Une visite de Konopiste, dernier siège du successeur au trône autrichien
Aujourd'hui, j'aimerais vous faire découvrir le château fort médiéval de Konopiste, l'un des plus majestueux dans notre pays, après le château de Prague. Situé non loin de la capitale, à une quarantaine de kilomètres en direction sud, au milieu d'un paysage boisé et légèrement ondulé, il mérite vraiment d'être visité. Konopiste a été le dernier siège du prince héritier au trône des Habsbourg, François-Ferdinand d'Este, dont l'attentat, le 28 juin 1914, à Sarajevo, a servi de prétexte au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Konopiste est réputé par ses collections d'armes et de trophées de chasse et par ses intérieurs richement équipés et confortablement aménagés, ainsi que par un vaste parc qui l'entoure. Fondé au 13e siècle, Konopiste était pendant de longues décennies en possession de l'une des familles les plus puissantes en Bohême - les seigneurs de Benesov, qui ont donné le nom à la ville tout proche. Le château a été conçu comme une immense forteresse gothique, son architecture étant influencée de celle des châteaux français, avec de puissantes tours cylindriques sur les pourtours. Une première intervention dans sa structure architectonique a été réalisé à la fin du 15e siècle. 100 ans plus tard, il a subi un remaniement substantiel en style Renaissance qui lui reste toujours empreint. En 1622, c'est Albrecht de Wallenstein, généralissime de l'armée impériale, qui s'empare du domaine de Konopiste confisqué. Le château souffre de la présence de troupes suédoises qui l'occupent en 1648. Konopiste vit une période de déclin, change de propriétaires... En 1887, il est vendu à l'archiduc autrichien, François-Ferdinand d'Este, âgé alors de 24 ans.
François-Ferdinand d'Este était neveu aîné de l'empereur autrichien, François Joseph 1er. Par la maison impériale, il était prédestiné à une carrière de militaire. Or, après le suicide du prince héritier Rodolphe, l'empereur a officiellement confirmé, en 1897, la succession de François-Ferdinand d'Este. C'est en ce moment-là qu'il a décidé d'un remaniement de Konopiste en résidence somptueuse du futur empereur autrichien. Une autre raison pour s'y installer était son amitié avec la comtesse Sophie Chotek, sa future épouse. Conscient que le principe dynastique des Habsbourg ne permettra jamais que la comtesse d'origine plus basse jouisse à la cour impériale des mêmes droits qui sont réservés à l'épouse de l'empereur, et très sensible à l'idée des contrariétés éventuelles manifestées à l'égard de Sophie, il décide de s'installer à Konopiste, loin des intrigues de la cour viennoise.Sous François-Ferdinand, le château a subi une refonte complète pas seulement des extérieurs, remaniés dans l'esprit du romantisme historisant, mais surtout des intérieures, prédestinés à se transformer en siège impérial, à l'image de celui de l'empereur François-Joseph à Ischl en Autriche. Siège, en plus confortable, équipé des derniers cris de la technique, de l'éclairage électrique, du chauffage central et des ascenseurs.
La plupart des salles du château ont été décorées des collections de l'archiduc. Celles-ci avaient pour base les objets hérités du duc de Modène, parmi lesquels une splendide collection d'armes. A ces collections héritées, l'archiduc allait ajouter celles réunies au cours de ses voyages fréquents : collections de sculptures, de tableaux, de dessins, de meubles, du verre, de la porcelaine, des bronzes, de la vaisselle, d'objets d'étain, mais aussi d'objets trahissant un goût assez spécial - de pierres tombales, d'instruments de torture. L'archiduc possédait également des collections de nécessaires de voyage, d'objets de souvenir, d'appareils de mesure et de diverses curiosités, de tabatières, par exemple. De tous ces objets, deux collections seulement, les plus chères à l'archiduc, ont été installées à Konopiste. D'autres ont été placées au grand musée ethnographique impérial que l'archiduc a fait fonder.La première collection d'armes contenant presque 5000 exemplaires peut, à plusieurs égards, rivaliser sa grandeur et sa beauté avec les collections d'armes de Vienne et de Madrid. Elle est la seule au nord des Alpes à contenir un riche ensemble de travaux d'armuriers italiens qui fabriquaient leurs produits pour la famille Médicis de Florence. La deuxième collection installée à Konopiste est celle des objets représentant saint Georges. L'archiduc a été très fier de cette collection non pas héritée mais fondée et réunie par lui-même. La symbolique de saint Georges, tirant son origine dans la mythologie antique, qui a pris forme de combat victorieux de Georges contre le dragon, a été très proche du successeur puisque reflétant son propre combat pour Sophie. La collection saint Georges contient un nombre respectable de 3750 objets. Le château de Konopiste a accordé un refuge encore à une autre collection de l'archiduc, celle des trophées de chasse.
Peu avant son voyage à Sarajevo, l'archiduc François-Ferdinand d'Este a reçu à Konopiste, les 12 et 13 juin 1914, la visite de l'empereur allemand Guillaume II accompagné du commandant suprême de la marine allemande, l'amiral Alfred Tirpitz. L'empereur allemand et le successeur au trône autrichien ont eu suffisamment de raisons pour s'entretenir des rapports entre les deux Etats. Tel a été sans doute le contenu de leurs négociations, et non pas des préparatifs de guerre, comme on racontait en Bohême. Ferdinand, ennemi de conflits, ne voulait certes jamais se prêter à l'aventurisme guerrier quelconque. On a pourtant spéculé que les Allemands ont décidé de régler l'affaire une fois pour toute, en préparant l'attentat contre le personnage incommode et en se servant de son assassinat comme prétexte pour déclencher la guerre.
Il est un fait que quelques jours après le départ de Guillaume de Konopiste, le successeur et son épouse sont partis pour la Bosnie où François-Ferdinand a dû participer aux manoeuvres de l'armée impériale. Dans la capitale de Bosnie, Sarajevo, ils sont devenus, le 28 juin, tout deux victimes d'un attentat perpétré par des terroristes serbes. En visitant Konopiste, on se rend compte à chaque pas de la présence de François Ferdinand, de son goût, de ses idées sur le style de vie. Et on se demande quelle aurait été l'évolution de l'Europe s'il n'y avait pas eu de cet attentat...