Un ministère « du Charbon et du Smog » dans le gouvernement Babiš
Mardi, deux militants de l’organisation écologiste Greenpeace parvenaient à escalader le bâtiment du ministère de l’Industrie et du Commerce à Prague pour y brandir une banderole avec l’inscription « ministère du Charbon et du Smog ». Une action qui a visiblement porté ses fruits puisque, le lendemain, la Tchéquie a renoncé à s’associer à la plainte polonaise contre une directive européenne limitant les réductions de particules polluantes, comme le souhaitait pourtant le ministre Tomáš Hüner.
Pour Greenpeace, le ministère a ainsi bien mérité son intitulé éphémère de ministère « du Charbon et du Smog ». Membre de la branche tchèque de l’organisation, Jan Rovenský se félicite de la portée de l’action menée par deux de ses militants mardi dernier. Selon lui, l’opération ne serait pas innocente à la décision du gouvernement tchèque, mercredi, de renoncer à soutenir l’initiative polonaise :
« Je pense que le gouvernement mérite bien des remerciements pour avoir remis à sa place M. Hüner, qui a proposé cette absurde idée de s’associer à la plainte polonaise. »
Des remerciements qui peuvent sans doute plus personnellement être adressés au ministre de l’Environnement, Richard Brabec (ANO). Celui-ci ne fait cependant pas référence à l’opération menée par Greenpeace pour justifier de la décision du gouvernement de désavouer le ministre de l’Industrie :« Nous savons que la Pologne pollue clairement l’air de la région d’Ostrava, une région tchèque frontalière. Donc, de notre côté, il est évident que nous allons soutenir une réglementation plus stricte des émissions. De plus, selon moi, le tribunal ne va pas juger en fonction du nombre de pays soutenant la plainte, mais en fonction de sa pertinence. »
Au-delà de l’affaire de la plainte polonaise, les militants de Greenpeace ont d’autres motifs d’insatisfaction avec l’actuel ministre de l’Industrie et du Commerce, qu’ils jugent trop proche du lobby de l’industrie de l’énergie. Il est vrai que Tomáš Hüner, à part un intermède entre 2006 et 2011 justement comme ministre adjoint au sein de ce même cabinet, a effectué presque toute sa carrière de cadre dirigeant dans ce secteur, notamment au sein du groupe ČEZ. D’après Jan Rovenský, Tomáš Hüner n’a pas mis de temps à se rappeler au bon souvenir de ses anciens employeurs :
« Nous nous attendions à ce que M. Hüner joue le jeu de ses anciens employeurs des grandes entreprises énergétiques comme ČEZ ou bien Vršanská uhelná (une société minière d’extraction de lignite en Bohême du Nord, ndlr). Ce qui nous a surpris, c’est qu’il le fasse de façon aussi rapide et aussi funeste. Sur la plainte polonaise, il a fait cette proposition sans précédent alors que son gouvernement n’avait même pas encore la confiance des députés. »Mardi, les députés ont d’ailleurs refusé d’accorder la confiance au gouvernement minoritaire d’Andrej Babiš, le leader du mouvement ANO, et il a annoncé le lendemain la démission de son cabinet. Les organisations écologistes espèrent que M. Hüner ne sera pas reconduit dans ses fonctions dans l’éventuelle future coalition gouvernementale actuellement en négociation. Elles restent toutefois prudentes, estimant que le ministre conserve une certaine marge de manœuvre. Jan Rovenský :
« Au final, le fait que la Tchéquie n’ait pas rejoint la plainte polonaise ne signifie pas nécessairement que les nouvelles normes, qui doivent permettre de lutter contre la pollution, seront toutes appliquées sans exception. Nous craignons surtout que certaines institutions, et le ministère de l’Industrie sera clairement en première ligne, fassent en sorte d’obtenir des exceptions pour certaines des limitations. C’est un des grands thèmes qui nous attendent pour la période des quatre années à venir. »Selon les chiffres de l’OMC, la République tchèque, le dernier pays de l’Union européenne à avoir ratifié l’Accord de Paris, perdrait chaque année entre 7 et 8 % de PIB en raison des conséquences de la pollution.