Une vive polémique, et pas seulement autour de la Prague Pride
Pendant quatre jours, Prague accueille un festival consacré aux minorités sexuelles, gays, lesbiennes, transsexuels et transgenres. Il culminera ce samedi par la Prague Pride, premier « défilé des fiertés » jamais organisé dans la capitale tchèque. L’initiative est soutenue par le maire de Prague Bohuslav Svoboda et par onze ambassadeurs européens et les ambassadeurs des Etats-Unis et du Canada. D’un autre côté, la manifestation a suscité la désapprobation du chef de l’Etat Václav Klaus et de certains hauts fonctionnaires et politiciens tchèques. L’événement et la controverse qu’elle a déclenchés ont richement alimenté la presse nationale de cette semaine... Nous avons également retenu un article qui se penche sur les activistes anti-islamiques tchèques.
Ces propos ont provoqué une vive polémique. Considérés comme homophobes et inacceptables par une grande partie de l’opinion publique, des médias et des représentants politiques, toutes tendances confondues, le président de la République a, quant à lui, soutenu son chancelier adjoint en dénonçant le patronage accordé à la manifestation par le maire de Prague. Il a en outre déclaré qu’il y a lieu de « tolérer l’homosexualité, mais pas l’homosexualisme ».
L’utilisation de ce dernier terme inédit a soulevé plus d’une interrogation dans la presse.« Le terme homosexualisme est bizarre. On ne le trouve pas dans le dictionnaire, on ne le trouve pas non plus sur Wikipedia », écrit Petr Honzejk dans le quotidien économique Hospodářské noviny et d’ajouter :
« L’homosexualité a été décriminalisée, il y a quelques décennies encore pour être finalement rayée de la liste des maladies. Mais même aujourd’hui, les homosexuels doivent lutter contre les préjugés, car la tolérance à l’égard de cette minorité demeure très fragile… Désormais, les extrémistes qui voudront s’en prendre aux ‘tarlouzes’, pourront le faire, sous le prétexte intellectuel de lutte contre l’homosexualisme ».
« Nul besoin de craindre Klaus, mais le klausisme » est le titre d’un texte rédigé par le journaliste Karel Hvížďala, auteur du très connu Interrogatoire à distance, livre d’entretiens avec l’ancien président et dramaturge Václav Havel, écrit dans les années 1980. Dans son article il s’intéresse au soutien que « le Château », soit le président, n’hésite pas à accorder à certaines personnes aux caractéristiques ou au passé douteux et qui gravitent dans les cercles du pouvoir. Il s’agit notamment de Ladislav Bátora, chef de l’initiative souverainiste DOST, ancien candidat du Parti national, un parti d’extrême droite et par ailleurs un des farouches critiques de la Prague Pride. Aujourd’hui haut fonctionnaire au ministère de l’Education, cet « homme de conscience, bon catholique, conservateur de vieille école », comme le décrit le ministre Josef Dobeš, aurait été lié à des associations poursuivies par les services de sécurité de l’Etat pour leur soutien actif à l’antisémitisme et au fascisme. Karel Hvížďala remarque :« Diplomatiquement parlant, on peut dire que le Château a tendance à soutenir l’extrémisme de droite, sous prétexte de liberté de la parole, laquelle cependant, comme on le sait, est toujours géographiquement et historiquement conditionnée et ne peut donc jamais être absolue. Riche de sa récente expérience avec le national-socialisme et Hitler, l’Europe applique donc d’autres restrictions de la liberté de la parole que, par exemple, les Etats-Unis. En Europe, toute défense du nazisme est inacceptable… Le danger du klausisme consiste donc dans le fait que celui-ci n’accepte pas ce contexte culturel et qu’il profite des thèmes controversés pour mettre en relief leurs étranges acteurs qui gagnent ainsi une trop grande place dans l’espace publique ».
Collaborateur régulier du quotidien Lidové noviny, Miroslav Macek, ancien haut fonctionnaire et représentant politique de droite, a publié dans les pages du journal un article intitulé « Ce ne sont pas les homosexuels, mais leur arrogance qui contrarie ». Dans cet esprit, il écrit, nous citons :
« Si les homosexuels sont acceptés par la population, c’est en revanche une certaine arrogance avec laquelle ils veulent démontrer, avec le soutien de défenseurs fanatiques des minorités, que l’homosexualité est quelque chose de ‘mieux’, quelque chose qui est digne d’admiration, de fierté, voire d’orgueil et qui mérite d’être manifesté de manière ostentatoire, c’est donc cette arrogance qui déplaît. Nous autres qui ne l’acceptons pas, sommes étiquetés comme homophobes. »Ce qui est pire encore aux yeux de Miroslav Macek, « c’est que les gens qui n’acceptent pas cette ‘différence’ manifestée de façon spectaculaire et qui critiquent leur soutien de la part des autorités, sont accusés d’intolérance, de xénophobie, d’obscurantisme, d’extrémisme de droite et d’autres crimes contre la société multiculturelle ».
Dans une note publiée par le quotidien Mladá fronta Dnes, le journaliste chrétien conservateur Michal Semín va plus loin encore en signalant au sujet de la Prague Pride : « le fait que les hauts représentants des partis ODS et TOP09, en tête avec le maire de Prague, aient levé le drapeau de cette révolution éthique, morale et sociale, est une tragédie de la politique de droite tchèque… Le patronage qu’ils ont accordé à la Prague Pride témoigne de l’absence de politique conservatrice. » Et de conclure :
« Certaines sénateurs demandent la liquidation politique de Ladislav Bátora, prétendant que sa présence au ministère de l’Education légitime l’extrémisme. C’est une honte. Ils négligent que les véritables extrémistes sont ceux qui cherchent à démonter les traditionnelles valeurs culturelles et de civilisation ».Le politologue Bohumil Doležal resitue pour sa part, dans les pages du journal Lidové noviny, le festival Prague Pride dans le contexte des émeutes qui viennent d’affecter certaines villes en Grande-Bretagne. Il écrit :
« La situation de départ dans les deux pays est certes différente. Les participants au festival de Prague veulent se faire voir et faire valoir leurs droits. Ils se font remarquer avec insistance et avec une certaine hystérie. Mais c’est ce que les minorités ont l’habitude de faire, surtout celles qui font l’objet d’ostracisme. La majorité civilisée, elle, l’accepte avec indulgence… Il serait donc absurde d’imaginer dans ce contexte des pillages ou des émeutes. Ce qui inquiète cependant c’est de voir à quel point la situation autour de la Prague Pride s’est rapidement enflammée. Peut-on s’attendre finalement à une barrière insurmontable entre la minorité et la majorité ? Comparé à ce qui se passe en Angleterre, notre situation est bonne. Force nous est cependant de constater que nous aussi, nous avons entamé notre descente ».
« Les Tchèques ont peur des musulmans, en dépit du fait que ces derniers soient très peu nombreux », constate dans une de ses récentes éditions l’hebdomadaire Respekt. Dans un article qui s’est penché sur le phénomène, nous pouvons lire :
« D’un point de vue statistique, la Tchéquie n’a aucun problème avec les musulmans, notamment à cause du fait que, comparé à la situation dans d’autres pays de l’Union européenne, il n’y en a pas beaucoup : leur nombre est évalué à près de onze mille personnes. En plus, il ne s’agit pas de travailleurs immigrés pauvres, mais avant tout de médecins, d’hommes d’affaires et d’ingénieurs. Pourtant, la peur des musulmans se répand même au sein de la population tchèque ».
Pour illustrer les craintes et les préjugés d’une grande partie de la population tchèque, le journal cite Vladimir Derner, vice-gouverneur de la région de Hradec Kralové, ville qui s’était opposée contre la construction d’une mosquée sur son territoire et qui dit :
« Pour l’instant, les musulmans se tiennent en retrait, mais dès qu’ils seront assez nombreux, ils se serviront de moyens démocratiques pour liquider notre démocratie ».Les activités anti-islamiques se déroulent sous forme de polémiques et de discussions sur internet. Une occasion pour leurs participants de proposer différentes solutions, dont Respekt cite « une politique d’immigration rigoureuse, l’expulsion de musulmans s’opposant activement à ‘l’ordre démocratique’ »… ou encore celle proposant « l’expulsion des musulmans vers un territoire suffisamment large en dehors des nations européennes ».
« Pour défendre leurs débats sur internet, les activistes anti-islamiques tchèques se réfèrent à la liberté de la parole », signale le journal qui rappelle dans ce contexte le rôle néfaste des blogs anti-islamiques qui ont précédé la récente tragédie norvégienne. En conclusion, il écrit :
« Les adversaires tchèques de l’islam refusent une telle argumentation, condamnant l’acte d’Anders Breivik comme celui d’un individu déséquilibré… en ce qui concerne leur croisade contre l’islam, ils veulent bien la poursuivre ».