Un tableau de Philippe de Champaigne émerge de l’oubli
Ceux qui aiment l’art solennel et un peu austère de Philippe de Champaigne ont une occasion unique de découvrir la facette plus intime, plus lyrique de la création de ce portraitiste attitré du cardinal Richelieu. Ils peuvent voir au palais Šternberk au Château de Prague un beau portrait récemment identifié comme celui de la femme de l’artiste.
C’est la conservatrice de la Collection d’art ancien de la Galerie nationale de Prague Anja Ševčik qui a réussi à identifier ce chef d’œuvre :
«Le tableau a été acheté en 2000 pour la Galerie morave de Brno et était présenté dans le cadre de la collection d’art flamand en tant qu’œuvre d’un maître flamand anonyme de la première moitié du XVIIe siècle. (…) Nous sommes heureux que les recherches aient démontré qu’il s’agit d’une œuvre du portraitiste le plus brillant de la France du XVIIe siècle.»
Bien qu’influencé d’abord par Rubens, Philippe de Champaigne ne s’est pas laissé séduire par l’opulence du style baroque. Il a pratiqué un art plus austère et plus spirituel qui lui a permis de devenir une des grandes figures du classicisme français. Anja Ševčik rappelle l'itinéraire de cet artiste:
«Philippe de Champaigne est né à Bruxelles et ses racines flamandes se manifestent nettement aussi dans ce portrait. L’art du détail et la facture quasi naturaliste que nous voyons sur ce tableau sont justement les traits que nous admirons dans l’art flamand. A l’âge de 19 ans le peintre est arrivé à Paris où il allait rester jusqu’à la fin de sa vie. Il s’est imposé très vite en tant qu’artiste sollicité par la meilleure clientèle. Il a participé par exemple à la décoration du Palais du Luxembourg pour la reine mère Marie de Médicis.»
Visage lisse et tendre, regard pensif, esquisse de sourire aux lèvres, bijoux aux symboles de la religion dans un décolleté chaste - c’est cette image de sa femme Charlotte que Philippe de Champaigne a laissée à la postérité. Il est évident que cette jeune femme était aimée par son époux. Pour saisir son charme naturel et familier, le peintre a opté pour la simplicité et renoncé à l’étalage de luxe. Par contre, chaque petit détail de ce portrait est bien soigné, comme si tout ce qui touchait la femme de sa vie, était sacré.
«Le tableau est non seulement le portrait de l’épouse du peintre mais aussi de l’auteur lui-même. Il nous montre comment il a vécu, quels étaient ses rapports vis-à-vis du monde. Je pense que ce n’est pas seulement un très beau tableau, un excellent portrait sur le plan artistique, mais aussi un témoignage sur la vie privée de l’auteur.»
Le bonheur de Philippe de Champaigne n’a pas été long. Epousée à l’âge de 15 ans, Charlotte est morte en 1638, dix ans après son mariage. Le peintre qui devait vivre encore 36 ans, ne s’est jamais remarié. Ceux qui désirent voir le visage de cette femme irremplaçable trouveront le portrait au palais Šternberk jusqu’au printemps 2009. Au début de l’année prochaine le tableau sera repris par la Galerie morave de Brno.