyens aient porté plainte contre X pour danger public causé par négligence, l'Office tchèque de l'enquête sur les crimes du communisme a finalement refermé, en mars 1999, le dossier Tchernobyl pour prescription et amnistie du président de la République. Deux des trois responables présumés étaient le chef du gouvernement de l'époque, Lubomir Strougal, et le consul tchécoslovaque à Kiev, pour ne pas avoir suffisamment informé la population. Le troisième était Antonin Himl, le président de la Fédération tchécoslovaque d'éducation physique. Celui-là même qui avait envoyé les cyclistes disputer la Course de la Paix...