Une sixième édition de la Prague Pride placée sous le signe de l’amour
C’est par un concert sur l’île Střelecký qu’a été lancée lundi soir la sixième édition de la Prague Pride, le festival des communautés LGBT, avec pour thème principal cette année le « droit d’aimer ». Désormais bien implantée dans le paysage culturel de la capitale tchèque, la manifestation propose quelque cent événements durant toute une semaine et culminera samedi par la traditionnelle marche des fiertés dans les rues de la ville.
Et de l’amour, il y en avait lundi soir sur l’île Střelecký, au cœur de Prague, où se sont produits sous un soleil aoûtien des artistes comme Adam Mišík, Vladivojsko ou encore Jan Bendig. Le comédien égyptien Omar Sharif Jr., le petit-fils du célèbre acteur homonyme, était l’invité vedette de la soirée. En 2012, il révélait publiquement son homosexualité, un coming-out mal accueilli en Egypte malgré les espoirs qu’il plaçait dans les changements qui bouleversaient alors le pays. Omar Sharif Jr., contrant d’émigrer en Amérique du Nord, s’est depuis engagé pour les droits des minorités sexuelles, un engagement qui justifie sa participation à la Prague Pride.
De l’amour, il ne fait guère de doute qu’il y en aura encore à revendre, et particulièrement samedi à l’occasion de la marche des fiertés, rendez-vous estival désormais incontournable dans la capitale tchèque. Directrice de la Prague Pride, Kateřina Saparová souligne son importance :
« Le défilé de samedi est évidemment le point culminant du programme. Nous tablons sur la participation de 20 à 25 000 personnes. Ce défilé est important car il faut qu’il soit visible. Je suis persuadée que l’aversion à l’égard des gays et des lesbiennes, l’homophobie, est liée au fait que vous ne savez pas ce que c’est. C’est pour cela que nous voulons que le défilé soit visible. Nous essayons de le faire coloré, joyeux. Ce n’est pas une manifestation, c’est réellement une fête pour célébrer la façon dont notre communauté a avancé ces derniers temps. Car l’époque où l’homosexualité était criminalisée n’est pas si lointaine. D’où la fierté, parce que tout ce que nous avons aujourd’hui, nous avons dû nous battre étape par étape pour l’obtenir. »Car la marche des fiertés n’est que la partie émergée du festival, lequel propose au total une centaine d’événements, tels que des concerts, des représentations théâtrales mais aussi des débats et des conférences. Le combat des minorités sexuelles pour l’obtention de droits égaux n’est en effet pas terminé, même en République tchèque. C’est ce qu’estime le sociologue Zdeněk Sloboda, qui collabore à l’organisation du festival avec l'association PROUD, la plate-forme pour l’égalité des droits :
« Nous serions heureux si ce n’était plus le cas, mais les inégalités persistent pour les citoyens dits LGBT, des inégalités face à des droits fondamentaux comme le droit à la famille ou le droit de conclure une union civile. Prague Pride offre une visibilité à tous ces thèmes très hétéroclites car le festival lui-même est hétéroclite, ce n’est pas seulement la marche des fiertés. »Le festival met particulièrement l’accent sur deux enjeux. D’abord sur le droit des couples homosexuels à élever des enfants. Dans les faits, ces couples, souvent lesbiens, sont de plus en plus nombreux en Tchéquie - Kateřina Saparová parle même de « Gayby boom », mais ils ne bénéficient d’aucune reconnaissance légale.
La Prague Pride veut également sensibiliser, davantage que lors des précédentes éditions, au virus du sida. Le nombre de cas de séropositivité au VIH reste plutôt faible en République tchèque, mais l’épidémie progresse de plus en plus rapidement. Cette semaine, les festivaliers peuvent effectuer des tests de dépistage gratuitement et des milliers de préservatifs vont être distribués. Pour Kateřina Saparová, c’est ainsi que le festival cultive sa différence, il est à la fois une fête et un événement militant :
« Prague Pride est spécifique dans le sens où nous sommes à la frontière entre l’Ouest et l’Est. Plus à l’ouest, les Gay Pride sont souvent des fêtes qu’on pourrait qualifier de commerciales. A l’Est, ce sont vraiment des manifestations pour les droits des gays et des lesbiennes. Nous sommes quelque part entre les deux et je pense que nous parvenons à combiner ces deux aspects. Nous sommes un festival culturel de défense des droits de l’homme et en même temps, vous trouverez des fêtes et l’atmosphère lors de la marche de samedi est plutôt festive. »Il n’empêche que durant le défilé samedi, une minute de silence sera respectée à la mémoire des victimes de la tuerie d’Orlando, une façon de rappeler qu’aujourd’hui encore, on peut être tué à cause de son orientation et de son identité sexuelle.