Une tornade de niveau F4, un phénomène très rare en Europe

La tornade qui a ravagé plusieurs villages de Moravie du Sud, jeudi soir, probablement la plus puissante dans l’histoire récente du pays, est un phénomène rare en Europe centrale, mais aussi plus largement à l’échelle européenne. Néanmoins, le fait qu’une tornade de cette gravité ait frappé précisément le sud-est de la République tchèque est moins surprenant.   

Pourquoi les météorologues ne l’avaient-elles pas prévue ? Pourquoi ne nous ont-ils pas prévenus des risques ? Telles sont deux des principales questions que se sont posés les habitants des communes touchées lorsque, tout au long de la nuit de jeudi à vendredi, il leur a fallu faire le constat des dégâts causés par le passage d’une tornade dont les images ont évoqué des scènes d’apocalypse plus fréquentes de l’autre côté de l’Atlantique.

Michal Žák | Photo: Alžběta Švarcová,  ČRo

Mais comme l’explique le météorologue Michal Žák, que le grand public connaît bien pour sa présentation régulière des bulletins météo sur la Télévision tchèque, prévoir ce type de phénomène relève d’une mission quasi impossible :

« On peut vraiment parler d’événement exceptionnel à l’échelle de la République tchèque. Je ne me souviens pas d’un phénomène similaire dans notre pays, même si on peut faire un parallèle avec la tornade qui était passée à Litovel, dans les environs d’Olomouc, en Moravie donc aussi, en 2004. Toutefois, les dégâts avaient été moindres à l’époque. La combinaison des facteurs qui a abouti à l’apparition de ces orages extrêmement violents, appelés supercellulaires, est elle aussi exceptionnelle. »

« Elle l’est pour nous, météorologues, car il est particulièrement compliqué de prévoir une tornade. Même aux Etats-Unis, où nos collègues sont plus habitués à ce type de phénomènes, leurs prévisions ne sont pas toujours justes. Compte tenu de l’ampleur des dommages, il est possible d’évoquer une tornade de niveau F3 ou F4 sur l’échelle de gravité, ce qui correspond à des dégâts considérables à dévastateurs. C’est pourquoi on peut parler de la tornade la plus puissante dans l’histoire récente de la République tchèque ou de la Tchécoslovaquie. »

La tornade la plus longue en République tchèque s’est produite en 1910. Elle avait duré plus de trois heures et s’était déplacée approximativement de České Budějovice à Karlovy Vary, soit donc sur environ 180 kilomètres du sud à l’ouest de la Bohême.

La tornade à Litovel en 2004 | Photo: ČT24

Normalement, cependant, les rares tornades recensées ne durent tout au plus que quelques minutes et ne se déplacent que sur quelques centaines de mètres. Avant ce jeudi, la tornade la plus destructrice de ces dernières décennies s’était produite à Litovel en juin 2004, avec alors une cinquantaine d’habitations endommagées.

Une 'tornade' d’Orbis Pictus par Johann Amos Comenius | Source: Wikimedia Commons,  public domain

Plus loin dans l’histoire et dans les archives, la première tornade en Bohême ou en Moravie dont il reste une trace écrite, remonte au 30 juillet 1119 à Prague. Elle avait détruit une grande partie du palais princier qui se trouvait alors sur la colline de Vyšehrad et, dans la Chronique de Cosmas, le phénomène naturel avait été qualifié de « Satan sous la forme d'un tourbillon ».

Des mots semblables à ceux employés, jeudi, par le président de la région de Moravie du Sud. Après avoir d’abord évoqué « un enfer sur Terre » suite à son passage dans les communes dévastées par des vents dont certains ont soufflé à plus de 300 km/h, Jan Goblich a mis plus en avant l’immense vague de solidarité qui s’en est suivie :

« Nous recevons une aide très importante de beaucoup de monde et nous en sommes très reconnaissants. Mais je prie les volontaires qui voudraient se rendre d’eux-mêmes sur les lieux de ne pas le faire et de rester chez eux, car il s’agit d’une mission qui nécessite l’expertise de professionnels, notamment pour ce qui est du travail de fouille dans les décombres par les secouristes, qui sont venus aussi des pays voisins. »

Moravská Nová Ves | Photo: Václav Šálek,  ČTK

Pays frontaliers de la Moravie, l’Autriche et la Slovaquie, dont les autorités ont aussitôt réagi pour apporter leur aide et prêter main forte aux services de secours tchèques, auraient d’ailleurs pu elles aussi être touchées par la tornade. Michal Žák précise pourquoi :

Une tornade à Olešnice  (Moravie du Sud) en 2010 | Photo: Site officiel de la ville d’Olešnice

« La région qui englobe le nord de l’Autriche, la Moravie du Sud et l’ouest de la Slovaquie, et plus globalement l’ensemble de la région qui se trouve au nord-est des Alpes, présente de manière générale le risque de violents orages le plus élevé en Europe centrale. Au-delà de son ampleur, qui encore une fois est exceptionnelle, qu’une tornade ait donc frappé la Moravie du Sud plutôt qu’une autre région en République tchèque n’est donc pas étonnant compte tenu des conditions atmosphériques qui y règnent. Mais la fréquence des averses de grêle, avec cette fois dans certains endroits des grêlons d’un diamètre extrême à l’échelle tchèque, témoigne aussi du caractère particulier de la région. »

Reste que, toujours selon le météorologue, le passage de cette tornade restera un événement qui fera date non seulement dans l’histoire de la météorologie en République tchèque, mais aussi de celle de l’ensemble du continent :

« Oui, parce que ce n’est certainement pas un phénomène courant. Des tornades en tant que telles, il y en a en Europe, ça oui. Mais dans la très grande majorité des cas, leur gravité est faible et reste à un niveau se situant entre F0 et F1. On peut déjà parler d’un phénomène exceptionnel lorsque leur niveau grimpe à F2, et plus rarement encore à F3. Et donc une tornade de niveau F4, c’est quelque chose de tout à fait exceptionnel. »

L’église à Hrušky | Photo: Václav Šálek,  ČTK