Œuvres d’art : lumière sur les faux
Comment distinguer un faux d’un original ? Au palais Sternberg, une nouvelle exposition présente les copies de tableaux, de statues et de dessins médiévaux, mais également de tableaux faussement présentés comme ceux de peintres tchèques du XIXe et du début du XXe siècle. Comme quoi les copies d’œuvres d’art ont existé de tous temps – et aujourd’hui encore, elles constituent une menace aussi bien pour les musées et les galeries que pour les collectionneurs privés.
Alors que les spécialistes estiment que jusqu’à 30 % du marché tchèque des œuvres d’art se compose actuellement de faux, la Galerie nationale vient d’ouvrir une exposition qui présente des faux produits à différentes époques et différents endroits du monde.
Copies de portraits dans le style des maîtres allemands ou hollandais, marines et autres paysages… L’exposition intitulée « Falza? Falza! » souligne le fait qu’une signature de maître n’est nullement un gage d’authenticité. Elle présente également les travaux de faussaires si doués qu’ils en sont devenus célèbres : c’est par exemple le cas de Han van Meegeren, faussaire néerlandais spécialiste de Vermeer, mais également de l’Italien Icilio Federico Joni, qui s’était pour sa part spécialisé dans la contrefaçon de tableaux de la peinture siennoise.
Didactique, cette exposition est le résultat d’une collaboration de la Galerie nationale avec des spécialistes de l’Institut de physique nucléaire de l’Académie des sciences tchèques, ainsi que de l’Institut de criminologie de la police tchèque. Elle présente aux visiteurs les techniques permettant de distinguer un original d’un faux. Ainsi Václava Antušková, chercheuse au laboratoire de la Galerie nationale, explique comment un microscope permet, en agrandissant jusqu’à 500 fois un échantillon de tableau, d’observer les différentes couches qui composent un tableau :
« Ici, nous observons un tableau du peintre tchèque Jakub Schikaneder, dont les œuvres sont caractérisées par un nombre important de fines couches. Sur le deuxième échantillon, qui est un faux, on remarque des pigments qui ne sont pas typiques chez ce peintre, et surtout, la superposition de couches caractéristique n’est pas présente. »
A la fin des années 2000, les membres d’un trafic de contrefaçons d’œuvres de peintres tchèques tels que Jan Zrzavý et Kamil Lhoták avaient été arrêtés et condamnés. Mais ce n’est pas cela qui a mis un terme à cette activité illégale juteuse tant qu’elle reste invisible : en République tchèque, à l’heure actuelle, plusieurs groupes organisés font actuellement l’objet de poursuites judiciaires pour production de faux, d’après Marek Kotrlý, de l’Institut de criminologie de la police tchèque. Le commissaire de l’exposition Jan Skřivánek explique en quoi la situation du marché tchèque diffère du reste du monde :
« Si quelque part dans le monde une toile inconnue de Pablo Picasso fait son apparition, c’est une grande surprise. Dans le milieu tchèque, si une toile inconnue d’Emil Filla fait son apparition, c’est a priori possible, car les œuvres d’artistes tchèques ne sont pas enregistrées. »
En effet, en République tchèque, la plupart des artistes modernes n’a pas de catalogue recensant ses œuvres. A moins qu’un tableau ait déjà été recensé dans des collections ou qu’il existe une photo de l’artiste avec son œuvre, il est très difficile d’en vérifier l’authenticité, comme l’explique Matyáš Kodl, de la galerie d’art Kodl :
« Sur le marché occidental, tous les artistes connus disposent d’une liste de leurs œuvres, ce qui facilite largement la vérification de l’authenticité d’une œuvre. A la galerie Kodl, nous essayons de financer la publication de telles listes, car cela contribue à la qualité du marché. »
Ainsi les faux peuvent être trouvés même dans les salles de ventes tchèques et mondiales les plus réputées. La Galerie nationale est elle-même propriétaire de plusieurs faux, qu’il s’agisse de biens confisqués après la guerre ou acquis – avec la conviction qu’il s’agissait d’originaux – à une époque où la technologie ne permettait pas d’authentifier les œuvres. C’est notamment le cas de deux croquis d’étude soi-disant réalisés par František Kupka.
Au palais Sternberg, en tout cas après avoir passé en revue les originaux exposés et leurs copies, après avoir étudié les techniques de différenciation, le visiteur peut lui aussi jouer à l’expert en contrefaçon et s’amuser à essayer de distinguer une œuvre originale de sa copie sur deux portraits du XVIe siècle exposés côte à côte. L’exposition reste ouverte jusqu’au 1er mai 2022.