Une quarantaine de synagogues brûlées dans les Sudètes au cours de la Nuit de cristal, il y a 70 ans
Des synagogues et des magasins incendiés, des vitrines et fenêtres cassées, une centaine de Juifs tués au cours des violences, 30 000 Juifs vers les camps de concentration. C’est ce qui s’est passé il y a 70 ans en Allemagne, au cours de la nuit du 9 au 10 novembre 1938, appelée la Nuit de cristal.
La Nuit de cristal fut le plus vaste pogrome antijuif dans l’histoire contemporaine et le prélude à l’élimination systématique des Juifs. L’assassinat d’un conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, le 6 novembre 1938, par un Juif polonais, Herschel Grynszpan qui voulait se venger pour la déportation de ses parents, a servi de prétexte. Pour la première fois, au cours de cette nuit, il s’agissait d’un acte de persécution contre les Juifs organisé par l’Etat. Des bandes composées de SS, de la Jeunesse hitlérienne, de la Gestapo et d’autres forces de police ont attaqué les Juifs en s’emparant de leurs biens.
Cette démonstration antisémite a touché l’ensemble de la communauté juive à travers toute l’Allemagne nazie dont aussi l’ancien territoire tchécoslovaque, les Sudètes. Depuis 6 semaines alors, les Sudètes faisaient partie du Reich, conformément aux Accords de Munich. Au cours du pogrome, la plupart des synagogues considérées comme le symbole de la présence et du succès de la minorité juive ont été incendiées. La liste des citoyens d’origine juive était la clé de l’accomplissement du pogrome, souligne Helena Krejčová de l’Institut d’histoire moderne :
« Dans les Sudètes, les nazis se sont tout d’abord emparés des registres de l’état civil qui faisaient partie des synagogues et seulement après ils les ont incendiées. Cela a continué encore dans la nuit de la Saint-Sylvestre au Jour de l’An. »
Margita Maršálková a vécu le pogrome dans les Sudètes à l’âge de 9 ans. Un cri horrible l’a réveillé:
« Sous nos fenêtres, une foule d’hommes a crié: Juifs dehors, Juifs à la potence… »
Le père de Margita Maršálková a été déporté vers le camp de concentration d’Auschwitz, la mère a essayé de protéger au maximum ses filles. Finalement elle a succombé aux énormes pressions psychiques:
« Elle a pensé que c’est elle, le plus grand obstacle, qu’elle doit se retirer… et elle s’est suicidée… »
Une quarantaine de synagogues ont été brûlées dans les Sudètes. Sur tout le territoire du Reich, plus de 260 synagogues ont été détruites, 7 500 commerces et entreprises exploités par des Juifs saccagés; 91 Juifs ont été assassinés, des centaines d’autres se sont suicidés ou sont morts suite à leurs blessures et près de 30 000 ont été déportés vers les camps de concentration.
Après cette nuit, les Juifs d’Allemagne n’ont non seulement pas reçu les indemnisations de la part des caisses d’assurance, mais ce sont eux qui ont dû payer à l’Etat un milliard de marks d’amendes pour les réparations des "dégâts causés par la juste fureur nationale". De nombreuses représailles ont suivi le pogrome. Ainsi, les passeports juifs ont été marqués de la lettre J – Jude. Les enfants ne pouvaient pas fréquenter les écoles publiques, les Juifs ne pouvaient pas exercer les métiers de médecins et d’avocats.
Les premières pierres de la mémoire sont apparues dans les rues du quartier juif de Prague au mois d’octobre dernier. Leur sens est de rappeler la mémoire des millions de victimes de la Shoah. De petites plaques métalliques encadrées dans le pavé portent les noms de Juifs disparus.
Max Eckstein est l’une de ces victimes. On ne sait que très peu de choses sur sa vie, il n’y a personne qui pourrait en dire davantage, dit Leo Pavlát, directeur du Musée juif de Prague, en résumant les rares informations disponibles:
« Il est né en 1896, il a été assassiné à Lodz à l’âge de 46 ans. Max Eckstein a été déporté vers le camp de concentration dans le cadre du transport C 396. C’est tout ce que nous savons de cet homme, et c’était ici à Prague, l’adresse de son dernier domicile. »
Le destin des victimes du nazisme est rappelé par des milliers de pierres de la mémoire en Europe, ajoute Petr Mandl, président de l’Union tchèque de la jeunesse juive:
« Ces pierres rendent hommage a tout ceux qui ont été systématiquement persécutés et exterminés, donc, à part les Juifs, les Roms et les handicapés physiques, également les membres des groupes de résistance. »
Près de 16 500 pierres de la mémoire dans toute Europe rappellent les victimes de la Shoah et leur trace laissée dans ce monde, dit l’auteur du projet, Günter Demning. Ces pierres se trouvent en Allemagne, en Hongrie, en Autriche, aux Pays-Bas et, depuis le mois d’octobre dernier, également en Tchéquie.