Tous les dodos : « Dormir jusqu’à en rater le Jour du Jugement dernier »

Jedu do Prahy. - Ich fahre nach Prag.

Suite et fin de notre petite série consacrée à l’étude du verbe dormir – « spát », et aux différents sens que donnent dans la langue tchèque les préfixes aux substantifs et aux verbes. Dans notre dernière émission, nous nous étions quittés en faisant la grasse matinée. Nous avions alors découvert que les Tchèques pouvaient faire la grasse matinée de différentes manières, ou plus précisément qu’il existait au moins deux mots différents pour désigner le besoin ou l’envie de rester plus longtemps au lit le matin. Tout cela nous avait finalement amenés à constater qu’il convenait de faire attention à ne pas rester au lit trop longtemps ou à se rendormir après le réveil quand il ne le faut pas. Et pour cela, « se lever tard », il existe en tchèque le verbe « zaspat », un verbe lui aussi très intéressant car il possède différents sens, comme nous allons le découvrir…

Le premier sens du verbe « zaspat » qui nous intéresse est donc celui de « se lever tard » après avoir dormi trop longtemps. Et se lever tard nous met alors logiquement en retard. Parfois même tellement en retard que cela nous fait manquer ou rater quelque chose. Ainsi, un Tchèque qui arrive en retard à l’école ou à son travail pourrait dire, par exemple, « zaspal jsem vlak ». Il ne s’agit pas de s’être endormi ou d’avoir dormi dans le train, bien au contraire, puisque cela signifie que « j’ai raté le train ». Il existe plusieurs façons en tchèque de faire comprendre que nous avons raté un train, mais l’emploi du verbe « zaspat » nous indique que ce train a été raté précisément parce que nous avons dormi trop longtemps et nous sommes levés en retard. Pour éviter ce désagrément, on peut alors prendre ses précautions et demander à quelqu’un de nous réveiller : « ráno mě vzbuď, abych nezaspal » - « réveille-moi demain matin pour ne pas que je me lève en retard ».

Mais le verbe « zaspat » possède encore deux autres sens non moins intéressants. Le premier d’entre eux est celui d’inattention, par exemple à l’école, lors d’une réunion ou d’une répétition de théâtre... Il s’agit alors d’avoir l’esprit ailleurs, en vadrouille, de penser à autre chose que ce qui est en train de se dire ou d’être raconté. Enfin, le troisième sens vaut, lui, surtout dans l’expression très fréquemment employée de « zaspat dobu », ce qui littéralement signifie quelque chose comme « avoir raté son époque en dormant ». En français, on dirait plutôt « ne pas être à la page » ou « ne pas s’être mis au goût du jour »… En un mot, on est dépassé, en retard par rapport à la société actuelle.

Outre « zaspat », le verbe « prospat » peut également signifier manquer, rater quelque chose en dormant. Si vous entendez un Tchèque affirmer par exemple « prospal jsem celý film », cela veut dire qu’il a dormi pendant tout le film et qu’il l’a donc raté. Plus généralement, « prospat » signifie « passer son temps à dormir ». Ainsi, et il s’agit là d’une autre façon de faire la grasse matinée, on peut passer toute la matinée à dormir – « prospat dopoledne », et ce même jusqu’à en rater le déjeuner « prospat oběd ». Attention, cependant, si l’on ajoute le pronom réfléchi « se », le sens s’en trouve modifié. « Prospat se »équivaut alors à « dormir un peu, faire un somme, une sieste », comme par exemple après le déjeuner, bien entendu seulement si l’on n’a pas raté celui-ci et déjà passé toute la matinée à dormir… On dira alors « prospat se po obědě », soit « faire une sieste après manger ».

Photo: Archives de Radio Prague
Et puis achevons notre série avec une dernière expression très imagée et très belle selon laquelle certaines personnes dorment tellement qu’elles pourraient même « rater le Jour du Jugement dernier » – « prospat soudný den ». Une expression dont le sens n’a même pas besoin d’être expliqué…

C’est avec un extrait de la chanson de Spirituál kvintet intitulée « Soudný den » - « Le Jour du Jugement dernier » que s’achève ce « Tchèque du bout de la langue » et avec lui notre petite série consacrée au verbe « dormir » - « spát », et à certains des préfixes qui peuvent le précéder et modifier son sens ; une règle de la langue tchèque qui vaut également pour un grand nombre d’autres verbes ou substantifs. Le jour du jugement dernier est donc arrivé ne serait-ce que pour cette fois et pour cette émission… Mais on se retrouve dans quinze jours… D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !