Ukraine/Moldavie : « Personne avant l'invasion russe n'aurait pu prévoir le statut de candidats à l'UE »
La Communauté Politique Européenne (CPE) et l’élargissement de l’Union européenne étaient les sujets d’un débat qui s'est déroulé à l’Institut Français de Prague le 12 juin. Organisé dans la ville où a été lancée la CPE en 2022 et quelques jours après le deuxième sommet de Chișinău en Moldavie, ce débat a réuni chercheurs et représentants de gouvernement tchèque et étranger. Parmi eux, le Français Florent Parmentier, professeur et secrétaire général du CEVIPOF de Science-Po Paris :
« J’ai commencé à travailler sur la Moldavie et l’Ukraine à un moment où, en 2003, se posait la question de l’élargissement. Il s’agissait aussi de savoir ce qu’on allait faire avec les États voisins, situés entre l’UE et la Russie. Le cas de la Moldavie présentait peu d’études et de recherches. Se posait également la question de la viabilité de ces États et de leurs relations avec l’UE. J’ai donc commencé à travailler sur ces sujets-là, notamment dans le cas de la Moldavie et de l’Ukraine, leur développement et leur stabilité. »
Quels sont actuellement les enjeux ?
« Le débat d’aujourd’hui est intéressant parce qu’il intervient quelques jours après le Sommet de Chişinău sur la CPE. Si l’on écoute les Moldaves, les Ukrainiens et une partie de l’opinion publique géorgienne, la question pour eux est de trouver des modalités de rapprochement avec l’UE et surtout quelque chose de concret. C’est-à-dire que si on promet un élargissement sans date et dans un horizon lointain, il est plus difficile de pousser les dirigeants à prendre des décisions courageuses. Le Sommet de la CPE était donc un moyen de reposer cette question de la place de ces États sur la carte européenne et de savoir comment les futurs élargissements pourraient se passer. C’était l’enjeu de ce débat ici à Prague, après le Sommet de Prague l’an dernier et celui de Chişinau d’il y a quelques jours. Il s’agissait de savoir comment les Européens peuvent discuter et entrevoir l’ensemble des changements qu’il faut faire pour les pays concernés, la Moldavie et l’Ukraine, mais aussi les pays de l’UE avec un travail sur les institutions, les capacités d’absorption, les opinions publiques et la stabilité régionale. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de discussions sont nécessaires aujourd’hui. »
Comment pourriez-vous décrire le positionnement de la Moldavie et de l’Ukraine vis-à-vis de l’UE, avant et pendant la guerre ?
« La guerre en Ukraine a permis de faire apparaître ces États sur la carte européenne. Autrement dit, au 1er janvier 2022, personne n’aurait pu raisonnablement espérer, ou prévoir, que ces deux États se verraient reconnaître leur statut de candidats à l’UE en juin 2022. On est sur une accélération du temps qui a été considérable. Naturellement, cette accélération n’efface pas toutes les difficultés que ces États ont à connaître en termes de corruption, de réforme. Et dans le cas de l’Ukraine qui est prise dans une guerre dont l’issue est encore incertaine, la date de conclusion n’est pas connue. En fonction de tous ces éléments, la réponse et la proposition de reconnaissance du statut de candidat de l’UE est une forme de réponse politique des Européens à la guerre en Ukraine. Reste devant nous un certain nombre de réformes et d’orientation de ces États dans une situation qui leur soit davantage favorable. »