Une médaille de la fidélité pour les couples mariés ? La curieuse idée d’une sénatrice tchèque

C’est d’une proposition pour le moins inhabituelle dont débattront les sénateurs tchèques ce mercredi. Pour récompenser « les couples exemplaires, formés d’un homme et d’une femme », une sénatrice a émis l’idée qu’un « prix de la fidélité » leur soit attribué. Mais derrière cette initiative se cache une intention moins avouable : discréditer les autres formes de vie commune, après que le débat sur le mariage pour tous a été relancé sans succès au Parlement en juin dernier.

On a souvent tendance à présenter la société tchèque comme une société très libérale, où, à la différence des pays voisins d’Europe centrale beaucoup plus conservateurs, l’Église catholique, et plus généralement la religion et ses mœurs, n’a qu’une faible influence dans le débat public.

Mais alors que c’est finalement la Slovénie qui, début octobre, est devenue le premier pays d’Europe de l’Est à légaliser les unions civiles et l’adoption pour les couples homosexuels, et non pas la République tchèque comme certains à Prague l’espéraient, au Parlement tchèque, justement, le débat sur le mariage pour tous continue de s’enliser. Dernièrement en juin, lorsque le projet d’amendement du Code civil allant dans ce sens n’a une nouvelle fois pas été approuvé par les députés.

Et après le meurtre de deux personnes devant un bar gay à Bratislava, en Slovaquie, le 12 octobre, le Premier ministre conservateur Petr Fiala avait réagi en parlant des gays et des lesbiennes comme de « gens avec un autre style de vie » ; une déclaration qui lui avait valu de vives critiques et dont il s’était finalement excusé.

Ainsi donc, depuis 2006, seul le « partenariat enregistré » continue de permettre aux couples homosexuels de vivre officiellement ensemble en République tchèque. Et si ce surplace législatif en raison d’une démagogie essentiellement considérée comme politiquement motivée suscite parfois une forme de ras-le-bol, c’est pourtant d’une tout autre « réforme » dont il sera question ce mercredi, au Sénat cette fois.

Daniela Kovářová | Photo: Kateřina Cibulka,  ČRo

L’idée présentée par Daniela Kovářová, avocate spécialisée dans le droit de la famille, ancienne ministre de la Justice (2009-2010) et élue sénatrice en septembtre dernier comme candidate sans étiquette, serait d’instaurer un « Prix de la fidélité pour les couples mariés ». Autrement dit d’honorer les couples formés d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble depuis un certain nombre d’années.

Ces médailles seraient décernées par la Chambre haute du Parlement: plus concrètement, de bronze pour les noces d’or (50 ans de mariage), d’argent pour les noces de diamant (60) et d’or pour les noces de platine (70).

Preuve que cette initiative ne laisse pas insensible, celle-ci a déjà fait l’objet de très nombreux commentaires, souvent moqueurs et même sarcastiques, dans les médias ces deux dernières semaines. La Radio tchèque y a consacré une émission « pour ou contre » lundi soir, deux jours avant donc le Sénat.

Si Daniela Kovářová a refusé de participer à l’émission, en revanche la sénatrice Adéla Šípová, représentante d'un Parti des Pirates favorable à l’instauration du mariage pour tous, a expliqué ne pas encore bien saisir le sens de la proposition de sa collègue :

Adéla Šípová | Photo: Pirátská strana,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 2.0

« Je ne sais pas encore, et je voudrais donc d’abord bien le savoir, ce que ces auteures entendent par fidélité. Il faudra d’abord qu’elles nous précisent cette notion, à qui elle s’applique et comment elle sera contrôlée ou testée. Mais, à mes yeux, il est étonnant que le Sénat doive se pencher sur une évaluation de la fidélité des couples. »

Selon Jitka Chalánková, présidente de la sous-commission en charge des affaires familiales au Sénat, qui est elle aussi favorable à l’idée, l’adoption de ce prix de la fidélité permettrait d’abord de récompenser les couples hétérosexuels pour leur soutien réciproque et l’exemple qu'ils donnent à d’autres personnes dans les moments difficiles.

Les couples homosexuels, puisqu’ils n’ont de toute façon pas le droit de se marier et, dans l'esprit des sénatrices, ne sauraient être envisagés comme modèle de vie en commun, ne seraient alors bien évidemment pas pris en considération.

Quoi qu’il en soit, en attendant de voir la suite qui sera donnée à cette proposition, nul doute que le débat au Sénat fera l'objet d'une attention particulière ce mercredi.