Traditions de Noël : dans les familles franco-tchèques, entre les deux pays, le cœur balance
Petit Jésus ou père Noël ? « Cukroví », pâtisseries et petits biscuits tchèques, ou bûche au moka de leur mamie française ? Carpe et salade de pommes de terre ou huîtres et foie gras ? Et quid des « pohádky », ces fameux contes de fées tchèques, quand les fêtes de fin d’année sont passées en France ? Autant de questions que nous avons posées dans plusieurs familles franco-tchèques, en France et en Tchéquie, pour savoir comment parents et enfants, à travers leur diversité culturelle, vivaient la magie de Noël. Elle-même fille d’une maman tchèque et d’un papa français, et élève d’un collège de la région parisienne, Eliška Loubet del Bayle a recueilli leurs témoignages.
Pour illustrer cette diversité, écoutons d’abord le récit de Klára, élève de 14 ans d’un collège de Saint-Germain-en-Lay, qui nous fait partager une tradition tchèque qu’elle apprécie tout particulièrement :
« Parmi toutes les traditions, celle que j’apprécie le plus et qui est très populaire en Tchéquie, est de déballer les cadeaux le 24 décembre au soir. Il ne faut pas attendre toute la nuit jusqu’au 25. Mais aussi, juste avant de déballer les cadeaux, d’aller guetter le Père Noël à la fenêtre et d’attendre que la petite clochette retentisse avant de descendre les escaliers pour aller chercher les cadeaux. »
En Tchéquie, toutefois, avant la distribution des cadeux déposés au pied du sapin par Ježíšek - le petit Jésus -, il faut d’abord passer à table et manger.
« Quand je fête Noël en France, les choses qui me manquent le plus et qui sont très réputées en République tchèque sont les plats qui sont présentés sur la table le soir du réveillon comme, par exemple, la carpe, la salade de pommes de terres et autres. Mais contrairement à la France, en République tchèque les gens ne sont pas habitués à manger la bûche de Noël, les truffes ou de la dinde. »
Naděžda, professeure de yoga à Brno qui voyage régulièrement en France, envisage, elle, les choses encore un peu différemment :
« Ce qui m’a vraiment le plus manqué, ce sont les contes et les chants de Noël. J’ai eu l’occasion de passer les fêtes de fin d’année en France et je me souviens avoir justement demandé s’il y avait des contes de Noël spécifiques, comme en République tchèque où c’est quelque chose de très traditionnel et où tout le monde les regarde à la télévision. Ce n’est pas le cas en France, ou du moins je n’ai pas eu l’occasion d’en voir, et cela m’avait un peu étonnée. »
En dépit de ces différences entre les traditions tchèques et françaises, célébrer en famille demeure le plus important dans les deux pays, comme le confirme Thierry, un ami français de Naděžda :
« Je pense que Noël est dans les deux pays une fête familiale par opposition au réveillon du Nouvel an, qui est plutôt partagé entre amis, donc je pense que c’est ce côté familial de la fête. Et puis les cadeaux, bien entendu ! »
Toutefois, à entendre Thierry, les traditions tchèques, pour lui, c’est plutôt bof...
« En République tchèque, j’avoue que je ne suis aucune tradition. Comme j’y vis, je fais même plutôt le contraire. J’essaie de respecter les traditions françaises qui m’apportent un peu plus ‘d’exotisme’ ou de nostalgie, mais c’est plutôt lié au repas, c’est-à-dire faire un repas de Noël à la française plutôt que de suivre la tradition tchèque. »
C'est dans l’art de la table que Thierry trouve la plus grande distinction entre les deux cultures :
« Le temps passé à table, j'ai l'impression qu’en Tchéquie on mange le plus vite possible ou plutôt que ce n’est pas LE but du réveillon de Noël alors qu’en France, on passe beaucoup de temps à à échanger, à rire, à se raconter des histoires et surtout à se faire plaisir au milieu d’une table bien fournie. »
Lycéenne franco-slovaque de 15 ans qui habite elle aussi à Brno, Sofia nous explique sa tradition favorite, une tradition un peu… particulière...
« J’aime beaucoup une tradition qui n’existe qu’en France : les huîtres. Je trouve ça très bon, mais je ne peux en profiter qu’en France, tout simplement parce qu’on est loin de la mer en Tchéquie et que j’ai déjà eu de mauvaises expériences en mangeant des fruits de mer qui n’étaient pas frais. En Tchéquie, on mange de la carpe et ça, par contre, je ne comprendrai jamais. Non seulement je n’aime pas du tout, mais ce n’est même pas bon. »
Malgré son « désaveu » de la carpe pannée si chère aux Tchèques, Sofia ne veut pas porter de jugement :
« C’est comme ça ici, en Tchéquie, mais, personnellement, je préfère les traditions françaises comme celle, par exemple, de la bûche de Noël. Cela fait maintenant deux à trois ans que je la prépare et je trouve que c’est super amusant. C’est même magique d’avoir une recette et de voir comment ce qui ressemblait au début à du ‘sable’ se transforme en pâte. Le moment magique, ce n’est même pas tant de la manger que de la préparer. »
Bref, tout le contraire de Théa, étudiante franco-tchèque en médecine à Grenoble. Elle, ce qu’elle adore, ce sont ce que les Tchèques appellent « cukroví », tout un tas de différents petits biscuits à la confection desquels les femmes tchèques, pendant le temps de l’Avent, consacrent de nombreuses heures...
« Une des traditions que j’apprécie particulièrement est tchèque : pour Noël il y a plein de petits gâteaux traditionnels qui sont souvent préparés, en tout cas dans ma famille, par ma grand-mère. Elle nous fait plein de petits gâteaux avec plein de goûts différents : il y en a en forme de croissant de lune à la noisette, d’autres avec de la confiture de fraise... Il y a vraiment plein de goûts différents et tous ces petits gâteaux sont ensuite placés sur un plateau, et tout au long de la période de Noël on se sert. C’est un très bon souvenir. C’est quelque chose que l’on continue de faire même après avoir déménagé en France et c'est vraiment quelque chose qui est spécifique de là-bas [en Tchéquie]. »
Et puis, bien sûr, Noël sans cadeaux ne serait pas tout à fait Noël. Aux yeux de Ludmila, jeune maman tchèque mariée à un Français, c’est dans le personnage qui amène les cadeaux aux enfants que se trouve peut-être la plus grande différence entre les deux pays :
« Je ne dirais pas que cela me manque mais ce qui est quand même très différent, c’est que ici, en France, c’est le père Noël qui visite les enfants, qui leur ramène les cadeaux. En République tchèque, c’est le petit Jésus avec la symbolique de sa naissance et de son anniversaire. Pour moi, c’est difficile de faire croire au petit Jésus à mes enfants, alors que partout autour d’eux il y a le père Noël. »
Ludmila, qui vit désormais à Aix-en-Provence, est aussi nostalgique des « Noëls blancs » de sa Tchéquie natale :
« Ce qui peut me manquer, c’est aussi la neige parce que ici, dans le sud de la France, il n’y en a jamais, c’est même plutôt grand soleil. C’est quand même assez perturbant parce que là où je vivais en République tchèque, il y e avait toujours beaucoup. L’ambiance de Noël avec la neige, c’est quand même quelque chose. Je pense que je ne pourrais pas imaginer Noël sans la messe. Tous les ans, après le repas, on va à la messe de Noël, et c’est toujours quelque chose que j’attends avec impatience parce que c’est un grand moment qui ajoute de la ‘profondeur’ à Noël. »
Zuzana Loubet del Bayle, elle aussi mariée à un Français et professeure d’histoire-géographie dans un lycée de Rueil-Malmaison, dans la région parisienne, préfère, elle, s’amuser de ces différences :
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« Ce que je trouve rigolo, c’est parfois le décalage entre les deux pays, qui crée des situations originales. Par exemple, en France, j’ai l'impression que les gens ont l’habitude d’acheter leur sapin de Noël début décembre, alors qu’en Tchéquie c’est plutôt juste avant Noël, plutôt le 24. Il m’est arrivé de discuter avec des Tchèques installés en France qui disaient qu’ils achetaient leur sapin comme d’habitude, le matin du 24. Et en fait, ce jour-là, comme la plupart des Français ont déjà acheté leur sapin, ceux qui restent sont soldés, ce qui arrange finalement tout le monde. Sinon, une autre tradition tchèque, ce sont les fameux ‘cukroví’. Pour ma part, j’habite en France depuis vingt ans et je fais toujours des ‘pernícky’, c’est-à-dire des petits biscuits de pain d’épices que je distribue ensuite aux amis, aux collègues, et tout le monde est ravi. Souvent, les gens disent ‘ah oui, en France ça existe aussi en Alsace’... Donc, tout le monde adore à chaque fois. Je suis enseignante, j’en apporte aussi à mes élèves, et à la fin de l’année, quand je leur demande ce qu’ils ont préféré dans l’année, souvent ils me répondent que ce sont les pains d’épices. »
Et puis, le mot de la fin à Ema, avec ce qui est peut-être la plus curieuse des traditions :
« En République tchèque, toute la journée du 24, on essaie de ne pas manger. Et si on arrive à tenir, donc si on ne mange vraiment rien jusqu’au soir, d’après la tradition, on voit alors apparaître un cochon doré. Personnellement, je ne l’ai encore jamais, vu mais ma mère, elle, dit qu’elle l’a déjà vu... Du coup, je ne sais pas à quoi ça ressemble. Le plat principal, on le mange le soir, et on ne mange pas de dinde ni de pommes de terre comme en France, on mange du poisson et une salade de pommes de terre. Traditionnellement, on met une écaille sous notre assiette et cela porte bonheur. Certains en mettent même dans leur portefeuille, car ils prétendent que cela rapporte de l’argent, mais personnellement, je n’y crois pas trop. »
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